Je reviens du Salon du livre, où encore une fois à plusieurs reprises des passants m'ont demandé pourquoi diable je m'étais intéressé au Parc Belmont.
C'est correct de poser la question, étant donné que je ne l'ai pas connu, que je n'étais pas né dans les grandes années du parc…
Le truc, c'est que j'entends souvent le même commentaire, mais dans un autre format. Du genre: "Normal que je ne connaisse pas telle ou telle chose, je n'étais même pas né."
Ce genre de réplique camoufle à mon avis une paresse inquiétante de la curiosité.
Ne s'intéresser qu'à son époque, c'est être condamné à répéter les erreurs du passé.
Pas étonnant que l'Histoire se répète sans cesse.
Ce qui s'est passé avant? Connais pas… 'tais pas né.
C’est bien dit! D’autant plus que c’est très juste. Je suis entièrement d’accord avec vous. Ce genre de commentaires sont souvent employés malheureusement.
Ils n’ont pas leurs raison d’être. Je serais très curieuse de savoir qu’est ce que vous répondez à ces gens qui portent ce genre de commentaires non réfléchis.
« Pas étonnant que l’Histoire se répète sans cesse. »
Une autre vérité malheureuse!
Je pense que nous répétons les erreurs du passé tant et aussi longtemps que nous n’avons pas compris totalement.
Si jeunesse savait et si viellesse pouvait.
Moi dans phrase ce qui me frappe le plus c’est comment ça se fait que la jeunesse ne sait pas. Mon hypothèse c’est que la viellesse ne transmet pas son savoir, tout simplement parce que la jeunesse n’est pas là à l’écoute.
On balance au placard une très grande richesse de connaissance de vie, qui ne fait pas partie des livres de l’école.
Ma mère a quatre-vingt douze ans.
Elle est encore autonome,dans la maison familiale,
même si elle ne sort que très rarement,et plus jamais
l’hiver.
Nous,ses cinq enfants,nous relayons tous les jours
de la semaine,et veillons discrètement sur sa santé,
en allant la voir chacun à notre tour.
Cette femme vit totalement dans le passé.
Quand je la visite,elle me répète inlassablement
les mêmes histoires.
Cela serait insupportable,si ce passé n’était pas
extraordinairement riche de l’Histoire de toute une
époque,le Québec rural d’avant la révolution
tranquille.
Le devoir de mémoire devant ma mère est difficile.
Mais il est incontournable,et ce pour deux raisons.
D’abord il exige de ma part un grand effort de
discernement,de curiosité intellectuelle.
A chaque visite,les histoires de ma mère se colorent
de nuances,de détails inédits,parfois d’émotions
inattendues.A travers elle,je découvre que la vérité,
en Histoire,est très relative,riche de la multitude
des individus qui la vivent.
Quand je quitte ma mère,je me sens beaucoup moins
pressé d’excommunier à tort et à travers.
La deuxième raison relève de l’hérédité.La
fréquentation de ma mère me fait prendre conscience,
avec l’âge,que je lui ressemble de plus en plus,veux,veux pas.
On n’échappe pas à l’hérédité,celle de la mère,et celle
du père.
C’est bon à savoir.Et ça vous libère de cette impression
fausse qui vous fait croire que vous ne ferez pas les
mêmes erreurs que vos parents.
Bien sûr que vous les ferez.
Mais ces erreurs seront les miennes,à l’image de mon
époque.Par respect pour ma mère,par devoir de mémoire.
« -Quand il y aura de la neige,tu vas venir pelleter
l’entrée,mon grand,cet hiver?
-Bien sûr,maman,c’est promis! »
La pelle est déjà là,dans le vestibule,mémoire elle
aussi des hivers passés,les siens mais les miens
aussi,quand enfant,elle me laissait jouer dans la neige
jusqu’à l’épuisement.
Chère femme…
Mais, pourquoi le parc Belmont entre tous les sujets intéressants disponibles?
Il me semble que ce à quoi Steve fait allusion, c’est aussi une inquiétude de voir des jeunes se pencher sur des éléments de notre passé, la peur traditionnelle des pères face aux fils, dixit Papa Freud, et en général de chaque génération face à la suivante.
« S’il fallait qu’ils et elles rient de mes enthousiasmes, flushent tout mon travail? » ou, à l’inverse, « S’il fallait qu’ils s’approprient ce que je tiens pour mien, caractéristique de mon identité… »
On voit émerger – du côté des Moquettes Coquettes, par exemple – des perspectives de jeunes face à cette omniprésence des générations précédentes et de leur malaise.
L’élévation de la durée moyenne de vie et l’irruption de médias comme la télé qui rassemble des auditoires de 2 à 102 ans amèene à une coexistence inattendue de jusqu’à cinq générations successives de gens, dont certaines – celle de la « révolution tranquille » – avait pris pour acquis la notion d’une rupture entre les classes d’âge.
D’où, peut-être, l’effet déstabilisant des rééditions d’icônes comme le Parc Belmont ou Passe-Partout ou de voir les Rolling Stones et d’autres imposer leur « geriatric rock »… âge dort de la musique?
Dans mon texte ci-haut,le passage suivant,
« …par respect pour ma mère,par devoir de mémoire »,
n’avait pas d’affaire là,c’est un contresens qui
assombrit mon commentaire.
Faute d’inattention.(c’est l’âge!)
J’essaierai de faire mieux la prochaine fois.