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Des pantalons amincissants pour la Journée Internationale de la Femme

Je suis abonnée à plusieurs groupes d’achats et ce matin, à ma grande stupéfaction, j’ai reçu un courriel de Groupon. Ce fait n’est pas surprenant en soi; c’est le titre du courriel qui m’a ébahi : Journée de la femme : pantalon amincissant/épilation définitive.

Wow, pour la Journée Mondiale de la Femme, j’ai droit à 52% de rabais sur des pantalons amincissants… Que de progrès… 

Soupirs.

J’ai 31 ans et nous vivons en 2012. Je suis toujours un peu exaspérée lorsque je rencontre des « féministes enragées » qui ont l’impression que nous vivons encore au temps des cavernes et que les hommes nous tirent encore par les cheveux dans le but de nous engrosser.

Ce matin, en recevant ce courriel, je me suis transformée en féministe enragée. En quelques secondes, toutes mes convictions se sont évaporées. Tout le progrès accompli s’est envolé. Comment une équipe de marketing et de publicité expérimentée (enfin, j’ose espérer que Groupon a embauché des gens talentueux?) peut réduire les rêves, valeurs et ambitions des femmes au poids et aux poils?

Respire.

Est-ce vraiment à cela que l’on aspire, nous les femmes, en 2012? Être mince, belle, sans poils et puis « tais-toi et sois belle »?

Selon « Condition Féminine Canada », nous sommes 17,4 millions au Canada. La journée célèbre l’égalité entre les sexes et les progrès du dernier siècle, la journée ayant été instaurée en 1910. Selon le Conseil du statut de la femme : « Force est également de constater que le féminisme suscite peu d’intérêt dans l’opinion publique, notamment chez les jeunes. Par ailleurs, il existe une forte perception à l’effet que l’égalité est déjà atteinte au Québec. »

Selon les propos recueillis par Louise Plante du Nouvelliste, Johanne Blais, de la Table de concertation régionale du Mouvement des femmes de la Mauricie constate que « Tout se marchandise, y compris le corps des femmes et des enfants. Le Québec n’est pas à l’abri à ce niveau-là. Et ce n’est pas la lutte des femmes qui a amené ces nouveaux enjeux ». Elle note également que le mouvement girl power aurait beaucoup à voir dans cette marchandisation de la femme.

Et comment! Je suis de la génération qui a vu les Spice Girls revendiquer le Girl Power, légèrement vêtues -ou vêtues de vêtements très moulants, ne laissant rien à l’imagination- et résumant leurs volontés de femmes en chantant « I wanna, I wanna, I wanna, I wanna, I wanna really really really wanna zigazig ha. » Profondes paroles… Ces 5  femmes ont été, le temps de quelques chansons, le modèle féminin de toute une génération de filles et adolescentes voulant ressembler à ces femmes libres et libérées.

Mais il ne faut pas blâmer  les Spice Girls… L’hypersexualisation de la femme ne repose pas entre leurs mains. Elles en sont le produit, pas les instigatrices.

On peut également penser aux revues féminines qui défendent l’égalité entre les sexes, l’empowerment féminin, tout en présentant des mannequins anorexiques et des vêtements 0 à 8, comme si les femmes portant du 10 ne méritent pas de s’habiller à la mode. Je suis toujours amusée de comparer les photos de femmes dans les revues masculines et féminines : l’archétype est semblable… parfois, les poses sont plus suggestives dans les revues féminines…

La représentation des modèles féminins à la télévision, à la radio, aux grands écrans est semblable : la majorité sont de  belles femmes au sourire éclatant. Le moule « Barbie » est toujours bien réel, même à notre époque.

Pourquoi je dis encore « à notre époque »? Parce qu’avec la venue d’Internet, le savoir s’est démocratisé. La libre circulation des idées, valeurs et d’études aurait tôt fait de sensibiliser la population aux « problèmes de femmes ». Malheureusement, c’est le contraire qui se produit. On marchande encore plus la femme objet. Pour une bouteille de champagne, on suce fièrement des pénis en plastique… Oh, désolée, pour du mousseux… Réjouissant.

Alors que la firme Catalyst démontrent que « seulement 10 % des postes aux conseils d’administration des 500 plus grandes entreprises canadiennes » sont occupés par des femmes, on doit se questionner sur la réelle égalité entre les sexes au Canada mais également au Québec.

Aux Philippines, au Sri Lanka, au Panama, en Latvia, au Libéria, en Inde, au Kyrgyzstan… et j’en passe… Tous des pays qui ont été gouverné par des femmes. Au Québec? Je n’en parle pas.

Je suis désolée de constater, en cette Journée Mondiale de la Femme, à quel point j’ai eu tort. Moi qui pensais que la guerre était vaincue, que les femmes qui se plaignaient le faisait le ventre plein et qu’il n’y avait pas matière à revendiquer des droits que je croyais déjà acquis, je me rends compte qu’il n’en est pas ainsi. Sans vouloir me transformer en féministe enragée, je trouve que ma pensée en tant que femme doit être plus réfléchie. Je dois me questionner en tant que femme sur mes valeurs, mes croyances mais également mes buts.

« Bien qu’il reste encore beaucoup de chemin à parcourir, on peut dire que la voix des femmes se fait aujourd’hui entendre. » Alors, je demande, femmes du Québec : Que veut-on en 2012? Que peut-on espérer pour notre génération et les futures femmes de notre Belle Province?

Sûrement pas que des pantalons amincissants…

 

Ps- je vous suggère de lire le billet de Mélanie Robert. Excellent texte littéraire sur les Reals Dolls.

Marie-D. Martel a également un excellent texte en cette Journée de la Femme: L’histoire des blogueuses au Québec au temps d’Eva Circé-Côté.