Mathieu Poirier écrit:
Je crois que ce qui fait mal est que la télévision est la démocratisation de la culture, comme l'Internet et ça déplaît hautement à une certaine élite qui aurait préféré en en garder un certain monopole.
Pour Internet, je vous l'accorde. Mais qu'entendez-vous par "démocratisation de la culture à la télévision"?
Où est le livre à la télé, la poésie, la danse, les arts visuels, le théâtre? Qui choisit quel genre de culture "passe" à la télévision? Vous? Moi? Est-ce un processus démocratique?
Et que penser de Pierre Karl Péladeau, chantre de la démocratie, qui dit que la télé généraliste privée (lire TVA) "est la première source -et le premier animateur- de ce qu'il est convenu d'appeler le "star-système" à la québécoise, lequel est à l'origine du succès de toutes les formes d'expression artistique"?
Ce qu'il avance, c'est que la culture à la télévision doit passer à travers un "star-système". Et tant pis pour les faces inconnues. C'est le règne de la culture télégénique. C'est démocratique, ça?
Désolé, mais je ne crois pas que la télé "démocratise la culture". J'endosse plutôt la thèse de Michel Lemieux, auteur de La télé cannibale. Pour lui, la télé propose de bons divertissements, certes, mais elle ne démocratise pas la culture. Tout simplement parce que de nombreuses formes de culture ne sont pas compatibles avec la télévision. Elles "passent mal" à l'écran. Alors on les écarte.
Bien entendu, cela n'empêche pas ces autres formes de culture de s'exprimer. Mais pas à la télévision.
Cette "fenêtre sur le monde" me semble de plus en plus embuée. Elle est incapable, de par son fonctionnement, de nous faire voir une image nette de la société dans laquelle nous vivons. Qu'elle soit en haute définition ou pas, la télé nous renverra toujours une image floue de notre monde. Une image où se perdent les détails qui font sa richesse.
La culture comme l’information sont devenues des produits que s’arrachent les différents empires des technologies des communications. Au lieu de former des alliances pour offrir une plus large fenêtre au téléspectateur, la convergence des médias et leurs intérêts croisés (journaux, télé, téléphonie, internet)obligent le téléspectateur à gober de plus en plus d’émissions clonées en fonction de leurs valeurs publicitaires.
Des émissions d’intérêt public ou de divertissement de qualité qui auraient fait des audiences d’un million et plus, il y a vingt ans et qui, aujourd’hui, avec la multiplication des chaînes n’en font plus que 500,000 (un chiffre honorable pour une population de 6millions), sont flushées au profit d’émissions qui n’offrent aucune fenêtre sur ce que nous sommes. À part quelques exceptions. Heureusement. Mais pour combien de temps encore ?
Oui, la télé a démocratisé la culture et l’information. Mais ce n’est plus le cas. Aujourd’hui, ce sont les lois du marché qui fabriquent ce que nous regardons. Les règles de la concurrence et de la rentabilité proposent à des voyeurs amorphes une image d’eux-mêmes qui n’est pas démocratique mais totalitaire.
Que ceux qui en ont les moyens s’abonnent aux canaux spécialisés, c’est ça que dit PKP. Quebecor s’occupe d’un marché qui carbure à l’insignifiance et qui s’adresse à la masse. L’intimité d’obscurEs inconnuEs est devenue le centre d’intérêt de voyeurs serviles. Et ce, partout à travers le monde.
Un jour, les gens en ont assez. Mais il faut être allé très loin. Le comble a été atteint dernièrement par la chaîne Fox de l’empire News Corp de Rupert Murdoch. Après avoir signé O.J. Simpson pour 2 entrevues et pour la publication de son bouquin au titre obscène «Si je l’avais fait, voilà comment ça se serait passé» la pression populaire a obligé Fox à annuler le tout.
Je crois que la culture est une entité à plusieurs tentacules et que de se limiter à dire que la télé est la représentation par excellence de cette dite culture c’est comme dire que l’Afrique est un pays (et non un continent à 54 pays).
Un exemple de ceci: combien de personnes ont réellement pris au sérieux le contenu du livre « le code Da Vinci »? Non mais, c’est de la fiction, merde! du divertissement littéraire…c’est la même chose pour la télé; les nouvelles nous informent, les documentaires nous instruisent, le reste nous divertit!
Pour être globalement « culturé », faudrait aussi s’intéresser au théâtre, aux livres, au cinéma, etc. Enfin bref, autre chose que notre nombril.
Je n’ai pas encore eu la chance de lire l’ouvrage en question et je vais probablement le faire. Mais en attendant, je tiens à spécifier que je ne crois aucunement que la télévision est le berceau de la culture et qu’elle est som meilleur canal de diffusion.
