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Une lettre du Liban1

Ralph Dfouni, ce documentariste canadien resté à Beyrouth, envoie une autre lettre du Liban. La première est ici.

Amis, ça va mal, (Si vous voyez de la haine dans mes mots, ce serait faux, c'est de la constatation — c'est bien pire) […] Je ne vais pas vous envoyer les dernières photos de AFP ou de Reuters. Je ne crois pas que vous ayez les nerfs pour les regarder. Je ne crois pas non plus qu'à partir du Canada vous puissiez vous rendre compte de ce qu'Israël est en train de faire. Je n'ai plus sommeil. Je dois dormir toutes les nuits sans avoir sommeil. c'est esquintant. Personne ne dort bien. Ils ont des visages jaunes en été, c'est rare en méditerrannée […] Tout le monde se trompe. Une fois sur deux le caissier me rend mal la monnaie. Nous avons tous la tête ailleurs et perdue dans un génocide structurel et humain d'une intensité inégalée. Vous (le monde entier) êtes simplement impuissants face à la détermination des assassins et des criminels Israéliens et Américains. Ce n'est pas de toute évidence une guerre entre Israel et le Liban. C'est une guerre d'Israel sur le Liban. Personne ne gagne. Mais personne ne perd non plus. Sauf le Liban. Et son peuple. c'est-à-dire que ce n'est pas une notion abstraite, ni un concept, et encore moins une destruction poétique comme nous le font croire certains, mais une véritable destruction de quelque chose, de beaucoup de choses. L'annihilation d'un pays et d'un peuple en quelque jours. On est arrivé maintenant à la fin de l'essence et du fuel. Les hôpitaux ont déjà commencé à fermer. Certains n'ont même plus d'urgences. Plus d'électricité à partir de dimanche. Maintenant tentez d'imaginer un pays entier sans électricité et sans essence. Pensez à n'importe quoi que vous faites pendant une journée, pensez à n'importe quoi qui doit vous arriver pour que vous le buviez ou le mangiez, et voyez la catastrophe. Ajoutez à ça des bombardements barbares nuit et jour et un siège hermétique, 1,000,000 de réfugiés entassés, le début de grandes épidémies de choléra et de typhoide entre-autre, et Israël qui ne donne pas dans sa grâce et son Dieu boucher, égorgeur et assassin, même la permission à un bateau de la Croix-Rouge d'accoster à Tyr qu'ils ont déjà détruit par les airs et par la mer (parce qu'ils n'osent pas y entrer les lâches). Imaginez un monstre, un monstre sorti de l'enfer de vos enfers, imaginez-le bien, vous êtes tous des artistes avec beaucoup d'imagination. Imaginez maintenant un enfant devant ce monstre sans retenue et sans conscience. Puisque sa conscience en est une de destruction, au nom d'un dieu qui n'existe pas, au nom de leur croyance que cette terre leur appartient du Nil jusqu'à l'Euphrate, et qu'il faut, historiquement et selon leurs écritures guerrières, assassiner les peuples indigènes et les jeter à la mer. Comme l'a dit si bien Ben Gurion, répétant Golda Meir, Nous les tuerons tous, le reste nous les jetterons dehors et nous prendrons leurs terres. Les vieux mourront et les jeunes oublieront. Yé crois pas Mister! Mais comment vivre à côté d'un état buveur de sang, verseur de sang, menteur et arrogant? Un état criminel qui a déjà anéanti en l'assassinant un peuple entier(je parle des palestinien), et qui essaye d'en faire autant avec un autre dont il est jaloux. Jaloux parce que son antithèse. Parce que hétéroclite et démocratique dans ses 18 confessions sur un tout petit lopin de terre. Lui, religion unique, dieu unique et excluant tout étranger à sa race, jetant dehors tout Goy, anéantissant tout ce qui représente une autre croyance. Un peuple raciste et xénophobe. Ainsi va l'histoire du grand peuple élu d'Israel. Preuve à l'appui. Cana, SShiyyéhe, Balgh et des dizaines d'autres crimes dans des villages au noms étranges. Des convois humanitaires bombardés, des secouristes tués, des voitures qui s'enfuient de leurs maisons et de