Occupons Saguenay : S’occuper de demain
Le 02 a lui aussi vibré au même diapason que les grands centres avec Occupons Saguenay. Voir s’est entretenu avec trois acteurs du milieu culturel qui se sont impliqués au sein du mouvement afin d’effectuer un retour sur cet événement incontournable de l’année 2011.
Bien qu’il n’ait pas eu l’ampleur d’Occupons Montréal ou Occupy Wall Street, le mouvement Occupons Saguenay a grandement contribué à remettre sur la place publique les préoccupations des citoyens.
Occupons Saguenay aura démontré avec brio que le groupe des indignés est composé de gens issus de différentes classes sociales et de tous les groupes d’âge. Ras-le-bol collectif d’un système capitaliste démuni de toute considération humaine ou prise de conscience populaire de l’état des choses? C’est ce que nous avons tenté de démystifier en nous adressant à Marielle Couture, Pierre Demers et Patrice Leblanc.
Marielle Couture
En plus d’être pigiste et blogueuse pour Voir Saguenay/Alma, Marielle Couture est l’une des principales instigatrices d’Occupons Saguenay. Bien connue pour son implication communautaire, elle a d’ailleurs été candidate lors du dernier scrutin fédéral pour le Parti Rhinocéros.
Comment expliquer Occupons Saguenay?
« Le mouvement d’occupation, c’est juste un constat de plein de gens qui sont écoeurés des inégalités actuelles. L’idée de tout ça, c’est de retrouver la source de ces inégalités-là et les diminuer, tout simplement. On ne parle pas de prendre le pouvoir par les armes, mais de se dire: « C’est à qui la faute et qu’est-ce qu’on peut faire pour changer ça? » »
Occupons Saguenay est-il un club sélect?
« C’est un peu difficile de sortir du noyau des militants de longue route. Quand Jean Tremblay dit que c’est toujours les mêmes, il a un peu raison parce qu’effectivement, c’est souvent les mêmes. Mais on a quand même réussi à aller chercher des gens de différents milieux qui se sont ralliés à nous. Même si on avait été seulement 20 personnes à occuper Saguenay, ça fait du bien de savoir que partout dans le monde, on est plusieurs à ressentir la même indignation car jusque-là, on se sentait souvent seuls et isolés à penser ainsi. »
De quoi faudra-t-il s’occuper demain?
« Ce que j’ai essayé de porter comme message au sein d’Occupons Saguenay, c’est que le constat mondial nous allume sur un fait: une grande partie du problème provient de nos modes de consommation. Si l’économie des marchés existe et tient la route, c’est parce que nous vivons dans un mode d’esprit de fuite en avant (toujours besoin de plus, de mieux, de plus beau, de plus gros, de meilleur que le voisin…). Le problème, en gros, c’est nous autres. Et tant qu’on ne changera pas notre manière de consommer, tout le reste va demeurer en place parce que nous l’entretenons. Mais ça, les gens ne veulent pas l’entendre. »
Patrice Leblanc
Patrice Leblanc compte parmi les comédiens les plus actifs du milieu théâtral dans la région. Il traîne aussi avec lui la réputation d’être très impliqué socialement et politiquement, et ce côté militant se reflète même dans son art.
Occupons Saguenay: un nouveau nom pour un vieux combat?
« Comme j’ai fait le choix de concentrer mon activisme dans l’art, du moins pour un certain moment, mon implication à Occupons Saguenay se sera résumée à beaucoup plus de coeur et moins de corps. Toutefois, et même si je sais que ce n’est pas nécessairement grâce à mon implication sociale au cours des dernières années, je ressens une fierté de voir que le flambeau est repris par tout plein de gens et que tout le monde s’ouvre les yeux. Je me nourris de tout ça en tant que créateur. »
Occuper en vain ou avec raison?
« Au début, on se disait que les indignés, c’était une gang de punks qui étaient frustrés, mais tout à coup, on s’est rendu compte qu’il y avait même des gens qui s’impliquaient tout en n’étant pas directement touchés par cette problématique mondiale. De voir une participation comme ça de la part de personnes n’ayant aucun intérêt personnel dans ce combat-là qui décident de sortir de leur zone de confort afin de critiquer les hautes instances, ça prouve que le mouvement a réussi à créer une vague. »
Demain nous occupera-t-il?
« C’est dans la continuité que le mouvement trouvera sa force. C’est sûr qu’avec l’hiver québécois, l’occupation va se faire autrement pour les mois à venir, mais avec le gouvernement fédéral que nous avons, je suis certain qu’Harper va nous sortir des beaux lapins de son chapeau afin de nous donner le goût de ressortir dans la rue malgré les grands froids. »
Pierre Demers
Si le maire Jean Tremblay était Batman, Pierre Demers serait sans aucun doute le Joker. Ennemi juré de la pensée « tremblaysienne », Demers est un poète et un cinéaste qui ne rate jamais sa cible.
Une affaire d’artistes pas contents?
