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Subjectivité honnête

À propos de mon billet sur Gil Coutemanche, Jean-Claude Bourbonnais a écrit :

Quand j'achète "Le Devoir" où [Gil Courtemanche] sévit, c'est d'abord pour m'informer, prendre connaissance des faits qui font la nouvelle, peu importe le sujet. Je n'ai rien contre les humeurs, même mauvaises, dans la mesure où elles se manifestent à l'intérieur du mandat du journaliste qui consiste à rapporter des faits avérés.

Et la fiction comme prétexte au travail du journaliste est une contrefaçon inacceptable qui maquille les faits, les déforment, les font mentir. La plupart du temps pour servir les intérêts idéologiques de son auteur. Lorsque Courtemanche affirme ne vouloir faire désormais que de l'humeur et de la fiction dans ses chroniques, il se peinture dans le coin de plus en plus ratatiné de son mépris du monde réel. Il se transforme en exilé de l'intérieur, infréquentable en ce qui me concerne, et incompétent aux yeux des vrais journalistes, je le crains, qui se cassent les couilles quotidiennement sur le terrain dans le but justement de mieux nous aider à séparer le vrai du faux.

Mon point de vue: Les "faits", le "vrai", le "faux", ce qui "fait la nouvelle". Pour chaque chose qu'on lit dans un journal, il y a un rédacteur en chef qui décide, selon sa conscience et ses intérêts idéologiques ou commerciaux, quels « faits » seront aptes à faire la nouvelle.

Et pour chaque nouvelle, il y a un journaliste derrière qui choisit une approche, une façon d'aborder un sujet, quelles informations il divulguera et lesquelles il ne divulguera pas.

Tous ces choix se font par un humain, qui a des intérêts, un passé, des goûts, une vision du monde qui lui est propre. Ce sont des choix subjectifs. L'objectivité, à mon avis, est donc une fausse idée.

En ce sens, la réflexion de Gil Courtemanche va plus loin. Puisque l'objectivité n'existe pas, cessons de faire semblant d'y croire! Je ne dis pas que j'approuve ce que dit Courtemanche, mais sa réflexion m'apparaît pertinente. Ainsi, pourquoi les journalistes ne livreraient pas, en tout temps, le fond de leur pensée, dans des mots qui leur ressemblent, en utilisant des angles ouvertement engagés, sans pour autant raconter de mensonges? N'y aurait-il pas véritablement une diversité des points de vue? Ce n'est pas ce qu'on recherche en « s'informant »?

Ce qui m'amène au concept de « subjectivité honnête » de Pierre Bourgault, telle que décrite dans le tome 2 de ses Écrits polémiques:

L'observation incomplète et personnelle d'une situation, si elle reste aussi honnête que possible, peut être objective, à condition de ne pas prétendre qu'elle soit autre chose que personnelle et incomplète. […] Certains concluront que l'objectivité, finalement, n'existe pas. Ne vaudrait-il pas mieux parler de subjectivité honnête ?