BloguesAngle mort

Pour un usage respectueux du "gate"

Vous vous souvenez du scandale du Watergate?

La plus grande enquête journalistique aux États-Unis. Deux journalistes du Washington Post, Bob Woodward et Carl Bernstein, ont mis à jour une affaire de corruption au sein du parti républicain. Le scandale a fini par pousser le président des États-Unis, Richard Nixon, à démissionner en 1974. Une grosse affaire, le Watergate.

Par la suite, d'autres scandales médiatiques mettant en scène des mensonges de l'État ont été baptisés "gate", en référence au Watergate.

Il y a eu l'Irangate, au milieu des années 80: l'Administration Reagan avait vendu des armes à l'Iran et financé avec les profits l'insurrection au Nicaragua. D'accord.

Il y a eu le Monicagate, en 1998, lorsque les ébats au bureau ovale entre Bill Clinton et sa stagiaire Lewinsky ont fait les manchettes. Là, le "gate" était encore justifié, mettons…

Avec le Shawinigate (Jean Chrétien est intervenu personnellement pour que l'Auberge Grand-Mère obtienne un prêt quelques centaines de milliers de dollars), la pertinence du "gate" était limite.

Mais le "gate" était carrément abusif dans le cas du Nipplegate, ce scandale mettant en vedette la sortie du téton de Janet Jackson lors du Superbowl de 2004.

Là, vraiment, c'était un "gate" de trop. Plus personne n'a donc de respect pour le sérieux de l'enquête journalistique d'où provient ce fameux "gate" (le Watergate, rappelons-le)?

Le comble: La Presse, ce matin, parle de l'histoire du mamelon extraverti de Lucie Laurier comme d'un "Nipplegate québécois". C'est n'importe quoi.

L'histoire est rigolote, mais n'a AB-SO-LU-MENT rien du scandale!

On a bien ri de la vidéo. Et l'histoire se termine là. Lucie Laurier demeure une excellente actrice. Non, il n'y a pas l'ombre d'un "gate" dans ce décolleté, chers amis!

Je demande un usage réfléchi et respectueux du "gate". En usant du "gate" à toutes les sauces, les médias portent ombrage au travail de Woodward et Bernstein. Ces deux journalistes ont laissé à la profession un idéal à atteindre. Voilà pourquoi l'on devrait sortir le "gate" uniquement lorsque cet idéal journalistique est atteint. Alors, un journaliste qui deviendrait l'auteur d'un "gate" pourrait être considéré comme un vrai pro par ses pairs.

Redonnons au "gate" son lustre d'antan, et cessons d'en faire une formule commode servant à donner une apparence d'urgence nationale à des conneries profondément locales…