Dominic Lamontagne et Marc-André Corriveau / Agriculture et enjeux sociaux au Québec : Désobéissance agricole
Alors que le gouvernement Marois annonce une politique de «souveraineté alimentaire», Dominic Lamontagne d’En pleine gueule et La Ferme impossible et ses confrères du Cercle maraîcher montent aux barricades pour repenser notre conception de l’agriculture.
Quotas déterminés, plans conjoints, monopoles des fédérations, exigences de salubrité démesurées, traçabilité des aliments moins évidente qu’il n’y paraît: voilà autant d’obstacles que d’incongruités qui sont l’apanage du MAPAQ depuis les années 50. En résulte une incapacité pour les petits producteurs en devenir de créer une agriculture de proximité, à échelle humaine et communautaire.
Au front, pour défendre une réappropriation de l’agriculture au Québec? Dominic Lamontagne (Naked Lunch, La Conserverie), créateur d’En pleine gueule et de La Ferme impossible, image forte s’il en est une de l’agriculture à petite échelle qu’il souhaite présenter au public, dès le 29 mai, au Cercle. «La Ferme impossible, ce sont 2 vaches, 200 poules et 500 poulets. C’est une fermette pluriproductrice qui dispose de suffisamment d’animaux pour faire vivre une famille et aller vendre au marché les produits bruts et/ou transformés issus de sa culture», dévoile Lamontagne à l’autre bout du fil.
Alors que le nombre de producteurs a sensiblement diminué dès l’arrivée de la loi sur la mise en marché dans les années 50, et que la concentration de la production augmente au même rythme que les revenus, les petits producteurs, eux, n’ont pas les moyens légaux ni monétaires de produire leurs cultures et les offrir à leur communauté. Pourtant, le rapport Pronovost, réalisé entre 2006 et 2008 par la Commission sur l’avenir de l’agriculture et de l’agroalimentaire québécois (CAAAQ), offrait une ouverture logique, en 49 recommandations, mais toutes ont été ignorées par le gouvernement et même mentionnées du bout des lèvres dans la dernière politique de souveraineté alimentaire du gouvernement péquiste.
«Ce que je dis, moi, c’est que vous n’avez qu’à garder le cadre législatif que vous aimez tant, garder votre mégaproduction, mais ce qu’il faudrait, c’est permettre une bulle législative au niveau du tout petit. Et c’est qui le tout petit? C’est toi et moi», lance Lamontagne. «Si on veut que l’agriculture à échelle humaine, que les marchés publics et les petits producteurs vivent, d’après moi, la meilleure façon de faire, c’est de sensibiliser tout le monde, inciter les gens à faire eux-mêmes des produits de base.» L’élément central de la conférence de Dominic Lamontagne s’articule donc ainsi, rappelant que cette sensibilisation sécuriserait les gens qui pourraient y trouver une ressource en cas de pépin, et donnerait aussi une notion de la valeur des produits aux acheteurs. «Mon idéal serait qu’on réussisse à lancer un effet en chaîne et faire en sorte que les gens se mettent à commercer entre eux. Pour moi, la désobéissance civile est de l’ordre de dire non au ridicule. À l’heure où les pronostics pour la planète sont au plus dramatique, faut-il être assez cons pour se dire qu’on n’a pas le droit, dans notre cour, d’avoir quelque chose qui nous donne de l’autonomie?»
En plus de nier la différenciation et la typicité – «qui en mange une volée avec le monopole agricole» -, les fédérations québécoises (de lait, des producteurs d’oeufs, l’UPA, etc.) ne donne plus accès à notre propre nourriture. La liberté alimentaire n’existe donc plus, au Québec, malgré les étiquettes «Aliments Québec», apposées sur des produits dits «du Québec». Avec deux logos identiques mais une mention différente – Aliments du Québec vs Aliments préparés au Québec -, le consommateur est facilement trompé. «Les vignettes justifient l’achat, mais ce n’est pas nécessairement ça!», rappelle Dominic Lamontagne. «Ils rentrent dans les marchés publics en mettant ce logo là, mais qu’est-ce que ça veut dire? Si tu mets ton adresse, je crois que c’est mieux! On est rendu à comprendre ça. Ce n’est plus juste une affaire de hippie et de grano. Les gens sont rendus là et il faut prendre le temps de le faire.»
«Alors, pogne-toi une poule, qu’ils le veuillent ou non!», conclut Dominic Lamontagne, donnant le ton à sa conférence sur l’histoire d’un monopole agricole et les voies de réappropriation populaire qui s’offrent à nous.
Dans le Cercle maraîcher
Aux côtés de Lamontagne se dresse aussi Marc-André Corriveau et ses collègues du Cercle maraîcher, antenne agricole du Complexe Le Cercle qui se concentre sur la production de gourganes, maïs et pommes de terre, démarrée cet hiver, lors de la saison des sucres, et qui s’inspire de Jean-Martin Fortier et de sa publication Le jardinier-maraîcher. «À la base, on voulait fournir la cuisine du Cercle uniquement et petit à petit, on a développé notre réseau de fermes bio, où les gens fonctionnaient beaucoup en ASC (agriculture soutenue par la communauté). Ce sont des abonnements au panier bio que les gens payent d’avance, avant que la saison commence. Les gens prennent le risque avec toi, mais aussi, te donnent les fonds nécessaires pour démarrer ta saison», explique Corriveau, joint alors qu’il s’affairait à planter ses pommes de terre, tout juste après l’un des derniers gels de la saison.
Ainsi, l’idée derrière le Cercle maraîcher a muté vers une offre de paniers bio. «On préconise la clientèle de Saint-Roch, évidemment, sinon ça va à l’encontre de l’idée du circuit court», rappelle Marc-André. «La philosophie derrière cette nouvelle agriculture qu’on veut pratiquer, c’est d’encourager le circuit court et l’achat local. On essaie d’être le plus cohérent possible avec cette philosophie. C’est sûr qu’en s’exposant comme ça, il faut que les babines suivent les bottines. Si on prend de la place sur l’espace public, il faut assumer.»
«Agriculture et enjeux sociaux»
Le 29 mai au Cercle, dès 17h30
Dans le cadre des Cercles du mercredi