Comme une migraine tenace, je reviens vous tambouriner le coco avec la même histoire que la dernière fois, un sujet dont on est sur le bord de se lasser (si ce n’est pas déjà fait) et qui soutire déjà quelques soupirs d’énervement. Les Shafia.
Suite à mon billet d’hier, un de mes amis m’a fait le commentaire suivant : « c’est une femme musulmane algérienne qui travaille à franciser les immigrés qui m’a avoué un jour que c’était à elle de s’adapter à sa nouvelle terre d’accueil et non au Canada de s’adapter à elle. » À première vue on pourrait interpréter cela comme de l’intolérance, un certain manque d’ouverture mais quand on y réfléchit quelques secondes, il n’en est rien.
Lors de mes voyages, j’essaie constamment de me fondre à la population, d’apprendre la culture, les valeurs et les pratiques des gens que je rencontre. Plus que des portes-clés ou des verres à shooter, c’est cela qui est le plus valorisant des souvenirs que l’on rapporte. Sans être d’accord avec les pratiques, sans adhérer aux valeurs (le lynchage, très peu pour moi), je tente le plus possible de m’accommoder avec le pays que je visite.
J’écoutais brièvement hier soir une psychologue à la retraite à la télé… son nom m’échappe. Cette fois-ci, ce n’est pas par manque de mémoire mais par choix que je n’ai pas retenu son nom. Voilà ce qu’elle disait à propos du fait que ce n’était peut-être pas une bonne idée d’enlever des enfants d’immigrés de leur famille (en parlant bien sûr des Shafia): « On les arrache de leur propre culture. »
…
Leur propre culture? Celle-là même qui a tuée 4 femmes, dont 3 filles car elles n’adhéraient pas à cette même culture? Je n’arrive même pas à formuler une phrase qui à du bon sens tant c’est absurde comme propos. « On les arrache de leur propre culture. »
Je lisais ce matin un article de Daphné Cameron de La Presse qui reprenait les mots de la DPJ : « la possibilité d’un « crime d’honneur » était « inconcevable. »» Pas si « inconcevable » que ça finalement. Je ne veux pas porter le blâme sur la DPJ, les intervenants dans le dossier doivent ressentir assez de culpabilité en ce moment. Mais, dans une société multiculturelle, où on encourage l’immigration – pour diverses raisons – n’est-ce pas absolument impératif et nécessaire que les intervenants œuvrant avec le public soient « au courant » de ce qui peut être « inconcevable »?
Et ne lisez pas ce que je n’ai pas dit! Je ne parle pas d’accommodements, de traitements de faveur, de s’adapter à la réalité des différentes communautés culturelles. Je ne dis pas que les accommodements sont mauvais non plus! Je dis que dans une société d’accueil, société qui compte 11,5% de sa population totale venant d’ailleurs, il est primordial d’intégrer cette réalité dans nos pratiques courantes. La connaissance ne tue pas, mais prévient.
Encore une fois, les Shafia sont le produit d’une mauvaise intégration dans leur société d’accueil. Accrochés à leurs valeurs Afghanes archaïques (car il ne faut pas croire que tous les Afghans pensent de cette manière), ils ont tourné le dos au Québec et au Canada. C’est à quel point une mauvaise intégration peut parfois avoir des conséquences dramatiques. Cette fois-ci, c’est 4 femmes qui ont écopé.
PS: voici un excellent témoignage d’une femme d’origine Afghane, qui commente le choc des générations : http://www.cyberpresse.ca/debats/opinions/201202/01/01-4491583-affaire-shafia-aussi-un-conflit-de-generations.php?utm_categorieinterne=trafficdrivers&utm_contenuinterne=cyberpresse_B9_debats_1242600_accueil_POS1
On en met lourd sur le mot honneur qui s’écroule et rentre sous terre. Un crime d’orgueil, oui !
Ce sont des assassins, point. Si dans certains pays, c’est toléré ou camouflé, il faut s’en référer à une règle universelle : tout le monde a le droit à la vie.
Je trouve très légitime que vous reveniez sur le sujet, autant que vous le désirez d’ailleurs, parce que 4 meurtres sur le dos de l’honneur, on en revient pas, on en revient jamais.
En fait, le tout a débuté lorsque je me suis posé la question: comment honneur et meurtre peuvent-ils légitimement être de concert? C’est là-dessus que je voulais élaborer pour mon billet. Et puis, je me suis trouvé incapable de le faire. Pour moi, j’ai beau virer et revirer la question, ça ne colle pas. Ayant étudié en immigration, je pense et repense, revoit mes notions d’intégration et soupire.
