Je reçois des critiques depuis quelques jours pour avoir écrit dans ma chronique Médias de cette semaine, à propos du site Internet Cent Papiers:
Les rédacteurs [bénévoles] peuvent couvrir des événements qui sont ignorés par les grands médias, et les lecteurs peuvent voter pour les meilleures nouvelles. Tout ceci est-il garant d'un contenu d'intérêt public? La nouvelle la plus populaire sur le site concerne "le chien le plus laid au monde". Je n'ajoute rien.
Laissez-moi préciser ma pensée à propos de cette tendance, sur les sites Web d'informations, à classer les nouvelles par ordre de popularité.
Cyberpresse le fait chaque jour, avec ses "nouvelles les plus lues".
Le résultat est le suivant: le plus souvent un fait divers ou un potin juteux (comme le Zoom sur le sein droit de Lucie Laurier) trône en tête des nouvelles les plus lues.
Or, en étant en tête des nouvelles les plus lues, la nouvelles la plus lue risque d'être encore plus lue… Tout simplement parce qu'elle est plus visible.
Vu la pertinence, souvent très relative, des nouvelles les plus lues, quel message cela envoie-t-il aux journalistes et professionnels de l'information: "Les gars, si on veut être lu, mieux vaut faire du bli-bli".
D'un point de vue quantitatif, les palmarès de nouvelles les plus lues représentent bel et bien l'intérêt du public. Sauf que, pour le journaliste que je prétends être, j'ai parfois de la difficulté à saisir l'intérêt du public…
Je me demande pourquoi, par exemple, un article sur la popularité des bleuets auprès des Japonais attise plus l'intérêt du public qu'un autre qui nous dit que le Canada fait partie des pires pays de l'OCDE en ce qui a trait à la gestion environnementale.
Est-ce moi, ou calculer l'intérêt du public en termes purement quantitatifs n'est pas la chose la plus pertinente qui soit arrivée au monde des médias? J'aimerais avoir votre avis…
Tellement d’accord…
Exemple: Le cas de mon blogue (ok, c’est pas le bout du bout de la marde en frais de média, mais vous allez voir le parallèle)
Je poste un paquet de textes, des fois drôles, des fois critiques, des fois informatifs, des articles sur des groupes de musique et sur le taux d’imposition des compagnies au Canada. Bref, pas mal de tout, dans tout les genres, pour tous.
Qu’est-ce qui a brisé tout les records sur ce blogue vous pensez?
Le vidéo de la mouche dans un beigne.
Celui-là même qui fut annoncé en ce blogue.
Ce seul vidéo a fait monter mes visites de 50 par jour à 500 pendant 3 jours et depuis, ça se maintiens à 100 et plus.
Est-ce dire que cette histoire ridicule de mouche dans un beignet est le sommet de l’art du blogue que je me tue à essayer de rendre interessant et de qualité?
J’ose espèrer que non!
(Tant qu’à en parler, ploguons d’aplomb! http://crions.hautetfort.com/ )
Encore faudrait-il savoir quel est l’intérêt du public !
On dégage à peine de 20 à 30% de participation lors d’élection, mais ils seront 2 millions pour voter pour Wilfred.
Les pétrolières s’enrichissent sur le dos des automobilistes mais aucun d’entre eux est capable de faire le moindre geste pour boycotter une enseigne.
Quand les principales préoccupations d’un groupe sont les mouches dans le beigne, ou le sein de Lucie Laurier, ou la marque de kleenex de Céline, ou les dernières tendances de couleur de patios, ou la météo, on ne s’étonne pas de rencontrer aussi peu de contribution à des vrais causes intelligentes qui pourraient vraiment faire avancer les choses.
