Un dossier éclairant de Marie-André Chouinard dans Le Devoir ce matin. Quand les médias alimentent la psychose… Retour sur les fusillades de Polytechnique, Concordia, Columbine, Dawson, Polytechnique.
La vérité, selon Marc-François Bernier, c'est que, pendant que les actes criminels diminuent, la couverture médiatique n'a cessé de gonfler. «Ça finit par créer un faux sentiment de dangerosité chez les personnes», note-t-il. À l'époque, ajoute Lynell Hancock, on ne parsemait pas la moindre histoire d'un bandeau rouge affichant «épidémie» ou «vague de crimes».
«Il ne faudrait pas que ça devienne une psychose», nous disait cette semaine un policier du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Benoît Couture, à propos de la panique des parents à l'école Les-Enfants-du-Monde, en sommant les médias de prendre conscience des répercussions engendrées par l'enflure des événements.
Jusqu'où la démesure peut-elle mener ? Aux États-Unis, certains enfants ont peut-être payé un peu cher le climat de nervosité les enveloppant. Après la fusillade de Columbine, un petit garçon de six ans de l'Arkansas a ainsi été suspendu de son école primaire pour avoir pointé une croquette de poulet en direction d'un copain à l'heure du lunch et avoir proféré ce qu'il ne fallait pas : «Pow ! Pow ! Pow !»
On sait qu’un événement plus un autre événement égale vingt jours de médiatisation.
Il est clair que certains médias font de la surenchère avec ces agressions – les chaînes de télé du type CNN qui tentent d’étirer la sauce pour meubler une télédiffusion ininterrompue et les tabloids qui amnoncent fièerement 9 pages et 54 photos.
Mais on ne peut nier qu’il y a également un travail de filtrage pour ne laisser surnager dans la soupe médiatique que les éléments qui nourrissent une insécurité globale, neutre, attribuable à des facteurs traditionnels d’insécurité généralisée: les jeunes, les Arabes, la musique satanique…
Quand on analyse la couverture médiatique des tueries de masse survenues dans les écoles ou dans de slieux de travail depuis quelques décennies – et il y en a tout de même beaucoup, différents de la violence interpersonnelle plus fréquente avant l’établissement de contrôles à l’entrée des écoles des quartiers ‘chauds’ américains -, on ne voit presque jamais les médias signaler que les assassins sont TOUJOURS des hommes, par exemple. Les médias américains parlent de « shooters », sans utiliser le mot « men ». Pourquoi?
Dans le cas des agressions survenues au Colorado et en Pennsylvanie la semaine dernière, il faut fouiller pour trouver des comptes rendus médiatiques qui reconnaissent que chacun des agresseurs avait amené des accessoires pour faciliter le viol de leurs victimes.
Surtout, on fait disparaître le genre des victimes, même lorsque Morrison et Roberts ont tous les deux soigneusement écarté le sjeunes hommes de leur tableau de chasse, comme Marc Lépine il y a 17 ans à l’École polytechnique. Au Colorado, en Pennsylvanie comme a Montréal, presque tous les comptes rendus ont parlé de « victimes »
C’est aussi contre une femme que Kimveer Gill s’est acharné de plusieurs coups de feu, disant au gars qui essayait de la protéger: « C’est aujourd’hui qu’elle va mourir. »
Il y a là un travail d’effacement qui demande à être interpellé. Des hommes nourris de violence sexiste la trouvent excitante et la réalisent.
Il ne faut pas le dire…
Les rédacteurs de nouvelles anglophones devront désormais éliminer de leurs bulletins les termes qui s’appliquent aux deux genres. Des termes comme « Bank robbers », « shooters » et « highjackers ». L’alternative sera alors de participer à une gigantesque conspiration masculiniste de couverture d’une solution finale visant spécifiquement l’ennemi femelle.
Je constate de plus en plus à quel point la dialectique de certains est à ce point boîteuse que tout est maintenant bienvenu pour alimenter leur délire parano qui voudrait que chaque crime commis ait une connotation sexiste.
Cocasse tout de même que la langue anglaise mette l’emphase sur l’action commise, plutôt que d’assumer que le genre de la personne perpétrante justifiera à lui seul le motif de l’action effectuée.
Désolé pour de tels farfelus, mais il se trouve que les conspirations de réseaux masculinistes bien structurés et organisés sont, pour citer Shakespeare, la fallacieuse création d’un esprit accablé de fièvre.
Lors du premier véritable point de presse qui a suivi la fusillade de Dawson, le porte-parole de la police a démontré un flegme remarquable devant la même journaliste (une nobody, précisons-le)qui a demandé à deux reprises si la tuerie visait spécifiquement des femmes.
Deux fois on lui a dit non. Deux fois on a affirmé sans équivoque que la fusillade n’avait aucun motif sexiste ou religieux. Et le croiriez-vous, elle était déçue. Quoi, juste un type qui a pété les plombs? Plate, ça.
Il y a certains charognards qui trouvent importante une tragédie uniquement lorsqu’elle sert leurs intérêts.
http://le-dernier-des-grands-misogynes.blogspot.com/
Extrait (traduit) de «A pattern in rural school shootings: girls as targets » – un article de Gail Russell Chaddock and Mark Clayton publié dans le Christian Science Monitor, le 10/04/06
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(…) Il s’agit d’incidents étonnants dans le contexte d’une décroissance des meurtres commis dans les écoles. Mais cette attaque préméditée, comme une autre commise cinq jours plus tôt lorsqu’un itinérant (drifter) a capturé des adolescentes et en a tué une dans une école secondaire de Bailey au Colorado, présente une caractéristique exceptionnelle et troublante: ce sont des filles qui en sont les cibles.
« Le pattern dominant des fusillades survenues dans les écoles au cours des trois dernières décennies est que ce sont des filles qui en sont les victimes, » précise Katherine Newman, sociologue à l’université de Princeton, dont un livre récent fouille les racines des « tueries » perpétrées dans des écoles rurales.
La Dre Newman a analysé 21 fusillades survenues dans les écoles (américaines) depuis les années 1970. Bien qu’il soit impossible de savoir si les filles ont été victimisées au hasard lors de ces événements, elle fait valoir que « dans chacun des cas survenus aux États-Unis depuis le début des années 1970, nous notons ce pattern » : les filles constituent la majorité des victimes.
Les deux cas (de la semaine dernière) rapellent une fusillade survenue en 1989 au Canada lorsqu’un employé d’hôpital au chômage a tué 14 étudiantes en génie de l’Université de Montréal en les accusant de voler des emplois aux hommes, déclare Martin Schwartz, sociologue à l’Université de l’Ohio et spécialiste en matière de violence faite aux femmes. Il perçoit de tels incidents comme liés à une culture de violence anti-femmes, « une mutation – le passage à une nouvelle phase. »
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Texte complet: h**p://206.190.35.122/s/csm/20061004/ts_csm/aschools