leurs villages bombardés, elles aussi visées et plusieurs, plusieurs, plusieurs victimes. Ce sont autant de crimes de guerre clairs comme de l'eau de roche. Parce que si la destruction d'un pays entier sans aucune raison valable est plus difficile à catégoriser comme crime de guerre, ou crime contre l'humanité, il y a des crimes bien plus précis et bien plus clairs. Où l'évidence même est trop évidente. Je vous écris ces mots et les bombes et les missiles tombent et font tomber avec eux des immeubles entiers, des quartiers, des vies. Il est déjà trop tard. Ce qui attend le Liban lorsque cette folie s'arrêtera est presque pire que la folie elle-même. Je vous écris et il reste dans mon ordi 20 minutes de batterie. Il y'a 2 bougies et si sur le plateau, des bougies c'est cool ou romantique ou poétique ou cosy, ici elles ont plus l'air de deux yeux lugubres qui essayent d'éclairer la nuit dans la nuit. C'est infect. Il y a aussi une réminiscence de quelque chose de profond. d'enfoui. Une terreur qui refait surface pour prendre à la gorge une autre génération. La génération des enfants de la guerre de 1975, ceux-là qui ont grandi sous les bombes et on été réfugiés ailleurs, les enfants de la diaspora, 20 ans plus tard sont des parents d'autres enfants et ils paniquent. Je les vois dans les couples de mes amis. Ils doivent se séparer. Le père doit trouver un moyen pour envoyer ses enfants et sa femme ailleurs, question d'éducation, question de sécurité, question de survie tout simplement. Il revit l'expérience foudroyante de ses parents 20 ans plus tôt. C'est l'art morbide de brûler non pas une seule generation, mais plusieurs, successivement. Comme une horlgoge de la mort, de la terreur et de la nuit. Ces enfants-là, qui ont maintenant 5 ou 6 ou 7 ans, seront des hommes et des femmes avant que Liban ne puisse être reconstruit. Dans le meilleur des cas. On l'a vu après la guerre qui s'est arrêtée en 90. 15 ans ont suffit à peine pour commencer à le remettre sur ses pieds. Ce petit grand pays de la contradiction. C'est un peu raté pour ces enfants-là. Quant à leur parents, de mon âge, non seulement leur enfance et leur adolescence ont été brûlées, mais leur vie d'adulte s'est passée à attendre des jours meilleurs qui se pointaient tout juste, après des années d'effort continu. Lorsque le Liban se relèvera, Ils seront un peu trop vieux pour repartir, pour récapituler. Vous suivez le calcul et les résultats sont plus que tristes. C'est du crime contre l'humanité. Puisqu'un peuple entier c'est pas mal proche d'être une humanité. Dans le sud ils nous ont montré la barbarie à visage découvert et sans aucun scrupule. Dans la Békaa aussi. Ils les ont rasé. Complètement. Quand je dis complètement il faut vous imaginer un village, avec des maisons, des arbres, une école, une église ou une mosquée, un hôpital, un ruisseau s'il est chanceux, des dépanneurs, un boucher, etc. Maintenant, clignez des yeux, une fois, et imaginez-vous un carré de sable. C'est comme ça. Ils ne veulent plus rentrer dedans, ils ont trop peur, ils les rasent, l'un après l'autre. rasent. Et passent à côté. Résultat, pas de combattants tués vraiment, d'aucun côté, mais un village effacé et 20,000 réfugiés qui ont tout perdu. À jamais. […] Quant au premier ministre, je l'ai vu pleurer et je me suis dit que c'est justement parce que c'est un homme qu'il pleure. Et je me suis aussi dit que ça doit être dangereux un homme qui ne pleure pas. Je l'ai vu pleurer et j'ai réalisé tout à coup l'immensité de ce qui le faisait pleurer. J'ai vu en lui qui pleure, le pays à genoux. Ils disent ton premier ministre a pleuré. Oui. Il a pleuré. heureusement qu'il a pleuré. Mais pour qu'un premier ministre pleure en accusant la barbarie, Je prends position donc contre l'État terroriste d'Israel. Qui était un État terroriste il y'a maintemant plus de 2 semaines (je parle juste du Liban, parce que c'est un État terroriste depuis