Le public croule tellement sous l’actualité mondiale déprimante et lourde qu’il a peut-être ce réel besoin de légèreté ? Entendre ad nauseam à la télé que le cessez-le-feu entre Israël et le Liban est rompu, ça terrorise. Alors que lire que Britney Spears a pris un kilo, ça défoule, ça rassure (nous sommes finalement tous égaux en ce bas monde 😉
Le phénomène s’observe aussi avec la multitude de blogues personnels dans lesquels les internautes racontent leur petite vie et attirent parfois beaucoup de monde qui y vont de leurs commentaires. Un blogue sur monsieur X qui drague sa voisine en promenant son clébard aura son lot de fidèles alors qu’un blogue sur le danger de l’arme nucléaire en ces temps de guerre mondiale n’attirera qu’une poignée d’internautes fatalistes…
Les médias se font de plus en plus alarmistes et déprimants. Guerres, assassinats, complots, magouilles politiques… Si ça continue, il va falloir prendre des antidépresseurs avant de lire le journal ! Ou combler ce trop-plein de lourdeur par un peu de potins légers.
Une des émission les plus populaires de TVA est La poule aux oeufs d’or! On aime ça voir des personnes ordinaires, comme nous, gagner des gros sous!
Les magazines les plus populaires dans les salles d’attente sont assurément les 7Jours, Sensass, Lundi et compagnie. On aime ça voir les gaffes de Paris, le nouveau nez d’Ashley et les seins de Pamela!
Le Journal le plus intéressant est certainement le journal de Montréal et ses scandales! J’apprenais justement aujourd’hui à la radio de Radio-Canada, qu’une enquête avait déjà été faite en 2002 sur les piscines polluées de Montréal. Pourtant on en n’avait jamais en tendu parlé! L’intérêt public n’y était pas. Pourtant, quand le Journal de Montréal en parle, là on a de l’intérêt pour ça!
C’est la même chose pour la musique! Ce qu’on préfère au Québec est vraiment représentatif de l’intérêt public : par exemple, toute la gamme de chansons d’Éric Lapointe dont les sujets varient entre bière, hockey et danseuses! Tout ça, on aime ça!!!
Quels sont les spectacles les plus populaires? Les humoristes bien sûr! Le théâtre et la danse ne divertissent pas assez les Québécois voyons!
C’est à ça qu’on s’intéresse!
Est-ce que ce genre de nouvelles est tout ce qu’il y a de positif dans notre monde???
Et puis quitte à être condescendants, voire méprisants, reconnaissons simplement qu’une très grande partie du peuple s’en fout royalement de ce qui se passe dans le monde ! Les seins de Lucie Laurier, le Journal de Montréal, Star Académie, leur caisse de 24 bouteilles de Molson Dry sont beaucoup plus bandants pour eux que n’importe quel sujet intellectuel chiant. Quel mal y aurait-t-il à aimer Star Académie ou le Journal de Montréal quand leurs voisins aiment la même chose ? Ou plutôt, si leurs voisins aiment, ils se doivent d’aimer aussi. Ça leur fera un sujet de conversation en commun.
S’il s’en trouvent heureusement qui préfèrent les bières des microbrasseries, se foutent royalement de l’enterrement de la hache de guerre entre Toupin et Marjo et s’intéressent davantage à l’avenir de notre planète, qui écoutent de la vraie bonne musique et disent bonjour sur le bout des lèvres à leurs voisins quand ils les croisent, ils sont beaucoup moins nombreux, donc statistiquement moins visibles.
Ainsi, le public serait submergé d’actualité déprimante et croule sous les mauvaises nouvelles?
Hé ben…
À moins d’écouter la radio de Radio-Canne toute la journée, c’est bien difficile de recevoir TROP d’actualité internationale. Les bulletins de nouvelles ne composent pas une grande part de ce que présente la télé et l’actualité signifiante ne compose pas une grande partie de ces bulletins.
Voyons donc! Les gens ne peuvent pas « crouler sous l’actualité », la majorité s’en foutent tout simplement, voilà tout.
Ce n’est pas un jugement de valeur, ils s’en foutent, ok, grand bien leur fasse. Mais qu’on ne leur donne pas des intérêts démesurés qu’ils n’ont pas.