Je dis cependant qu’elle a permis à une certaine couche de la population d’accéder à des éléments de la culture qui autrement leur seraient resté étrangers. C’est difficile de s’intéresser à autre chose qu’à son nombril lorsque l’on ne sait pas qu’il existe autre chose.
Je crois qu’avec l’internet, cette fonction de la télévision a perdu un peu de sa pertinence, mais si on remonte à l’arrière, je suis convaincu qu’elle fut un outil déterminant dans l’établissement de la culture québécois.
Pour une fois, je suis plutôt d’accord avec vous, monsieur Proulx.
Il est vrai que la télévision a tendance a transformer la culture en objet de consommation « cheap » assez subtilement.
Toutefois, je me fais l’avocat du diable pour les besoins de la « cause » médiatique, si vous me le permettez…
Je me pose quelques questions à propos de l’effet pernicieux de tous projets télévisuels, en bon disciple de McLuhan, et je me demande même si il n’est pas normal que la télé, en démocratisant le message culturel, n’est pas forcément obliger de le dénaturer afin d’en faire la promotion?
Et le mot-clé, c’est bien celui-ci: promotion.
En télévision, tout est affaire de cotes d’écoutes, d’offre et de demande. Rien n’est gratuit. Rien n’est jamais gratuit dans la vie, on le dit souvent d’ailleurs. Sans y croire totalement, mais on y croit car les faits sont là: un diffuseur offre des téléspectateurs à des annonceurs, that’s it, that’s all. Croire le contraire, c’est faire le job du publicitaire ou du propriétaire de l’agence ou de la station de télé…
Prenons simplement, par exemple, la manière dont les diffuseurs télévisuels doivent présenter toutes formes d’information au petit écran: même le meilleur des documentaires finit par être présenté comme une douzaine de saucisses Hygrade en spécial chez Pharmaprix.
On finit toujours par avoir une drôle d’impression… On finit toujours par avoir l’impression de regarder le film d’une manière hachurée, pas tout à fait légitime, sans la permission explicite du réalisateur. Comme si on mangeait des bouts de saucisses à la chaîne entrecoupé de morceau de tripes de cochon indigestes.
Et on finit toujours par se demander, à la fin d’un bon film vu à la télévision: « Mon dieu, qu’est-ce que ça devait être au cinéma?! »
Et il est là mon problème avec votre jugement, monsieur Proulx, car je crois que tout ça est bien ainsi car cela nous force à aller plus loin, à sortir de notre salon et visionner un vrai film.
Personnellement, je ne crois pas avoir écouté un film diffusé à la télévision depuis 1998. Je préfère encore me rendre dans un cinéma ou le regarder sur DVD.
Je trouve très pertinente l’intervention de Steve Boudrias ici. La télévision étant un médium gratuit dont le contenu dépend des annonceurs, il est en effet forcé de se plier à un cadre précis et hautement restrictif.
Mais en même temps, il est encore le meilleur moyen de rejoindre un maximum de gens en même temps. Non, même l’internet n’a pas encore supplanté la mainmise de la télévision dans les foyers québécois. Ça va venir inévitablement, mais ce n’est pas tout à fait le cas encore.
Et ce n’est pas parce que les diffuseurs se servent mal de ce puissant outil que cela lui enlève tout son pouvoir. Oui, il devrait y avoir plus de vraies émissions culturelles à la télévision et de meilleure qualité, mais il reste que Flash à TQS, Tout le monde en parle et Musique Plus ont actuellement beaucoup plus d’influence sur les habitudes culturelles de la masse qu’un blogue de Voir ou une chronique culturelle dans Le Devoir, destinés à des initiés.
C’est ça que je voulais dire par démocratisation.
Peut-on vraiment qualifier de démocratique la multiplication des fusions et des concentrations ?
«Dans cette mutation du capitalisme, écrit Ignacio Ramonet, dans La tyrannie de la communication (Folio), la dominante n’est pas l’alliance, mais l’absorption : dans un marché qui fluctue au gré d’imprévisibles accélérations technologiques ou de surprenants emballement des consommateurs, l’enjeu est en effet de tire profit du savoir-faire des mieux placés. L’objectif visé par chacun des titans de la communication est de devenir l’interlocuteur unique du citoyen.»
La fenêtre qu’offre la télé sur le monde est accessible à la masse et la tv est un médum de masse, mais avec les ambitions dévorantes des chaînes privées, la télé sert aussi de plateforme dans la bataille planétaire pour le contrôle de la communication.
Tant qu’il y aura des émissions commme Bazzo.tv ou Points chauds à Téléquébec. Tout l’monde en parle, Enjeux, Zone libre, à Radio-Can, certaines émissions de TV5 et quelques téléromans de qualités dont nous avons la recette( c’est aussi ça la culture ) on n’est pas encore trop mal partagés. Tout n’est pas encore perdu.
Mais pour combien de temps, les télés d’État pourront concurrencer les chaînes privées ?