Musée du rock'n'roll du Québec : Épopée rock
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Musée du rock’n’roll du Québec : Épopée rock

Le tout nouveau Musée du rock’n’roll du Québec vous raconte comment les cowboys, la mafia et les Afro-Américains ont jeté les bases de la révolution rock au coeur de la Belle Province.

"Je me suis retrouvé dans un capharnaüm sur une route de campagne dans le coin de Châteauguay. Un ancien magasin de tissu qui a fait faillite et où on a stocké des milliers de vinyles. Il y avait un véritable shack à vinyles. Un vieux hangar pas de porte, pas de plancher. Des caisses de disques empilées jusqu’au plafond. J’y ai trouvé quelques trésors, mais ça puait tellement que je me suis lavé les mains 10 fois en sortant de là. Je me suis mis du gros sel dans les narines pour chasser l’odeur de moisissure."

Fondateur et directeur général du Musée du rock’n’roll du Québec qui tient sa première exposition ce mois-ci, Patrice Caron parle des derniers mois de sa vie avec un sourire de gamin. Les yeux perçants du passionné. Sans salaire – "on fera des demandes de subventions lorsque notre expo sera montée" -, son équipe et lui ne comptent plus les heures de travail depuis longtemps. "On a accumulé des instruments d’époque, des costumes de scène, des coupures de journaux, plusieurs vieilles photos, mais surtout des tonnes de vieux disques. Notre exposition est un fantasme de collectionneur. Si on se compare aux autres musées du genre, on est moins geek que l’Experience Music Project de Seattle qui parle autant de Hendrix que de science-fiction. Un peu comme le Rock and Roll Hall of Fame de Cleveland, on va y raconter une histoire, mais celle, méconnue, du rock’n’roll au Québec."

Tu veux baiser?

Ainsi, l’apparition du rock dans la Belle Province n’est pas liée à Offenbach, mais bien aux chanteurs country qui ont adopté le style dès 1956, les Carmen Déziel, Marcel Martel, Léo Benoit et Roger Miron en tête de liste. "Aux États-Unis, le terme "rock’n’roll" signifiait "baiser" chez les Afro-Américains depuis déjà des décennies. À l’époque, lorsqu’un artiste montait sur scène en disant "You wanna rock’n’roll?", ça créait une sorte de frénésie à cause de cette association au sexe. Et puis le rythme des chansons s’est accentué en accord avec cette excitation. Les artistes rock’n’roll n’étaient pas définis comme appartenant au genre rock puisqu’ils touchaient à d’autres styles également, mais puisqu’ils voulaient jouer tous les soirs de la semaine pour en vivre, ils devaient s’assurer de faire triper les foules. Le rock’n’roll était ce qu’elles demandaient."

Avec l’absence des Afro-Américains dans le paysage musical québécois alors dominé par la musique folklorique, la chanson française et le country, le rock est arrivé par la bouche des cowboys. "Le country-western s’est trouvé lié au rock’n’roll par le rockabilly. Au départ, Elvis était considéré comme un artiste country. Ici, Carmen Déziel a repris Mes souliers bleus et Ne sois pas cruel. Marcel Martel a chanté Mon amour du rock’n’roll et Le rock’n’roll du père Noël. Léo Benoit a enregistré Le rock’n’roll dans le lit, dont on a retrouvé la bande originale.

"Les gens considèrent souvent cette musique quétaine, mais je te jure qu’on a vite oublié ce préjugé en découvrant des oeuvres tout à fait comparables à celles des meilleurs artistes internationaux. Je pense à des pièces de Gordie Sullivan, Hal Willis (né Léonald Gauthier), Les Trois Clefs et Les Mégatones. Et puisque tous ces groupes se produisaient dans des cabarets appartenant plus souvent qu’autrement à la mafia montréalaise, on peut dire que celle-ci a financé en partie la naissance du mouvement."

L’après-orgasme

Une fois présentée au Centre Pierre-Péladeau, l’exposition pourrait bien devenir ambulante et prendre la route des régions en attendant l’éventuelle implantation d’un musée du rock ouvert à longueur d’année à Montréal. Chose certaine, Patrice Caron pense déjà à l’expo suivante qui débutera avec l’arrivée des Beatles. "Ils ont complètement changé les pratiques de l’industrie. Avant eux, on se rendait à un concert rock pour danser. Notre attention allait à notre partenaire de danse, et le groupe devenait souvent secondaire. Avec les Beatles, on s’est mis à regarder en avant, sur scène. Le rapport à l’artiste s’est transformé."

Du 9 juin au 9 juillet
Au Centre Pierre-Péladeau
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