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All You Need Is Cash – Réponse de Pierre F. Brault

Sur son blogue, Richard Martineau a publié un message de l'ex-Beau Dommage Robert Léger à propos de ces artistes "qui se vendent" à la publicité. Il se trouve qu'une campagne de Rogers a cours ces jours-ci, et qu'elle utilise les droits d'une chanson de Passe-Partout, L'été c'est fait pour jouer. L'homme qui a composé la chanson il y a presque 30 ans, Pierre F. Brault, répond à Robert Léger en exposant son point de vue…

«C'est faci-i-i-i-i-i-i-i-i-i-le !»
(Tite toune « Passe-Partout » : air connu.)
«On peut me monter sur la tête mais, on ne me montera jamais sur le cerveau»
(Victor Hugo)

Non, mais!

Hormis le traitement musical et vocal plutôt poche qu'on a réalisés lors de la production d'une pub récente qui a utilisé une chanson de Passe-Partout, chanson à saveur estivale que j'ai eu l'occasion de composer voilà bientôt 30 ans, l'insertion de mon oeuvrette pour cette publicité semble faire l'objet de critiques d'ordre métaphysique qui me chicotent et me titillent la fibre révolutionnaire.
J'aimerais donc poser ici une question qui me semble de bon aloi, à toutes ces bonnes âmes sensibles : à la fin d'une carrière de pigiste (entendez de travailleur très autonome), n'est t'il pas normal de tenter d'assurer sa survie (et je parle bel et bien de. survie) quand bien même son vécu artistique antérieur serait employé à des fins dites commerciales ?

TOUT n'est il pas commercial en ce bas monde et ce, depuis toujours?
« J' te donne une toune, tu m' donnes des sous » (Autre air connu)

Mais. à qui donc appartient le produit-fruit de ce travailleur dit si joliment autonome ?
Voyons voir.

Certains CowBoys plutôt Fringants présentent, à l'occasion, des spectacles qu'ils ont la bonté d'intituler : « Hommage à Pierre F. Brault ».
J'en suis fort ravi. Et j'apprécie grandement leur clairvoyance. Yesss !
En assistant à quelques unes de ces manifestations plutôt publiques, j'ai pu constater que BEAUCOUP d'honnêtes citoyens connaissent et chantent les nombreuses mélodies que j'ai composées pour les séries Passe-Partout, série télévisuelle longtemps décriée par ailleurs par ceux qui «savent».
Les salles sont pleines à craquer (CowBoys Fringants aidant évidemment), on vend des tonnes de broue et autres aidant naturels et, ainsi, tout le monde, il est content, content.

Tout le monde ?
Peut-être pas !

Comme rétribution pour l'utilisation d'environ deux heures de musique, lors de chacun de ces évènements, l'heureux compositeur, dont on utilise ladite Ouvre reçoit environ (êtes-vous prêts pour le choc ?) une dizaine de beaux dollars canadiens (pensons-y : environ MILLE SOUS !!!), plusieurs mois plus tard, quand ce n'est pas l'année suivante.
Mais, bon, mon petit coeur de compositeur bat plus vite, mes glandes lacrymales s'en donnent à coeur-joie étant donné que je crois réellement que le rôle de l'artiste que je suis toujours est de communiquer. Et je peux constater, modestement, que c'est chose faite dans mon cas. Il me semble que peu d'êtres ont la possibité d'accéder à cette grande pertinence dans la vie et je peux donc remercier mon père, ma môman, mon oncl' René ainsi que. Paul de Margerie, de m'avoir encouragé à poursuivre une carrière de compositeur. Ce n'était pas rien d'entreprendre de gagner sa vie au moyen d'une profession dite artistique à la fin des années cinquante.
J'ai fait ce que j'avais à faire. Du mieux que j'ai pu. Et. je continuerai tant et aussi longtemps que mon petit cerveau (sur lequel il est impossible de monter, voir plus haut) me le permettra.
Je peux donc mourir en paix avec mon moi-même lorsque mon temps sera bientôt venu.

Mais, revenons à nos moutons à cinq pattes.
Qui exploite qui ? (Et je ne parle pas des CowBoys Fringants, il va sans dire.)

J'apprends que Miss Passe-Partout est en colère, dixit un journaliste du Journal qui se dit de Montréal et que le Cardinal Léger y va itou de son refrain sensibilisateur de bonnes consciences, ailleurs.
Et que dire de ces autre bien pensants de notre si juste société qui semblent croire qui les «Sous» (Mosus de mosus!, on n'est même pu capable d'appeler les choses par leur nom, fausse modestie obligeant) tombent de notre beau ciel pollué par les bonnes intentions de tous acabits.

Pensons donc un peu à un Beethoven qui vendait la même oeuvre à des éditeurs différents, ou à Mozart qui était obligé de composer des musiques pour un péteux de Prince Électeur ou bien à Shostakovich qui se devait de suivre la ligne du « parti » dans l'élaboration de ses symphonies et encore à Bartok dont les amis se cotisaient afin qu'il puisse manger et poursuivre son oeuvre à la fin de sa vie.
Naturellement, je ne prétends, en aucune manière, à une relation quelconque avec leur grandeur artistique mais, je trouve ici la même bêtise que celle qui a accompagné la vie de la plupart des créateurs et ce, depuis toujours. On adule un jour et on jette le lendemain. Kleenex generations.

On veut des «Pôpas» comme chefs d'État et des créateurs « Purs-purs » afin d'avoir des têtes sur lesquelles on fesse à tour de bras sans réaliser qu'on est soi-même responsable de toute la médiocrité qui nous entoure et nous habite perpétuellement.

Ô Hypocrisie, je Te révère !
Ô sublimes Croisés de l'Aria pur, je Vous rends hommage !!!

À ce que je sache, TQc doit bien devoir faire la promotion de quelques produits tous aussi intéressants les uns que les autres pendant une diffusion des « Francs-tireurs », par exemple, afin que le citoyen moyen puisse avoir accès à ce véritable forum des idées, évidemment dénué de toute démagogie, qu'est ce spectacle la plupart du temps imprégné de la pensée du Juste. Non ?

Alors, c'est quoi le problème ?

Chasteté artistique obligatoire ?

L'artiste doit souffrir pour créer ?

Crève vite mon tit-pit ? On te fera des belles funérailles.

Maudite marde!

Foutez-nous la PAIX, bordel !

-Pierre F. Brault, compositeur