Sortez dans la rue et demandez au quidam de vous expliquer ce qui s’est passé au Liban…
Dans le fond, le reproche principal n’est pas que le bon peuple s’intéresse à des potins bas de gamme, mais plutôt qu’il ne s’intéresse qu’à ça.
Quand on voit des société comme Hydro Québec demander des augmentations alors que les profits abondent, quand on voit les pétrolières s’en mettre plein les poches en haussant les prix du baril dès qu’une mouche meurt, quand on voit des partis politiques prendrent des décisions qui auront des impacts DIRECTS sur notre quotidien, fort peu de gens réagissent, mis à part quelques contribuables outrés perdus dans les forums de discussion.
Mais on peut mobiliser la province au complet avec des causes insignifiantes comme Wilfred, Jeff Fillion ou la couleur de la margarine. On peut traumatiser le peuple américain au complet avec un sein, mais à peine réagira-t-il à un génocide.
Le problème de l’obésité nord-américaine n’est pas que physique, le cerveau aussi se nourrit de malbouffe, avec les conséquences que l’on sait.
Mais oui, croule ! TOUT est déprimant dans la manière dont les médias traitent l’actualité, sauf quand il s’agit de quelques conneries insignifiantes comme celles de l’affaire Laurier !
Il faut être sacrément sourd et aveugle pour ne pas avoir le sentiment qu’on vit dans un climat de fin de monde ! Ou vivre dans une cabane dans les bois ! Internet, les journaux, la radio, la télé, tout nous ramène à cette terreur partout, et on ne la traite qu’avec sensationnalisme ! Des images en boucle de sauveteurs qui pleurent en sortant des corps d’enfants morts lors d’attentats, du morbide, du déprimant ! Moi-même qui ne regarde JAMAIS la télé et n’écoute pas souvent la radio, je n’y échappe pas tant les images sont présentes partout, dans l’entourage, au resto sur écran géant, sur Internet, etc.
Non, le quidam dans la rue ne saura pas vous expliquer pourquoi c’est la guerre au Liban parce que ce que les médias de masse lui apprennent, ce ne sont pas les raisons mais les conséquences. Ça donne de meilleures images !
Faut-il se noyer dans les trivialités sous prétexte que ça va mal dans le monde ?
Est-ce que j’aime mieux savoir que l’Iran prépare ses missiles nucléaires ou j’aime mieux connaître les détails de la fulgurante carrière du petit Jérémy ?
Est-ce que j’aime mieux connaître les risques de contaminations de la viande que je mange ou suivre les aventures mirobolantes de cette cruche milliardaire qu’est Paris Hilton ? (Quoi que dans les deux cas il s’agit de viande avariée).
Nos taxes augmentent mais qu’est-ce qui préoccupe les gens ? Rien, les gens ne veulent pas être préoccupés. Ils veulent du confort. Tant qu’on peut écouter nos bons programmes…
Je comprends votre point de vue. Toutefois, notez que contrairement aux agrégateurs comme Digg, ce n’est pas le nombre de votes qui détermine la Une de Cent Papiers. Comme pour les autres médias, c’est un comité éditorial qui choisit ce qui se retrouve en Une. La façon dont vous avez présenté Cent Papiers laisse croire que les lecteurs du site ont décidé consciemment que l’article sur le chien le plus laid du monde était le plus intéressant. Seulement, il s’agit plutôt d’un travers de Google qui envoie tous les petits enfants tapant « chien le plus beau du monde » ou « chien le plus laid du monde » vers cet article.
Les classements par popularité (nombre de visites récentes), par nombre total de visiteurs et par évaluations obtenues sont présentés à titre indicatif.
Comme le site est ouvert à tous, ces informations peuvent servir à juger de la pertinence des textes et de leurs auteurs. Avec les commentaires, ce sont là quelques indicateurs permettant d’évaluer la crédibilité de l’information, mécanismes généralement absents des médias traditionnels.
