BloguesAngle mort

Louise Cousineau s’en va…

 

Extraits d'un texte où l'illustre chroniqueur Télévision de La Presse, Louise Cousineau, annonce son départ… On va s'ennuyer de vous, Madame Cousineau!

Mon voisin de bureau et néanmoins ami Claude Gingras a l'habitude de me dire, quand il est fâché contre moi, que la télévision rend idiot. Il est à l'abri du danger, n'ayant même pas de télé chez lui. Dans mon cas, tout s'arrange puisque je quitte cette chronique après 12 ans pour devenir boss. Tirez vos conclusions.

Je suis venue à cette chronique presque par hasard. Au cours d'une sombre grève à La Presse, les journalistes avaient lancé un journal pour ne pas perdre la main, Le Quotidien Populaire. J'en avais profité, puisque personne ne s'y intéressait, pour parler de ce que je voyais à la télévision. Au retour de la grève, le poste de chroniqueur est devenu libre et je l'ai demandé. Le patron de l'époque ne voulait absolument pas me le donner, en disant que c'était impensable qu'un reporter qui aimait travailler aille perdre son temps à parler de ce média niaiseux qu'est la télévision. Je lui ai demandé un essai de six mois. Je pense qu'il est toujours convaincu d'avoir pris la mauvaise décision.

J'ai adoré ces 12 années, même les soirs où mon salon se vidait parce que mes amis savaient que je regarderais une mauvaise émission jusqu'à la fin. J'ai regardé la télé avec passion durant toutes ces années. Et puis, l'automne dernier, j'ai décroché. Je venais de voir la reprise de ce chef d'oeuvre qu'est Des Souris et des hommes. Je me suis rendu compte que la télévision ne faisait plus d'oeuvres de cette qualité. Et que le public, déshabitué d'en voir, n'en réclamait plus.

[…]

Les temps ont changé, et nous avons maintenant quatre chaînes qui veulent nous séduire. A tout prix. La guerre aux cotes d'écoute se solde par une diminution générale de la qualité. Que voulez-vous: en télévision commerciale, il faut livrer le plus de téléspectateurs possible aux commanditaires.

[…]

L'ex-patron de Radio-Canada, M. Robert Roy, disait qu'il faisait des émissions populaires de qualité. C'est vrai dans plusieurs cas, mais jusqu'à nouvel ordre, seulement à Radio-Canada. Avec l'exception des oeuvres de Janette Bertrand à Radio-Québec.

[…]

Merci aux lecteurs qui ont téléphoné, qui ont écrit, pour me dire leur accord ou leur désaccord. Merci à ceux qui m'ont dit qu'ils s'ennuieraient de mes chroniques. Ceux qui haïssaient ça peuvent se réjouir: ceci est ma dernière phrase.

Ou plutôt non. Il y a des soirs où je vais diablement m'ennuyer d'écrire.

N'ayez crainte, Louise Cousineau est toujours fidèle au poste. Ce texte étrange est paru dans La Presse du samedi 9 juillet 1988… Il y a presque 19 ans!

En tombant dessus hier, et en notant à quel point il était toujours d'actualité, j'ai eu le goût de le partager avec vous…