N'en déplaise à ceux qui me voient comme un féroce pourfendeur de Quebecor. Je m'apprête à vous dire que je suis tout à fait d'accord avec l'Empire…
Je vous parle, bien sûr, des audiences du CRTC sur l'avenir du cadre réglementaire de la télévision généraliste canadienne. Toutes la semaine, le CRTC a entendu des dizaines revendications provenant d'à peu près tous les acteurs de la télé d'ici.
Or, Pierre Karl Péladeau, le patron de Quebecor, a demandé que les chaînes généralistes privées (lire TVA et TQS) puissent recevoir des redevances provenant des revenus d'abonnement au câble ou au satellite. Des sous supplémentaires pour TVA et TQS, mais pas pour Radio-Canada. PKP a aussi plaidé pour que TVA puisse diffuser davantage de publicité et faire plus de placement de produits.
Je suis bien d'accord.
Il y a une vingtaine d'années, le CRTC a voulu favoriser l'émergence des chaînes spécialisées au pays en permettant que ces chaînes perçoivent des redevances sur les abonnements au câble. L'idée était de contrer l'envahissement des Américains dans le monde des chaînes spécialisées.
Or, à l'époque, Canal D (par exemple) ne diffusait pas de publicités. Et tout allait pour le mieux dans le meilleur des mondes.
Sauf qu'aujourd'hui, les spécialisées diffusent toutes de la pub, et ont accaparé le tiers de la tarte publicitaire allouée à la télévision en général. Ouch!
En somme, les spécialisées jouent désormais dans les plates-bandes des généralistes. Normal que les généralistes veulent à leur tour jouer dans les plates-bandes des spécialisées.
TVA veut donc percevoir les mêmes revenus que les chaînes spécialisées. Cela ouvre la porte à la fin de la gratuité en matière de télévision généraliste. Car, à terme, TVA abandonnera les ondes hertziennes pour n'être accessible que sur le câble. Ce matin, dans La Presse, Nathalie Petrowski parle de "la fin de la télé comme service public".
La "télé" n'est pas un service public. Radio-Canada et Télé-Québec sont des services publics. Nuance. "Votre service public", c'est d'ailleurs le nouveau slogan de Radio-Canada.
Que TVA ou TQS décident de faire payer les téléspectateurs pour leurs services, c'est leur droit. Ce sont des compagnies privées.
Prenez mon dépanneur du coin, une compagnie privée aussi. Depuis peu, il a décidé de charger 25 sous à chaque client qui paie par Interac. Vous savez ce que je vais faire? Changer de dépanneur. J'ai le choix.
Or, le téléspectateur devrait avoir "le choix" de payer ou pas des redevances à TVA ou TQS. En d'autres mots, si le téléspectateur ne veut payer pour recevoir TQS, il ne devrait pas y être forcé.
Le câble, dans le futur, devrait être entièrement à la carte. Si l'on ne souhaite que s'abonner à TVA, Canal D et ARTV, on ne devrait payer que pour TVA, Canal D et ARTV. Et non pour un "bouquet de chaînes" comme c'est le cas actuellement.
En revanche, les services publics que sont Radio-Canada et Télé-Québec devraient, peu importe la technologie utilisée, demeurer accessibles gratuitement à toute la population. Par exemple, en s'abonnant au câble, ces deux chaînes devraient venir par défaut, gratuitement.
Pour TVA et TQS, c'est une autre histoire. Je le répète: ce ne sont pas des services publics.
Ce qui pourrait ressortir des audiences du CRTC, c'est justement une différence plus nette entre "chaînes privées" et "chaînes publiques". Et c'est très bien ainsi. Depuis des années, Radio-Canada et Télé-Québec doivent se comporter de plus en plus comme des chaînes privées. Ce n'est certainement pas l'idéal…
La ministre Bev Oda devrait permettre à TVA de diversifier ses revenus. En revanche, elle devrait aussi réduire le financement public accordé aux chaînes privées, et améliorer le financement de sa chaîne publique…
Oui, une télé publique super subventionnée, et sans pub, comme la radio de Radio-Canada. Puis des télé privées, accessibles seulement sous forme tarifiée, avec de la pub à en vomir.
Juste une chose, par exemple: Pour pouvoir se targuer d’être réellement privées et de ne pas être des services public, les chaînes tarifiées devrons renoncer à toutes forme de subventions directes et indirectes, et ce à tous les niveaux d’opération, incluant les sous-traitants et les boîtes de production. Même chose pour les dégrèvement d’impôts.
On va voir combien il va en rester ;-), des chaînes « privées »…
Croire que PKP défend un principe démocratique ou qu’il a une vision de l’univers télévisuel qui soit plus populaire ou (encore plus surprenant!) plus juste que son vis-à-vis Ted Rogers, il faut faire abstraction d’une grande partie de la réalité télévisuelle, en particulier, et du monde des télécommunications, en général.
La raison pour laquelle Quebecor World défend sa vision du câble et de la télé généraliste tient exactement dans l’organisation administrative et comptable de son empire médiatique.
Si PKP désire faire un mouvement de capital de l’abonnement au câble vers la télé généraliste, c’est tout simplement parce qu’il veut alimenter TVA, sa télé abordable et populaire et gratuite, afin de subventionné ses efforts spécialisés par le biais d’un véhicule « gratuit » représenté par une station de télévision fourre-tout qui fait dans l’infopub, le téléjournal, le téléroman, le documentaire sensationaliste, etc.
Et ce, afin d’attirer ces gens-là vers Vidéotron câble, vers le Journal de Montréal, vers Coup de Pouce ou Châtelaine, vers Vidéotron internet, etc. Même chose pour ce qui est de son discours supposément « démocratique » concernant les hebdos gratuits. Le 24 heures est et restera une pâle copie du Métro, initiative Suédoise en territoire américain. Le 24 heures et le ICI resteront également de bons moyens « gratuits » de générer de nouveaux revenus auprès des même annonceurs s’affichant ailleurs dans l’empire, ou une manière abordable d’aller chercher de nouveaux annonceurs plus modestes cherchant à rejoindre un public-cible plus petit.
Penser autrement, c’est faire du René-Angélisme ou penser que Stéphane sera aussi populaire que Céline parce qu’il a pour nom de famille « Dion »…
Oui, monsieur Proulx, les changements que vous suggérez si gentiment au CRTC sont fondés sur une vision équitable de la répartition des revenus dans le domaine des médias… qui est, doit-on le rappeler, le quatrième pouvoir dans une société libre et démocratique…