« Ça a été une sorte de révélation, car il y avait beaucoup de gens dans Occupons Saguenay que je ne fréquentais pas habituellement. Ça débordait du milieu culturel. On s’est retrouvés avec des syndiqués qui faisaient le ménage de nuit à l’hôpital de Chicoutimi et qui étaient enragés de voir les médecins qui faisaient pousser partout des cliniques privées et qui s’occupaient plus ou moins de leur job à l’hôpital. J’ai connu des gens de tous les horizons et aussi, de toutes les générations. Ce mouvement-là a permis d’ouvrir les vannes et de nous faire réaliser que toutes les classes étaient concernées par ça. C’est vrai que c’est toujours les mêmes qui décident de livrer un combat, mais sans vouloir faire de peine aux dirigeants, les mêmes commencent à s’élargir et à être de plus en plus nombreux. »
Saguenay et Montréal, même combat?
« Au départ, c’est vrai qu’il faut localiser l’action. Ici, on s’en rend compte avec ce qui se passe à l’usine d’Alma. Le capitalisme ne veut plus donner de bons salaires et veut faire plaisir à ses actionnaires. On tente de nous mettre dans la tête que la seule façon de s’en sortir, c’est en négociant individuellement nos conditions de travail et nos conditions de vie. Comme s’il n’y avait pas de possibilités de faire du collectivisme et de la solidarité. Par exemple, Éric Duhaime tente d’instaurer dans la tête des gens des idéologies bas de gamme. Il va falloir faire attention au crétinisme qui se propage un peu partout. »
Le 15 octobre dernier, nombreux étaient ceux qui militaient pour une occupation en permanence du « Bassin de la solidarité ». Une fois le boom médiatique passé et le sujet épuisé, ils étaient tout aussi nombreux à déserter les lieux.
Cependant, il y a encore des citoyens qui se rassemblent chaque samedi. Ceux-ci entreprennent de façon assidue leur marche sur la rue Racine, pancartes à la main, essayant tant bien que mal de communiquer avec la population. Il est difficile d’exprimer de façon claire les raisons qui motivent notre démarche, souvent plus émotives que réfléchies. Ces sentiments existent parce que nous avons pris conscience de quelque chose, d’un évènement, d’une absurdité quelconque. Comment expliquer tout cela en quelques mots… Cela est très difficile, voire impossible.
Je ne veux pas réprouver les propos de M. Leblanc, mais j’aimerai comprendre ce qu’il veut dire par « … des personnes n’ayant aucun intérêt personnel dans ce combat là… » Je ne crois pas que M. Leblanc ait pris le temps d’interroger chacun d’entre nous. S’il l’avait fait, il aurait constaté qu’il y a autant de raisons de s’indigner qu’il y a de citoyens impliqués. M. Leblanc dit aussi que « c’est dans la continuité que le mouvement trouvera sa force. » Cela est vrai, mais dans la continuité d’un mouvement social il y a au moins deux valeurs essentielles; la solidarité et la persévérance.
Pendant longtemps, j’ai été de ceux qui préféraient fermer les yeux sur l’absurdité de notre monde. Les ouvrir ne faisait que nourrir une rage et un sentiment de solitude, car je ne pouvais rien y faire, l’humanité était ainsi faite. De plus, comment aurais-je pu trouver l’énergie nécessaire pour manifester, alors comme pour plusieurs citoyens, il m’était difficile de répondre à mes responsabilités familiales et professionnelles. Même si certaines personnes ne se présentent plus au Bassin de la solidarité, elles manifestent leur appui en offrant de leur temps autrement, car une révolution ne se fait pas qu’avec le coeur, mais avec des gestes concrets.
L’appel lancé par Marielle Couture à la population a permis à des citoyens de prendre contact et ainsi constater qu’ils n’étaient pas seuls à ressentir ce malaise.
Je suis passé par diverses phases depuis le 15 octobre. J’ai d’abord cherché à comprendre ce que signifiait le slogan « nous sommes les 99 % ». À ce moment, j’étais convaincu que la cause du chaos reposait essentiellement sur les épaules de la surconsommation, mes arguments reposaient alors sur les documentaires « L’ère de la stupidité de Franny Armstrong » et « Consommer à en mourir », produit par Media Education Foundation, diffusé aux grands reportages sur RDI.
Aujourd’hui, après de longues heures passées à étudier diverses sources d’informations, mon constat est tout autre. C’est notre ignorance qui contribue à renforcer le pouvoir de la classe dirigeante. Un autre monde est possible, et ceux-ci le savent. C’est en contrôlant l’argent, la production énergétique, l’alimentation, l’eau, la santé, l’éducation et les dissidents que ce 1 % de la population parvient à régner.
Le changement ne se produira pas par la classe politique, mais par notre capacité à passer à l’action. Nous devons faire la différence entre le capitalisme et la prospérité, car la véritable richesse n’existe que par notre travail. Ayons l’esprit ouvert, même sur l’invraisemblable, ça ne sera qu’à ce moment que nous trouverons des solutions à l’impasse actuelle. Je vous invite à consulter ceci « Thrive » (http://youtu.be/Ol4qIhp9fmU) et à donner vos opinions.