BloguesAngle mort

Vive l’engrenage?

Un commentaire de Thierry Chauveau à propos de ma chronique Médias de cette semaine. Mon commentaire plus bas.

[…] comme partout ailleurs dans la société, il y des des gens sans scrupule dans [le milieu du journalisme]. Du monde qui n'hésiterait pas un seconde à sortir un scoop à tout prix sans même se soucier de vérifier ses sources un deuxième fois.

D'autres aiment tout simplement foutre le bordel dans la société en laissant planer des fausses rumeurs, des "j'ai entendu dire", des "y parait que"… Déjà lorsqu'on discute seul à seul, ces diffamations peuvent avoir un impact surprenant; imaginez maintenant le coup d'assomoir porté par ces paroles si elle sont diffusées par des réseaux de médias. C'est pourquoi "L'ENGRENAGE" est si nécessaire.

Certains décrieront la trop grande place prise par ces relationnistes, qu'ils contrôlent l'information, qu'ils nous cachent la vérité, qu'on vit maintenant dans une société asceptisée; et bien moi j'encourage tous ces relationnistes à continuer leur bon boulot. Sinon on se retrouvera bientôt avec de plus en plus de médias à la Écho-Vedette et les nouvelles de TQS, où la vérité est revirée sans dessus dessous pour attirer plus d'auditoire.

Et qu'on se le tienne pour dit : un vrai bon journaliste finira toujours par trouver L'Information…

M. Chauveau. Je suis d'accord avec vous pour dire que les rumeurs ne devraient pas avoir leur place dans les médias.

Sauf qu'il faut distinguer les types de rumeurs. On trouve d'abord la rumeur inutile. Du genre: qui est la nouvelle blonde de Marc Labrèche? Faire courir les rumeurs à ce sujet est d'une inutilité crasse. Personnellement, je m'en fous, et je souhaiterais bien que tout le monde s'en foute autant que moi.

Cela dit, on trouve aussi les rumeurs d'intérêt public. Le guide de déontologie de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec en donne même une définition:

3 e) Une rumeur ne peut être publiée sauf si elle émane d'une source crédible, et si elle est significative et utile pour comprendre un événement. Elle doit toujours être identifiée comme une rumeur.

Sur ce, j'irais plus loin afin de tenter une explication du subtil "engrenage de la rumeur".

D'abord, une rumeur utile est à utiliser en dernier recours lorsque la source est crédible et qu'aucune source officielle ne souhaite commenter. Ce qui arrive très, très, très fréquemment.

Or, en publiant une rumeur d'intérêt public dans les médias, fût-elle fausse ou biaisée, le journaliste et le journal qui l'emploie forcent souvent les sources officielles à sortir de leur mutisme. À cesser de jouer à l'autruche, à retourner nos appels, à commenter, à émettre un communiqué. On en parle dans le journal, prenez la chose au sérieux!

Car tant que la rumeur ne court pas sur la place publique, ceux qu'elle concerne peuvent agir sans soucis, loin du regard public. Sauf que le jour où un journaliste publie un racontar crédible, il pose un geste dans le but indirect d'amener les sources officielles à se prononcer sur un sujet sur lequel ils ne veulent pas se prononcer.

Un exemple, disons que je détenais une rumeur crédible, inquiétante et d'intérêt public au sujet d'un Ministère. Celui de la Santé, mettons. Évidemment, avant de publier la rumeur, j'aurai tenté d'en savoir plus auprès du Ministère. Puisque la rumeur est grave et glissante, les relationnistes risquent de me répondre tout bonnement que la rumeur est un "pétard mouillé" tout en tentant de me faire passer pour un con. Tactique connue.

Qui croire dans ce cas? Ma source que je juge crédible, ou le Ministère qui a des intérêts assez évidents à protéger?

Et si on publiait la rumeur? Dès lors, que risque-t-il d'arriver? Le ministère sera obligé d'y accorder de l'importance, d'autres journalistes s'y intéresseront, et peut-être même qu'une nouvelle source crédible sortira de l'ombre pour confirmer la rumeur. Ce qui ajoutera une autre voix contre celle du Ministère et portera l'enquête une étape plus loin.

C'est de cette façon, à force d'avancer parfois à tâtons, qu'une rumeur peut devenir une nouvelle et mener à du bon divertissement comme la Commission Gomery…

En revanche, si la rumeur est fausse, elle mourra très vite.

Comme le dit M. Chauveau, un vrai bon journaliste finira par trouver l'Information. Mais pour y arriver, il risque d'utiliser quelques ouï-dires comme tremplins.

Dans un engrenage idéal, les relationnistes, les attachés de presse et tous ceux dont l'emploi consiste à protéger l'image publique d'un client agiraient toujours avec transparence. L'Histoire a cependant démontré que ce n'était pas le cas. Et les obstacles à la cueillette de l'information sont de plus en plus nombreux. La rumeur est donc souvent un mal nécessaire.

*

J'arrête ici en me promettant d'y revenir.

Par ailleurs, devinez qui, à la première heure ce matin, cherchait à en savoir plus sur la rumeur vraiment pas explicitée dans ma dernière chronique? Bien oui, comme prévu, le relationniste de Bombardier. J'attends la suite…