Architecture en uniforme : Ceci tuera cela
Architecture en uniforme, la nouvelle exposition du Centre canadien d’architecture (CCA), nous invite à prendre conscience du formidable impact que la guerre a eu sur l’architecture et la société contemporaines.
"Ce n’est pas une exposition sur l’architecture pendant la guerre. C’est plutôt une réflexion sur l’identité de l’architecture à travers l’histoire et sur l’influence majeure que les progrès techniques et les innovations imposés par les enjeux du conflit mondial ont eue sur les changements sociaux, politiques et économiques d’après-guerre", explique Jean-Louis Cohen, commissaire de l’exposition et titulaire de la chaire Sheldon H. Solow en histoire de l’architecture à la New York University.
En abordant cette nouvelle exposition du CCA, on est frappé de voir, en fait d’architecture, des images de destruction, à l’instar des photographies d’August Sander de Cologne en ruine. Alors que les villes sont directement touchées par les effets de la guerre, les architectes deviennent des acteurs importants de l’effort de guerre, l’architecture prenant alors une valeur stratégique en participant autant à construire qu’à détruire. À ce titre, l’exposition souligne que la personnalité de l’architecte apparaît sous les formes les plus diamétralement opposées, d’Albert Speer, le favori de Hitler, à Szyman Surkas, l’architecte polonais déporté à Auschwitz qui travaillait dans le bureau d’architecture du camp.
Bien sûr, l’exposition du CCA nous parle tout de même d’architecture. Mais c’est une architecture particulière, celle des usines de bombardiers et de tanks, des bâtiments de la bureaucratie militaire et des camps de concentration. Comme le souligne le commissaire, "c’est une architecture de la monotonie et de la technologie qui va définir celle des années 50 et 60". À titre d’exemple, l’une des salles du CCA se consacre à quatre grands projets de l’époque, qui se sont démarqués autant par leur valeur symbolique que parce qu’ils illustrent un changement d’échelle radical qui va s’imposer après la guerre. Oak Ridge accueillait 75 000 employés pour la construction de la bombe atomique. Auschwitz s’est construit à partir d’un véritable plan d’urbanisme. Le Pentagone découle de la volonté de rationaliser l’administration de guerre. Et l’usine de Peenemünde étonne par son architecture moderniste remarquable.
Au-delà de l’architecture, l’exposition nous invite donc à entrevoir la formidable révolution technologique, née de la guerre, qui va profondément modifier la façon de voir l’architecture et qui va consacrer les principes de l’architecture moderne. La préfabrication se raffine avec l’apparition des ponts et des ports artificiels. La mobilité de l’habitat se développe avec les "baraques" militaires. De nouveaux matériaux apparaissent et on apprend à utiliser différemment ceux que l’on connaît déjà. L’effort de guerre fait naître les grands principes du développement durable avant la lettre. Même le multimédia connaît ses premiers balbutiement dans les "salles de situation" des états-majors. Comme toujours, l’exposition est remarquablement documentée de dessins, photographies, affiches, livres, maquettes, etc. En prime, l’Office national du film (ONF) nous offre quelques films d’époque, conçus pour mobiliser la population canadienne autour de l’effort de guerre. Une série de conférences gratuites sera d’ailleurs donnée par l’ONF sur les films de propagande.
Jusqu’au 18 septembre
Au Centre canadien d’architecture
Voir calendrier Arts visuels
Cinq conférences gratuites de l’ONF au CCA
Du 28 avril au 19 mai
www.cca.qc.ca