BloguesAngle mort

Dixit Michael Ignatieff

 

Bon bien, à moins qu'on lui découvre un passé de Franc-Maçon, tout semble indiquer que Michael Ignatieff devienne le prochain chef du Parti Libéral (et peut-être même le prochain Premier ministre du Canada).

Tenez, pour le plaisir de l'exercice, j'ai pensé sortir quelques citations glanées dans les journaux avant qu'il ne présente sa candidature pour la chefferie du Parti libéral…

L'histoire se répète?

«Je suis un joyeux petit agneau en route vers l'abattoir», avait dit Bob Rae à l'écrivain Michael Ignatieff en 1990.

En 1993…

Dans l'Observer de Londres, Michaël Ignatieff disait des autochtones: «Ils sont en train de vivre la fable de Jean-Jacques Rousseau de la perte de l'innocence aborigène car dans l'échange ils se trouvent eux-mêmes prisonniers de besoins qu'ils n'avaient pas auparavant.»

En 1994… (ma meilleure)

«Il suffit d'observer, un bon vendredi soir, le défilé vers la campagne des «Québécois, casquette de baseball sur la tête, installés dans leur Cherokee ou Winnebago, avec en sourdine de la musique country. On pourrait se croire au Minnesota ou dans l'importe quel autre État américain ou province canadienne. Jusqu'au moment où se met à écouter parler.»

M. Ignatieff excuse le «fétichisme» linguistique des Québécois: «C'est compréhensible quand on se rend compte que la seule différence entre le Québec, le Minnesota ou le Vermont, c'est finalement l'affichage».

En 2000… Sur la télévision (je suis tellement d'accord avec lui)

Ignatieff se désole: prête à tous les chambardements quand se produisent des événements dramatiques affectant des figures de pouvoir (Kennedy, Diana), la télévision se montre bien chiche aux heures pourtant les plus cruciales: "Si la télévision peut se délester de son horaire et transformer son discours le temps d'une noce ou de funérailles, nous pouvons lui demander d'en faire autant pour une famine ou un génocide."

En 2001… (Le Devoir, 29 sept. 2001)

Michael Ignatieff a changé. Dans son livre Blood And Belonging, il y a moins de dix ans, cet intellectuel de renommée internationale, d'origine torontoise, en avait indisposé plusieurs au Québec avec sa critique peu nuancée des revendications québécoises et des lois linguistiques. Celle-ci découlait de la méfiance envers toute revendication fondée sur des droits collectifs, y compris celles venant des autochtones. À la même époque, il publiait dans Le Déchirement des nations (Seuil, 1995) un autre texte sur le Québec où il laissait entendre que les lois linguistiques québécoises empiétaient de façon excessive sur les droits individuels; un peu comme certaines lois lettonnes qui lient la citoyenneté à la maîtrise de la langue du pays. Ses références principales étaient alors Pierre Trudeau et Mordecaï Richler.

Dans La Révolution des droits, qui paraît ces jours-ci en français, force est de constater un important changement de perspective. Sur la loi 101 et le Québec en particulier, et sur les droits collectifs en général. On a même parlé, dans le National Post, de "Révolution d'Ignatieff". À preuve, ce passage où il propose deux "tests" pour déterminer la légitimité d'un droit collectif. D'abord, ce droit est-il essentiel à la survie du groupe? Ensuite, ce "privilège" accordé par exemple à une langue, viole-t-il les droits des individus, que ce soit à l'intérieur ou au sein même du groupe en question? Réponse d'Ignatieff: bien qu'il soit "difficile pour les Canadiens anglais de l'admettre", écrit-il, les lois linguistiques québécoises, passent les deux tests haut la main.

Joint à Harvard, où il est professeur invité au Carr Center for Human Rights Policy, rattaché à la Kennedy School of Government, Ignatieff refuse de parler de revirement. "C'est davantage un changement de ton. Je suis moins trudeauiste que je ne l'ai été. En fait, j'ai cessé de croire que l'on puisse conserver la fédération canadienne sur la seule base des principes établis par Trudeau."

En 2003…

Le messianisme de Bush en effraie plusieurs, tout comme les visées de l'administration américaine au Moyen-Orient. Mais l'empire américain n'est pas l'affaire d'un seul président et d'une seule administration, selon l'historien canadien Michael Ignatieff, qui s'est fait connaître par ses travaux sur les rapports entre la guerre, le droit et les droits de l'homme dans les Balkans, en Afghanistan et au Rwanda.

"Le pouvoir absolu du XXIe siècle est une nouvelle invention dans les annales de la science politique", écrivait-il dans le New York Times Magazine en janvier dernier. C'est "un empire lite, une hégémonie globale dont les notes de passage sont les marchés libres, les droits humains et la démocratie, défendus par la plus terrifiante puissance militaire que le monde aie jamais connu. C'est l'impérialisme d'un peuple qui se souvient que son pays a gagné son indépendance en se révoltant contre un empire, et qui aime à se voir lui-même comme un ami de la liberté partout dans le monde. C'est un empire sans conscience de lui-même, qui est constamment étonné de voir ses bonnes intentions soulever le ressentiment à l'étranger. Mais cela n'en fait pas moins un empire."

En 2005… (Le Devoir, 4 mars 2005)

Selon M. Ignatieff, le Canada est une «expérience vénérable» où des gens de «langues différentes, divisés en cinq religions», tentent de vivre ensemble. «Si nous échouons, l'avenir des États multilingues et multiculturels s'annonce sombre dans l'ère moderne. Du Sri Lanka à l'Irak, de l'Afrique du Sud à l'Ukraine, nous pouvons aider à promouvoir le fédéralisme démocratique.» Il s'agirait selon lui d'exporter «la paix, l'ordre et le bon gouvernement» (les mots clés de la Constitution canadienne). Ceci devrait être à la base d'une politique étrangère tentant de «répandre le rêve canadien» dans le ROW (rest of the world, évidemment). En passant, ce «fédéralisme démocratique» doit s'attaquer au «déséquilibre fiscal», mais «sans balkaniser le pays».

Par ailleurs, Ignatieff, qui a appuyé l'invasion américaine en Irak au nom des droits de l'homme (ce pourquoi on l'a qualifié de liberal hawk, ou «faucon de gauche»), a déploré la position de Paul Martin sur le bouclier antimissiles. Bien que le Canada doive maintenir sa souveraineté, il est préférable «d'être là, à la table, pour défendre ce qu'on doit défendre», a-t-il dit.