Hot Docs : Chaud le documentaire
Société

Hot Docs : Chaud le documentaire

La Ville Reine accueille la planète documentaire jusqu’au 8 mai pour son prestigieux festival Hot Docs. Les trottoirs de Toronto sont envahis par des cinéphiles prêts à faire la file d’attente pour voir ces films sur grand écran. Viable, le documentaire dans les salles de cinéma?

Oui, particulièrement dans la formule du festival. Il n’y a d’ailleurs pas que le Hot Docs qui connaisse des records de popularité. Partout au Canada, la fréquentation de ce type d’événement dédié au documentaire a augmenté de 77% de 2007 à 2009. Les projections des Rencontres internationales du documentaire de Montréal (RIDM), qui ont lieu en novembre, affichent aussi complet de plus en plus souvent.

Malgré ces données tangibles, la survie de la production documentaire canadienne passe encore par un financement des télédiffuseurs, qui, eux, favorisent un format télé de 52 minutes. Est-ce que les cinéphiles se déplaceront en salle pour voir un film de moins d’une heure? Bienvenue dans le casse-tête des producteurs et distributeurs de documentaires.

Film cherche salle de cinéma pour relation sérieuse

La question doit avant tout être posée dans un contexte hors festival. À Montréal, très peu de salles sont disponibles pour la diffusion de documentaires. Est-ce le public qui n’est pas au rendez-vous ou l’offre qui n’est pas suffisante pour susciter la demande? C’est la deuxième option que privilégie Carmen Garcia, productrice et coréalisatrice du documentaire Pierre Falardeau. Elle cite le succès de son plus récent film en exemple: "Le documentaire sur Pierre est resté à l’affiche pendant huit semaines au Cinéma Beaubien. On a même été numéro 1 devant Incendies dans ce cinéma. Dès qu’il y a un petit peu de promotion autour d’un film, on voit la différence." Ce succès populaire (60 000$ au box-office) a aussi été combiné à la consécration du milieu par la récompense du meilleur documentaire lors de la dernière cérémonie des Jutra. La productrice en a profité pour passer un message à l’industrie, à savoir que les documentaristes devront bientôt se mettre à la fiction si le milieu du cinéma ne les soutient pas mieux. "Depuis deux ans, c’est vraiment plus difficile. Plusieurs fonds ont été coupés et l’argent qui servait avant au financement du documentaire est utilisé à d’autres fins."

Même son de cloche du côté du distributeur Les Films du 3 mars, qui revendique le succès de Godin, en salle pendant six semaines au Cinéma Beaubien. "C’est inespéré, il a été présenté à raison de quatre projections par jour. Pour un documentaire, c’est exceptionnel", explique la directrice générale Anne Paré, qui espère que l’exception devienne un jour la règle. "Les gens sont prêts à s’asseoir devant un grand écran pendant deux heures pour être transportés par la vision d’un réalisateur. Maintenant, c’est juste une question de marketing pour réussir à les attirer."

Son plan de match pour le documentaire sur Gérald Godin a été échafaudé plus d’un an avant la sortie. Publicité, présence dans les médias, discussion avec le réalisateur après les projections, toutes les avenues ont été utilisées. Et son point a été prouvé: le public est au rendez-vous. Sa prochaine cible est de taille. Il s’agit du documentaire Elles dansent, d’Isabelle Lavigne et Stéphane Thibault. Le film sera présenté au festival Hot Docs, mais c’est surtout sa sélection dans le cadre de la Quinzaine des réalisateurs à Cannes qui retient l’attention, une première en 40 ans pour un documentaire québécois. "Le film parle de la réalité des danseuses du ventre au Caire, en Égypte. On dit que les documentaristes sont souvent en avance sur leur temps, c’en est encore une fois la preuve puisque le film a été tourné avant la révolution anti-Moubarak." Il sera intéressant de voir dans combien de salles le film pourra prendre l’affiche le 20 mai prochain.

On aime le documentaire

Financement ou non, diffuseur ou non, tels des don Quichotte de la caméra, les documentaristes poursuivent leur captation du réel, convaincus qu’il y aura un public pour voir et entendre leur point de vue sur le monde. C’est la raison pour laquelle le groupe Documentaristes du Canada (DOC) a mis sur pied la campagne "On aime le documentaire" qui vise à démontrer l’intérêt du grand public et à s’assurer que les films soient vus par le plus grand nombre possible.

L’appui des cinéphiles est primordial pour le succès de cette campagne qui pourrait démontrer une fois pour toutes que ce n’est pas la demande qui manque (le public), mais bien l’offre (les salles de cinéma) qui est insuffisante!

Hot Docs
Jusqu’au 8 mai
À Toronto
www.hotdocs.ca

Campagne "On aime le documentaire"
www.onaimeledocumentaire.com