Jeunes musiciens du monde : Ceci n'est pas un violon
Société

Jeunes musiciens du monde : Ceci n’est pas un violon

Voir Estrie fait un clin d’oeil à Magritte et offre sa page frontispice à Jeunes musiciens du monde. Au-delà d’un événement-bénéfice, votre générosité est sollicitée.

Dans un café bondé, le journaliste que je suis ne trouve pas le tandem qui doit l’entretenir d’un concert pour Jeunes musiciens du monde (JMM) réunissant Caracol, David Goudreault, Crowfoot, Olivier Brousseau, Voluntad, Jaune et plusieurs autres. À quoi peuvent bien ressembler Alexandre de Grosbois-Garand de Genticorum (voir encadré) et Christine Fortin, flûtiste et ambassadrice sherbrookoise de JMM?

Heureusement, un contact visuel permet le début des échanges avec ces deux artistes qui mettent leur passion au profit d’une "mission"; on devine la voie humaniste plus valorisante que les feux de la rampe. D’ailleurs, c’est la cause, et non le concert, qui anime la discussion.

D’emblée, Christine nous raconte la petite épopée des fondateurs de JMM, deux Québécois, qui a débuté en Inde. En 2002, dans un quartier très fortement défavorisé, ils ont bricolé une école à leur image. Au coeur de l’enseignement destiné aux enfants de la rue: la musique. Après un an, les résultats furent éclatants. De retour au Québec avec le "concept" dans leurs valises, ils ont donné vie à une version québécoise de JMM (avec une forme parascolaire) tout en poursuivant leur travail en Inde.

Grâce à l’initiative de Christine Fortin (appuyée par Nicholas Williams, de Crowfoot), la cinquième école de JMM a vu le jour à Sherbrooke, en janvier 2011. Comme en Inde, à Montréal, à Québec et à Kitcisakik (en Abitibi-Témiscamingue), on y enseigne la musique traditionnelle aux enfants de milieux défavorisés. "L’école au Témiscamingue est fréquentée par de jeunes Amérindiens, explique Christine. La musique y est donc algonquine, avec le tambour. À Sherbrooke, on est dans Ascot, un quartier multiethnique. On utilise cette richesse. On est ouverts sur les autres musiques du monde, mais on enseigne surtout ce qu’on connaît bien!" Tous les professeurs de JMM sont des musiciens professionnels. "On offre un enseignement de très haute qualité et on y tient."

Le choix des musiques traditionnelles n’a rien de hasardeux, car il s’agit d’un langage propice aux échanges. "Avec le traditionnel, les jeunes sont tout de suite appelés à jouer avec les autres, suggère Alexandre. Partager la musique entre amis, c’est social. Ça apporte beaucoup à l’humain. Monter sur une scène, ça permet aussi aux jeunes d’obtenir un sentiment de fierté et d’accomplissement. Ça montre aussi que pour avoir du plaisir, on n’a pas besoin de plein de bébelles. C’est sûr que ça prend des instruments, mais c’est la simplicité du geste musical qui importe."

Si les preuves de l’impact de JMM dans le quartier d’Ascot restent à faire, on peut déjà supposer que la persévérance scolaire des jeunes participants sera ragaillardie. "La musique peut être un outil pour contrer le décrochage scolaire, confirme le musicien. Ça stimule l’attention, la mémoire, l’écoute… Et ça, on s’en sert dans tout!"

LE COÛT DE LA GRATUITÉ

Autre constance des Jeunes musiciens du monde: les cours sont offerts gratuitement. Mais, aussi étrange que cela puisse paraître, la gratuité a toujours un coût. Bien que l’école ait reçu plusieurs dons d’instruments, la recherche de contributions en argent sonnant constitue la nouvelle ruée. "On n’a pas encore d’aide récurrente, déplore Christine Fortin. Dans le meilleur des mondes, on serait subventionnés à 100% et on n’aurait pas de liste d’attente…"

Présentement, JMM Sherbrooke compte 75 petits musiciens et une année de fonctionnement nécessite environ 50 000$. "Ce serait beaucoup plus sans l’aide de Famille Espoir. L’organisme nous accueille en ses murs. C’est notre résidence, et ça ne nous coûte rien. On bénéficie aussi de ses services, notamment les travailleuses sociales. Quand on entend parler d’un cas d’intimidation, disons qu’on est bien conseillés!"

Et les Sherbrookois sont bien chanceux d’avoir leur faction de JMM.

Soirée Jeunes musiciens du monde / Sherbrooke
Le 16 décembre à 20h
Au Tremplin
Voir calendrier Événements

JMM / Sherbrooke (Famille Espoir)
1520, rue Dunant / 819 791-1578
www.jeunesmusiciensdumonde.org

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GENTICORUM

L’occasion était trop belle. Genticorum fera un crochet par Sherbrooke pour encourager ses amis de JMM. Les trois gaillards seront déjà dans le coin: la veille du concert-bénéfice, le groupe affiche complet au P’tit Bonheur de Saint-Camille!

Genticorum fait l’unanimité chez les férus de musique traditionnelle. Récemment, ce n’est pas un, mais deux trophées qu’il a ramenés du gala des Prix de musique folk canadienne: album traditionnel de l’année et groupe de l’année.

"On se trouve sur une fine ligne entre le traditionnel et quelque chose de plus moderne, soutient Alexandre de Grosbois-Garand. Ça nous permet de ratisser large. On peut jouer dans un festival vraiment trad, ou sur la scène principale d’un gros festival world dans un autre pays."

Des pays, le groupe en a visité 18 au cours des cinq dernières années. "On voyage beaucoup, mais on tente la conciliation travail-famille!" Même si la réalité du voyageur constitue le fil conducteur de Nagez rameurs, dernier disque de Genticorum, toutes les pièces sont ancrées dans une réalité bien américaine. "Pour nous, c’est intéressant d’interpréter des chansons qui appartiennent à notre territoire." Et c’est sûrement ce qui intéresse les publics d’Écosse, du Danemark, d’Estonie, d’Égypte, de Malaisie, d’Australie…