BloguesAngle mort

Ceci n’est pas une conspiration

Un message de Marie-Paule Racine…

Je suis abonné à La Presse et j'écoute régulièrement les bulletins de nouvelles et il m'arrive assez souvent de penser que les journalistes n'ont pas toute la liberté de presse que l'on veut bien nous faire croire. Je pense ici au procès de Saddam Hussein où il y est passé presque sous silence qu'il n'a pas été jugé pour ses crimes commis contre les Kurdes car, à ce moment, les Etats-Unis ont favorisés ces assassinats. Il n'a pas été jugé pour ces crimes et les Etats-Unis non plus et, de cela, on en a que très peu parlé dans les médias. Les journalistes sont-ils menacés s'ils vont au-delà de l'image américaine?

Au Québec, non. On s'en sacre pas mal de l'image américaine. C'est même plutôt le contraire qui arrive. Si on peut piquer le gouvernement Bush, on le fera. Ce qui ouvre aussi la porte à d'autres genres de dérapages.

Vous avez raison, Saddam n'a pas été jugé pour ses crimes commis contre les Kurdes. Sauf que de dire qu'on en n'a pas parlé dans les médias est faux. Hier, dans votre Presse, un long texte du journaliste indépendant Gwynne Dyer reprenait précisément ce que vous avancez. Deux extraits:

[…] ils ont pendu Saddam Hussein pour le meurtre judiciaire de 144 villageois de Dujail prétendument mêlés à un complot contre sa personne en 1982.

Dujail ? Voici un homme qui, dès son arrivée au pouvoir à la fin des années 1960, a commencé sa carrière politique en exterminant la direction entière – essentiellement chiite – du Parti communiste irakien, puis a envahi l'Iran en 1980, ce qui a fait près d'un demi-million de morts, massacré en 1987-1988 les Kurdes de son pays, dont certains dirigeants avaient pris parti pour les Iraniens, envahi le Koweït en 1990 et massacré des chiites irakiens en 1991 lorsqu'ils se sont soulevés contre son régime à la fin de la guerre. Et on l'a pendu à cause de Dujail ?

C'est comme si on avait pris Adolf Hitler vivant en 1945, mais ignoré le fait qu'il était responsable d'avoir déclenché la Seconde Guerre mondiale et d'avoir fait tuer six millions de juifs en se bornant à le juger pour l'exécution de ceux qui étaient soupçonnés d'avoir participé à la tentative d'attentat à la bombe contre lui, découverte en juillet 1944. Alors qu'on n'avait que l'embarras du choix entre les autres crimes de Saddam Hussein, comment a-t-on pu le pendre pour avoir fait exécuter les gens suspectés d'être impliqués dans l'affaire de Dujail

[…] les conseillers en communication de l'actuelle administration Bush ont fait passer d'abord l'affaire de Dujail, avant les autres qui concernent des crimes plus graves, sachant parfaitement qu'elles n'auraient plus d'objet une fois que la peine de mort aurait été confirmée pour la première. Il ne sera donc pas nécessaire de laver le linge sale en public. Mais cela signifie que le procès de l'homme qui a été pendu samedi était une honteuse mascarade. Et surtout qu'il n'a pas été exécuté pour le bon crime.

Ce discours, on l'a aussi entendu à RDI. Et mercredi dernier, Le Devoir publiait deux longs textes mentionnant les relations entre Washington et Saddam au moment où ce dernier commettait ses pires crimes (ceux qui n'ont pas été jugés)…