Ce n’est pas parfait, mais ce sont pour l’instant certains des moyens qui s’offrent à nous. D’ailleurs, s’il s’agit là de votre principale critique envers Cent Papiers, vous m’en voyez ravi…
Imaginez : la brosse à cheveux d’Angelina Jolie a été mise en vente sur Internet et je n’ai jamais su qui l’avait achetée ! De quoi faire une dépression majeure ou toute une crise cardiaque… Cela avait fait la nouvelle il y a quelques mois. J’espère que je le saurai avant de trépasser pour de bon, sinon j’aurai manqué quelque chose pendant ma vie terrestre. C’est pareil pour Paris Hilton qui est allé dernièrement s’acheter d’autres souliers, elle qui en possède environ 1000 paires. Et on ne les a pas vus ! Enfer et damnation ! Honte à tous les journaux jaunes de la planète !
Mais pour parfaire mon éducation, j’aimerais bien enfin savoir quelles sont les bobettes préférées de Johnny Depp et de voir une photo de lui les ayant enfilées. Ou Brad Pitt, Orlando Bloom, etc. Ça serait pas pire ça, hein les filles ? Et si ça n’arrive pas, j’entame un recours collectif à tous les journaux à potins pour cruauté mentale envers les femmes ! Hihihi…
Moi, ce n’est pas les bobettes préférées de Johnny Depp que je veux voir, c’est ce qu’il y a dedans…
Très vivant cette discussion!
Oui on est des croqueurs de médias.Mais il n’y en a pas beaucoup comme » Voir » pour avoir tant d’intérêts diversifiés.Notre libre arbitre a de l’ouvrage à faire dans le monde d’aujourd’hui.
Les choix sont nombreux et ce qu’on apprend jeune reste pour la vie.C’est pourquoi de vous lire si sérieux dans cette discussion me donne grande espérance pour l’avenir
…pour exprimer son mépris des autres!
Ces consommateurs de 7 Jours, ces pas d’classe, ces voyeurs…
Et pourtant, n’est-ce pas notre blogueur lui-même qui a « sorti » – ici même – le sein de Madame Laurier? Et qui a relancé l’affaire en s’indignant du mot « Niplegate »…
Celui-là même qui aujourd’hui se désole que ce genre de « fluff piece » occupe les médias… cherchez l’erreur 😉
Je reconnais également parmi les participant(e)s à cette belle unanimité des gens qui se sont fait des jetons à opiner vigoureusement sur le sujet…
Alors???
Le beurre et l’argent du beurre?…
Il semble que l’idée selon laquelle nous recevons des jetons pour nos réactions sur les blogues soit répandue… Rappelons alors que, contrairement aux commentaires écrits au sujet des articles du Voir, nous ne recevons pas de jetons pour notre participation sur les blogues. Ceux qui y laissent donc leur opinion le font sans rien attendre en retour.
D’autre part, constater ne veut pas dire mépriser. Il faut de tout pour faire un monde.
« Il faut de tout pour faire un monde »
Expression méprisante s’il en est, vous le reconnaîtrez…
Je persiste à trouver étrange que l’on se désole d’un simple classement par indice de lecture.
Pourquoi un journaliste sérieux tiendrait-il à être « le plus lu »? Qu’il se mette à écrire des mots croisés! Qu’il fasse lui-même la nouvelle comme nos ténors de lignes ouvertes… (inénarrable Gilles Proulx incitant des Blancs à attaquer des Autochtones, grimpé sur une voiture)!
Et, pour revenir ici, pourquoi des gens qui n’accordent pas d’importance aux émois de Jacques Villeneuve ou Paris Hilton – ce que je comprends – se gâchent-ils la vie à l’idée que tout le monde ne partage pas leur niveau de dégoût et se répandent-ils sur ces thèmes au lieu de retourner à leur cher Spinoza?…
Pour se distinguer des pas de classe qu’ils côtoient dans le « feeding frenzy » quand des journalistes leur jettent de « juteux potins »?
« Il faut de tout pour faire un monde » n’est que simple constatation, rien de méprisant là-dedans. Chacun, bien sûr, interprète les propos des autres à sa façon.