René Dupéré : Cet argent qui change le monde
Société

René Dupéré : Cet argent qui change le monde

À l’occasion de la Journée internationale des femmes, Canal D présente Awa O Gbé, un documentaire consacré à la démarche humanitaire d’Élise Velle et René Dupéré. Le compositeur d’Alegria nous parle de leur action inédite en Afrique.

"Au départ, c’était un projet de couple", précise René Dupéré, qui a toujours tenu à ce que l’initiative demeure à hauteur d’homme. Et surtout de femme.

Il y a près de huit ans, lui et sa conjointe Élise Velle mettaient en place une mécanique de soutien financier à des groupes de femmes de Porto-Novo, capitale du Bénin. Un projet demeuré discret, de fait, à cent lieues des tambours médiatiques de One Drop et autres mégaprojets humanitaires. "Ce n’était vraiment pas le but de l’exercice, confirme-t-il. J’ai eu la chance de gagner pas mal d’argent avec le Cirque du Soleil, et j’étais arrivé à un stade de ma vie où il était devenu important de redonner, de partager l’abondance. Élise et moi tenions à donner un peu de cet argent, oui, mais aussi de notre temps."

À travers son documentaire Awa O Gbé, Nathalie Gouin raconte l’initiative de ces bailleurs de fonds qui mettent la main à la pâte. Se rendant régulièrement sur place, le couple a développé des relations étroites, parfois des amitiés profondes, ce qui a beaucoup contribué au climat de confiance nécessaire à pareille entreprise.

L’objectif? L’implantation d’une stratégie locale de développement et l’accès à l’alphabétisation. Quelque 750 femmes ont déjà bénéficié de cette intervention encadrée par la Fondation Paul Gérin-Lajoie, qui a permis la consolidation d’activités générant des revenus, telles l’exploitation de l’huile de palme, la culture d’escargots ou la fabrication de savon.

SUR LE TERRAIN

Entre le désir d’aider et la possibilité de le faire, évidemment, il y a une marge. D’abord, l’idée de remettre l’argent directement aux femmes n’a pas fait l’unanimité, on s’en doute. Ensuite, quand il a été décidé que les fonds ne transiteraient pas par la mairie de Porto-Novo, étant donné les forts soupçons de corruption qui planent autour des autorités municipales (eh non, ça n’arrive pas que chez nous…), ces dernières ne l’ont pas trouvée drôle. "La mairie nous a boudés pendant un an!" se souvient René Dupéré, avant de souligner que les choses ont bien changé: "La même mairie contribue maintenant, de manière très significative, aux activités de l’organisme."

Il faut dire qu’on a affaire à un réel succès. Avec des micro-entreprises ayant dans certains cas multiplié leur chiffre d’affaires par quatre ou cinq et avec des taux de remboursement avoisinant les 100 %, l’impact est indéniable. "Nous avons parlé à des gens de l’ONU, ils nous disent qu’un taux pareil, ça ne se voit nulle part ailleurs!"

La clé? L’établissement d’un contrat clair, puis d’un suivi efficace, y compris sur le long terme – suivi assuré entre autres par Sylvie Labelle, grande amie d’Élise Velle et l’une des instigatrices du projet, de même que par des personnalités locales hautes en couleur, présentées dans Awa O Gbé.

Selon un calcul bien connu des réseaux humanitaires africains, si on aide là-bas une femme, on aide plus ou moins directement sept personnes. "On peut donc dire qu’on a déjà aidé plus de 5000 personnes, ce n’est pas rien. Mais nous avons encore bien des défis à relever, entre autres celui d’emmener maintenant ces femmes-là vers le microcrédit véritable des banques de solidarité." Pas évident quand on sait que la plupart d’entre elles n’ont même pas d’acte de naissance, condition initiale pour ouvrir un dossier de crédit…

Au fait, "awa o gbé" est un cri de ralliement qui incite à aller au travail. Quiconque voudrait le chanter en choeur avec les femmes de Porto-Novo trouvera des avenues pour le faire en consultant le www.femmesdeportonovo.com.

Awa O Gbé
Le 6 mars à 21 h
À Canal D