Un petit bout de scénario:
Fanny: "Tu voulais pas fumer, toi?"
François: "Ah oui, depuis tantôt que je me retiens…" [Il sort de la pièce]
Félix: "Attends, j'y vais avec toi!" [Félix le suit avec empressement]
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L'échange ci-dessus est tiré de l'épisode d'aujourd'hui de la série pour adolescents Kif-Kif, diffusée à Radio-Canada.
Kif-Kif, c'est en quelque sorte le remplaçant de Watatatow.
Suis-je le seul à trouver que ce genre de dialogue -clairement une banalisation du tabagisme- n'a aucunement sa place dans un téléroman pour ados diffusé sur une chaîne publique? D'autant plus que la scène en question n'ajoutait strictement rien à l'histoire…
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Je parlais de télévision publique ce matin. Ceci, voyez-vous, est une chose que je ne considère pas digne du service public que doit redevenir Radio-Canada.
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Deux autres détails:
Dans le générique de Kif-Kif, on trouve la mention: "Cette émission contient du placement de produit au profit de Neutrogena". D'accord.
Et pendant l'émission, j'ai vu une longue, -longue- publicité de recrutement pour les Forces armées canadiennes…
3 scènes qui m’ont marquées dans Watatatow à l’époque:
– fin du générique de retour de pause, l’image est focusé sur une bouteille de Neutrogena à l’avant durant 2 secondes. Pendant ce temps, la discussion s’amorce entre les personnages à l’arrière. Le focus change alors pour arriver sur les personnages (sur l’émission, bref…)
– La fille défait son épicerie. Elle mets ses affaires sur la table. « Personnage 1: C’est quoi ça? Personnage 2: c’est mon savon pour le visage. 1: Ha. T’as su pour Émilie? » C’était quoi son savon? Neutrogena, indeed
– Ce n’est pas une scène, mais vous vous souvenez du personnage qui voulait devenir astronaute? Commandite de l’agence spatiale canadienne…
Personnellement, j’adore le placement de produit dans les séries et les films. C’est un phénomène qui m’aide à comprendre jusqu’à quel point les entreprises croient que les gens sont des cruches à remplir.
La question maintenant, Steve: Mais que faisais-tu à écouter autant le remplaçant de Watatow??
D’après moi, les scénaristes avaient 3 choix principaux:
1. Écrire la scène telle qu’ils l’ont écrite
2. Supprimer toute référence au tabagisme. Si tu n’aimes pas qqchose, tu n’en parles pas, et bingo! ça disparaît
3. Faire freaker tous les personnages autour de celui ou celle qui fume. Exemple: « Mon Dieu? Tu fuuuummes!!! [Des monstres apparaissent] Bon, là je t’emmènes chez le médecin, tu rencontres le directeur d’école et on convoque tes parents en comité. Et puis, le savais-tu, mais CE N’EST PAS BON POUR TA SANTÉ!!! [Image de patient en phase terminale]
Yoohoo!! Loin de moi la volonté de faire la promo de la clope, mais il s’agit d’une oeuvre de fiction, qui devrait avoir la liberté de s’éloigner de l’évangile de la rectitude politique.
D’ailleurs, du kif, au Maroc, ce n’est pas du tabac, mais ça se fume…
Je suis en plein dans le public cible de cette émission et elle me fait franchement rire tant elle est ridicule. D’abord, le contexte est impossible, il est carrément absurde de croire que les personnages sont en 4e secondaire et les dialogues sont prévisibles au possible. Même Watatatow était plus intéressant et crédible, faut le faire! Quand à la passe de la cigarette, heureusement qu’il n’y avait que vous et deux-trois préados qui regardaient l’émission. C’est comme dire aux ados: Fumez donc, c’est hot! Quoique, de toute façon, peu de jeunes se basent sur une émission de Radio-Can pour déterminer ce qui est cool ou non…
…quand on cherche simplement un prétexte pour faire sortir deux comédiens du plateau? Il serait intéressant de poser la question aux scénaristes: Luc Déry et Yves Lapierre.
J’ai déjà écrit des scénarios d’émissions jeunesse et ce genre de choix est habituellement réfléchi.
Peut-être veut-on montrer que François est quelqu’un qui « n’en fait qu’à sa tête »… très vendeur, l’individualisme, pour un show qui tente de draguer les jeunes.
Ou prépare-t-on le terrain du portrait d’un futur accro? Verra-t-on François à « PARTAGE » en février? Félix, lui, toujours aussi tetteux, se sera enrôlé dans les Forces canadiennes aura été tué par un cultivateur de pavot afghan lui non plus incapable de se retenir! Snif-Snif. (Placement de produit: drapeau canadien)
Ou cherche-t-on simplement à ‘bitcher’ un peu les règles de la télé qui ne permettent pas que la clope soit fumée à l’écran ou surtout qu’il y ait de gros plan sur la marque… Neutrogena, oui, Du Maurier, jamais.
Du matériel pour un théâtre d’été: « Vite, sortons côté cour, j’ai une pulsion irrépressible! »
N’est-ce pas l’excuse que Morrissette avait sortie pour expliquer ses pubs à peine subtiles de son téléroman.
Néanmois je suis d’accord qu’on doit éviter de renforcer des comportements négatifs (et malodorants) devant une clientèle de spectateur au petit coco déjà fragilisé et donc, facilement influençable…