Mon ex-collègue Martineau publie un billet que je voulais moi-même publier. Il porte sur un "Album-Souvenir" que La Semaine a publié pour commémorer la tuerie de Virginia Tech.
Un "album-souvenir"… Pour une tuerie. Non mais, est-ce assez de mauvais goût pour vous?
Tous les médias font de l'argent sur le dos de cette tragédie. C'est un fait. Il me semble toutefois qu'il existe un certain devoir de retenue.
M. "Bonne Semaine" est peut-être le maître du magazine cucul au Québec, il me semble malgré tout que le GROS BON SENS hurle que d'accoler le terme "Album-Souvenir" à la pire tuerie à être survenue dans une école, c'est faire preuve d'un mauvais goût complet.
C'est la loi du merchandising appliquée aux drames humains. Un peu comme si on lançait des bobble heads commémoratifs des soldats canadiens tués en Afghanistan.
Bref, c'est petit. Très petit.
C’est dégueulasse, lamentable, à gerber. Mais que va faire le beau petit public docile ? Se ruer sur ce torchon, regarder les belles images et fermer sa gueule. Alors pourquoi se priveraient-ils de se faire du blé sur une telle tragédie puisque le public en redemande ?
J’ai vu ça vendredi dernier. Je l’ai pris dans mes mains pour vérifier si j’avais bien lu ce qui était écrit sur le cover tellement j’étais abasourdie. Je veux avoir leurs chiffres de vente de ce numéro honteux…pour rire ou pleurer…
Excusez-moi de sortir mon latin, mais c’est poche en ostie.
Ceci dit, rien ne me surprends plus de ce genre de « torchon », comme vous dites si bien : après avoir constaté qu’on écrivait des articles sur les visites que recevait Guy Cloutier en prison et les phantasmes de Karla Homolka, il me semble que le mauvais goût fait rouler l’économie…
Qui est le plus con ? Celui qui produit ce genre de torchon ou celui qui l’achète ?
Celui qui le produit, car il propage la connerie. S’il ne produisait pas, il y aurait moins de con pour l’acheter.
La connerie, c’est contagieux.
Celui qui l’achète ! Celui qui le produit, au contraire, est sacrément intelligent ! C’est une enflure de première, certes, une raclure de fond de casserole, mais il a l’intelligence de se faire des boules en or en spéculant sur le voyeurisme morbide de ses lecteurs.
Ça vous surprend encore, ce genre de bassesses ? Pas que je dise qu’on ne doive pas les dénoncer ! Au contraire. Mais la réalité est telle que les gens n’ont pas de vie ! Alors entre un Big Mac et un épisode de Virginie, que reste-t-il pour remplir le vide ? Mille autres insignifiances que l’industrie se fera un plaisir de vous offrir.
Une véritable mine d’or sale. Mais qu’importe!? Puisque la bonne conscience n’est plus au goût du jour.
Ce qui me dérange le plus avec tout ces albums souvenir, c’est que 99% du contenu est sur le psychopathe qui à commis le crime. Cela en est à croire que les médias essayent de créer une sorte de culte autour ces dangereux malades.
Un album souvenir, devrait être mettre les victimes à l’honneur, pas leur meurtrier.
La surmédiatisation ne fait pas que vendre du papier, elle encourage les pauvres gamins malades à suivre les traces de leur « héros ». Oui oui, aussi terrible que soit le terme, ces tueurs ne sont pas méprisés par tous ! Dans notre belle société de consommation où tout se récupère à des fins mercantiles (même l’horreur), ce n’est plus la mort de 32 innocents qui fait reculer les plus dingues, c’est plutôt tout cet engouement créé autour de l’acte ultime qui encourage les plus vulnérables sur le plan psychologique. Pourquoi pensez-vous que ces tueries se répètent ?
Notez que si La Semaine profite de la tuerie pour se faire du fric, le collège de Virginia Tech ne montre pas non plus le meilleur exemple… Qu’ont fait les responsables de l’école ? Ils se sont empressés d’enregistrer le nom de domaine http://choseunghui.com pour en faire la page d’accueil de l’école ! Ça leur attire immensément plus de visiteurs qu’avec leur banale adresse normalem http://www.vt.edu. Ont-ils des scrupules à utiliser le nom du tueur pour faire venir les internautes sur leur site ? Voyons, scrupule est un mot qui a disparu du dictionnaire ces dernières années !
Ah, au passage, 500 noms de domaines faisant référence à la tuerie ont été enregistrés dans les heures qui ont suivi la tragédie. L’un d’eux est offert à qui veut l’acheter pour la modique somme de 1 million de dollars. Pendant que vous pleuriez devant la télé, d’autres faisaient fructifier l’horreur. Sur ce, excusez-moi, je m’en vais vomir…
Mais il n’y a pas d’album souvenir qui tienne ! Comme tout cela est ridicule ! Pourquoi vouloir préserver la mémoire de cette violence pure et gratuite ?
Combien de gens, pendant ce temps, s’attaqueront au véritable problème ?
Quelle belle époque. Je me réjouis d’aussi brillantes idées. Grâce à cet album-souvenir G-É-N-I-A-L, je pourrai me souviendre à souhait. Il était temps que le génie humain qu’est ce Claude J. Charron vienne nous illuminer avec grâce et profondeur!
Le ressasseur de drames et tragédies que je suis demande:
À quand un t-shirt Valeri Fabrikant?
À quand un poster de Kimver Gill?
À quand un casse-tête en 3D de Polytechnique?
À quand la comédie musicale Columbine?
et celui que j’attend le plus:
À quand un DVD des meilleurs moments de Virginia-Tech?
Merci, ô brillantissime magazine La Semaine. Devant toi, je me prosterne et m’incline devant autant de classe, d’intelligence et de profond humanisme.
(……….)
À quand un album souvenir du Boucher de Rosemont? À quand un album souvenir des victimes de Guy Cloutier ou encore un album souvenir des membres du clergé qui ont abusés des p’tit gars.
Je crois sincèrement que nos Éditeurs de journaux, Pas Voir mais les autres, sont rendus tellement en panne d’imagination qu’ils sont prêt à toutes les bassesses pour faire une piastre.
Continuez votre beau travail, c’est tellement poche qu’on trouve ça drôle!
La première « médiatisation » de cette tuerie est certes de l’ordre de l’information et pas la suite de l’analyse. Cette couverture est nécessaire mais souvent trop à la surface des choses. On dénonce la facilité d’acheter des armes aux États-Unis; on analyse les caractéristiques du tueur fou. Finalement, on met de l’avant certaines pistes de prévention.
La deuxième médiatisation, style « Bonne semaine » s’adresse, en général,à un autre public. Ces gens n’ont pas le temps de lire un quotidien; ils vivent dans un mode de « clips ». L’album-souvenir, c’est un clip d’images, le texte est sans importance. Un gros Playboy ou People avec la photo centrale du tueur et tout autour ses victimes (monsieur et madame tout le monde). Pas étonnant, que les achats d’armes ont augmenté les jours suivants.
La deuxième médiatisation répond aussi à nos attitudes contradictoires face à la mort: fascination et rejet, instinct de vie et instinct de mort. La mort de l’autre nous soulage un peu;les survivants se disent toujours avec douleur: pourquoi lui et pas moi? En sachant très bien que son tour viendra.
Souvent derrière les vieilles cartes mortuaires, on retrouvait une prière dans laquelle le défunt nous disait qu’il nous attendrait au paradis au moment de notre mort et qu’il veillait, en attendant, sur nous. Aujourd’hui, on se console avec » Quand les hommes vivront d’amour »; mais nous n’y croyons pas plus.