Excellente chronique de Paul Cauchon ce matin dans Le Devoir. Il revient sur cette histoire de téléréalité portant sur les dons d'organes, liée au dernier roman de Patrick Sénécal, Le Vide.
Ce qui est fascinant dans cette histoire [la téléréalité néerlandaise], c'est que, malgré les indignations, tout le monde y a cru. Parce que l'on est habitués à voir la téléréalité reculer les limites de l'éthique et de l'acceptable. Si des émissions peuvent mettre en vedette de pauvres obèses qui pleurent de joie lorsqu'ils perdent 12 livres, si l'on peut se faire refaire la moitié du corps devant les caméras dans Makeover Extreme, l'on ne s'étonnait pas que le don d'organes fasse l'objet d'une téléréalité.
On remarquera, en passant, que les producteurs des émissions de téléréalité aient toujours une justification. Toujours. Dans le cas d'Occupation double, c'est supposé être un soap romantique qui fait rêver. Dans le cas de Loft Story, un laboratoire d'observation sociale. Dans le cas de Facteur de risques, le dépassement de ses limites.
Aucun producteur ne déclarera brutalement que son émission exploite essentiellement le maximum de voyeurisme pour ramasser le maximum d'écoute, en utilisant le corps, les émotions et les sentiments comme marchandises.
Mais aussi ce que j’appelle l’unanimité pour l’aveuglement temporaire à long terme. On choisit, en écoutant ce genre de stupidité télévisuelles, de se fermer les yeux face à ce qui se trouve de «demandant» en nous: les compromis, l’Autre, le partage, les besoins essentiels, les problèmes, l’amour, les peines, les pertes, les peurs, la confiance, etc… Nous acceptons, en devenant voyeur de la «vie» des autres, de se dire: nous sommes un tas de gens qui décident volontairement de s’abrutir au même moment, de consentir au ridicule du participant, de se sentir moins stupide, moins épris par ses préoccupation réelles, de participer à quelque chose de commun dans notre égoisme profond…