J’ai donc laissé l’honneur de côté pour me concentrer sur autre chose. D’ailleurs, c’est ce que les Shafia auraient du faire….
Je ne sais pas si ce procès a libéré les Canadiens ou s’il a installé un nouveau malaise alors que des canadiens se sentent quelque part coupables. D’une part on a qualifié en matière criminelle un crime qui a fait quatre victimes, indépendamment des raisons qui ont conduit à le commettre. D’autre part on se demande si ce n’est pas les Canadiens qui ont commis une erreur qui a abouti au meurtre de quatre jeunes femmes. Une erreur dans la sélection des immigrants, une erreur dans la manière de traiter un dossier lié aux violences domestiques, une erreur parce qu’une société qui se dit organisée et solidaire n’a rien vu. En fait, dans cette sordide histoire il n y a que trois vrais coupables, les membres de la famille qui ont été condamnés. Quant aux valeurs culturelles, il faudrait qu’on dise une fois pour toute que l’assassinat ne peut en faire partie.
Amine, le seul vrai malaise que je puisse avoir en tant que Canadienne, c’est la réputation, ou les préjugés, qui découle de ces histoires. On peint un portrait d’une famille Afghanne qui tue pour l’honneur. Oui, malaise. Malaise que cela se soit produit. Malaise que personne n’ai rien fait pour ces filles.
Mais effectivement, vous avez raison: les seuls coupables, se sont ceux qui ont commis le geste irréparrable. Pas les Canadiens, ni les Québécois, ni la DPJ, ni l’école. Le seul reproche que je peux faire à ces instances, c’est de n’avoir rien fait. Mais parfois, le fait de ne rien faire rend complice…un tout petit peu?… Qu’en pensez-vous?
Un article sur le sujet dans un journal algérien
http://www.lesdebats.com/editions/020212/les%20debats.htm sur la colonne de droite.
N’avoir rien fait parce qu’elles n’ont rien vu. J’ai lu quelque part que les jeunes filles auraient été victimes aussi d’un imbroglio linguistique (plaintes reçues en français ensuite en anglais qu’on n’aurait pas associé). Je pense que le plus gros des malaises est là dedans, l’incapacité de voir ce qui se passe. Incapacité du fait de refuser de se pencher sur le mode de vie et de pensée de gens venus d’une autre culture. On le perçoit même à 6000 km de distance, les Canadiens par respect des autres se détachent des autres justement. Pourtant, il y a lieu de se mêler des affaires des autres quant il y a une nécessaire assistance à personnes en détresse. La culture des autres ne justifie pas tout. Elle ne peut justifier en tous les cas le meurtre. Quant aux reproches, je pense qu’on ne peut pas ouvrir un second procès pour ces instances incriminées, même moralement. En même temps, pour avoir beaucoup lu sur le mode de fonctionnement des société Canadienne et des Québécoise, sur leur mode de pensée, je pense que les chances pour qu’une telle tragédie se reproduise sont réduit à pas grand chose. Ces femmes ne sont pas mortes pour rien. J’ose espérer du moins.
Je l’espère également.
Enquête ce soir porte sur le « avant » et pose, entre autre, cette question : Les 4 femmes assassinées ont appelé à l’aide à plusieurs reprises. Pourquoi ne les avons nous pas entendues?
Je ne vais pas manquer cette émission, même si ça promet d’être assez dur à voir et entendre. Mais comme a déjà chanté Paul Piché, j’aime mieux avoir les yeux plein d’eau que les avoir fermés.
Oh! Merci du tuyau, je n’étais même pas au courant. Je l’enregistre de ce pas, pour ne pas le manquer!
Comme vous dites, ça risque d’être très triste… Ces femmes se sont plaintes à maintes reprises, sans être véritablement entendues ou comprises.
que pensez-vous de Guy turcote? de la mer qui s’est jetée dans le lac avec son enfant, des enfants qui sont morts calcinés dans la voiture….
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Dans ces cas-là, je ne crois pas qu’on peut parler de crimes d’honneur. Ce sont des tragédies, toutes différentes. Le profil des meurtriers (ou de ceux qui ont tenté de tuer) ne sont pas semblables.
Cela dit, tout cas d’infanticide est tragique.