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Faire pousser des hamburgers

 

Le collègue Martineau, sur son blogue, nous fait découvrir des recherches pour faire "pousser" de la viande.

J'avais écrit sur le sujet vers la fin 2002. Un texte pour un magazine merdique (heureusement mort très, très vite) Virus. On ne m'a jamais payé pour ce texte, alors tant qu'a le laisser mourir, je le publie ici…

Ne vous attardez pas au style, en 2002, j'étais encore tout jeune…

Faire pousser des hamburgers

Par Steve Proulx

Voici une méthode facile pour faire pousser du boeuf : mélangez une pincée de cellules animales avec un agent liant, tel que du collagène. Insérez le tout dans un bioréacteur, ou plutôt, un appareil où les cellules peuvent proliférer. Attendez environ huit heures et vous avez une belle livre de boeuf pour cuisiner les meilleurs hamburgers en ville !

Cette méthode vous semble improbable ? Sachez que des chercheurs y travaillent. Sans nécessiter ni élevage ni abattage d'animaux, on cherche à fabriquer de la viande en laboratoire… Pourquoi ? Lors de longues missions spatiales, les astronautes devront être en mesure de produire de la nourriture localement (à l'intérieur de la navette). Si ça ne pose pas de problèmes pour les végétaux, c'est une autre histoire pour la viande. Comment fabriquer de la chair animale dans l'espace ? Les percées dans le domaine de l'ingénierie tissulaire apporteront peut-être une solution…

L'ingénierie tissulaire est avant tout une approche thérapeutique qui consiste à générer des tissus organiques par la prolifération de cellules, ce qui peut donner une oreille, de la peau, etc.. D'ailleurs, les premières recherches en ce sens concernaient le traitement des grands brûlés. Depuis, plusieurs expériences ont été réalisées, avec succès, grâce à cette technique. À la Harvard Medical School, on a récemment fait pousser des parties d'un pénis dans une boîte de Petri. Des chercheurs du Forsythe Institute de Boston veulent fabriquer des dents en utilisant une méthode similaire… Mais utiliser l'ingénierie tissulaire pour fabriquer de la viande comestible… Bien que brillante, l'idée n'a pas remporté un succès boeuf.

Vladimir Mironov est directeur du Shared Tissue Engineering Lab de l'Université Médicale de la Caroline du Sud. Ses recherches portent sur l'ingénierie tissulaire et le futur des technologies de l'alimentation. Il soutient qu'il est le premier à " penser systématiquement au-delà de l'application médicale de l'ingénierie tissulaire ". Je l'ai rencontré, il y a un peu plus d'un an, lors d'un exposé présenté dans le cadre du World Future Society Conference [www.wfs.org], à Minneapolis. M. Mironov y démontrait différentes façons de produire de la viande en laboratoire. Dans l'assistance, on trouvait des éleveurs bovins inquiets : " Dois-je vendre ma ferme tout de suite ? ", a lancé l'un d'entre eux… Mais par-dessus tout, l'idée de manger de cette viande est loin d'avoir fait l'unanimité. Vladimir Mironov n'y voit, quant à lui, pas de grands dangers : " Le pain, le fromage et le vin sont tous des produits non naturels au niveau biotechnologique. Avons-nous déjà eu des problèmes à en consommer ? C'est une question de perception. Personnellement, je ne vois pas de différences entre de la viande hachée et de la viande créée à partir de collagène et de cellules de boeuf et qui, de surcroît, a la même taille, la même structure moléculaire et le même goût que le vrai boeuf ".

Ingénierie tissulaire 101
Comment peut-on cultiver de la viande ? Tout d'abord, gardons en tête que la croissance des muscles est due en partie à l'activation de cellules qu'on appelle des cellules satellites. Ces dernières réagissent à une variété de stimuli environnementaux. Pour simuler ces stimuli, on se sert d'un bioréacteur : un appareil qui fait penser à un fermenteur stérile, dans lequel on y fait de la culture cellulaire. Pour faire proliférer nos amies les cellules à l'intérieur du bioréacteur, on utilise des sphères faites d'une substance polymère comestible et thermosensitive. En y collant des cellules satellites provenant d'un muscle de boeuf et en modifiant la température à l'intérieur du bioréacteur, on espère que cette pâte organique augmentera de volume et que les cellules satellites fusionneront, prolifèreront et formeront de la fibre musculaire de boeuf. Bref, de la viande.

Mais ne cherchez pas de " machines à viande " chez Wal-Mart dès demain. Les chercheurs, comme Vladimir Mironov, se heurtent à un défi de taille : faire accepter l'idée de manger de la viande de synthèse. Récemment, la NASA a refusé la demande de financement pour que M. Mironov puisse poursuivre ses recherches. " La NASA, dit-il, a investi dans une technologie de plante transgénique qui permettrait aux végétaux de produire des protéines. Les Européens ont déjà dit " non " à cette idée. On dirait que la NASA veut forcer les terriens de l'espace à être végétariens ". Résistance au changement ? Bien que nous avalions actuellement moult produits transformés génétiquement, il y a un pas à faire avant de se farcir un burger synthétique… Sur ce, bon appétit !