Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias, a laissé un commentaire à propos de ma dernière entrée sur le théâtre de rue des policiers à Montebello…
Il faut voir plus loin que ces images ambiguës!!!
Intéressantes sont ces images captées sur le vif. Mais, pour un profane ou pour un citoyen qui n'était pas sur les lieux du «crime», ces images ne font que créer un léger malaise sans, pour autant, être vraiment «loquaces» ou «éloquentes».
Depuis quelques décennies je suis sociologue des médias et je n'ai jamais cru à la formule magique un peu simplette qui prétend qu'une image vaut mille mots.
Il y a des moments où un mot vaut des centaines d'images. En ce qui concerne ces images, la zone d'imprécision et d'«insignifiance» (au sens littéral du mot «insignifiance») est trop considérable pour qu'il soit possible de se faire une idée claire et vraiment éclairante.
Alors, je me contente de répéter ce que de nombreuses personnes ont déjà dit ou écrit (je pense notamment au journaliste Jean-Claude Leclerc), il faut une enquête poussée pour aller, autant que faire se peut, au fond des choses.
Étant âgé de 64 ans et ayant participé à quelques dizaines de manifestations (y compris celle des Noirs états-uniens, à Washington, en août 1963, avec Martin Luther King), je reste fasciné par les divers scénarios qui «animent» ces manifestations.
La plupart du temps, il y a une majorité de manifestants qui sont là pour MANIFESTER un point de vue. Il y a des enragés et des casseurs qui hantent toutes les manifestations. Et, pour simplifier, il y a aussi ces flics dont le rôle est parfois ambigu et parfois assez clair. Historiquement, dans de nombreuses manifestations, des flics faisaient de la provocation, laquelle provocation avait comme objectif de discréditer les manifestants et le message RENDU MANIFESTE par ces manifestants.
Ce qui est certain, c'est qu'il faut faire la lumière sur ces troublants événements de Montebello!
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias
Après avoir lu le commentaire de ce sociologue des médias, je me pose toujours la même question.
Bon, c’est vrai qu’il est très approprié de rappeler que les manifestations cherchent également à manipuler OUVERTEMENT l’opinion publique. Il est tout aussi adéquat d’insister, en s’appuyant sur sa propre expérience, sur le fait que dans toues les manifestations il y a des gens se mêlent à celles-ci uniquement pour y faire du grabuge.
Mais nous rappeler ensuite l’évidence voulant que l’on ne doive pas se fier à ce qui nous est montré est un peu déplacée, dans le cas présent, selon mes yeux de non-spécialiste.
Car à votre précédent commentaire, monsieur Proulx, était greffé un lien menant vers un article plus « fouillé » allant au-delà de l’image, justement.
Ainsi, on y rapporte dans cet article des faits ou des coïncidences plutôt troublantes: on y souligne la ressemblance des bottes des manifestants avec ceux qui les « arrêtent », on note le comportement surprenant d’un des présumés agents provocateurs, on rappelle que ces individus ont été reconnus par la SQ elle-même comme étant des policiers, etc. Ce ne sont pas que des images, ça !
Bref, ce qui me laisse un peu sur ma faim, de la part de ce spécialiste, c’est le simple fait qu’il certes de bon ton de passer le 3/4 d’un commentaire à minimiser l’importance de ce qui est révélé, pour ensuite conclure sur une question montrant qu’on est tout de même préoccupé par la situation… mais je suis désolé, comme analyse, ça néglige pas mal l’équilibre critique qu’un événement aussi troublant doit mériter.
Car, à la base, ce type d’images compromettantes, si elles n’ont pas en elles-mêmes le mérite de condamner un geste illégal, elles nous rappellent tout de même que cette affaire a vu le jour grâce à des non-journalistes. Et que cela peut aisément amener les plus cyniques à se demander s’il ne faudrait pas que le travail d’enquête soit également amorcé par des amateurs afin d’y voir plus clair un moment donné.
Étant donné que je suis resté sur ma faim, pour ne pas dire que j’ai été plutôt déçu par cette intervention du sociologue des médias Jean-Serge Baribeau sur votre blogue.
Étant donné que vous faites habituellement référence à des gens intéressants, monsieur Proulx.
Et étant donné que je sais aussi qu’on ne peut pas toujours apparaître sous son meilleur jour dans un bref commentaire ; j’ai effectué une petite recherche pour me faire une idée plus juste de l’intellectuel en question, et j’ai trouvé un document radiophonique assez récent (et toujours autant d’actualité) qui met en valeur :
1) un sujet qui convient au thème de votre blogue ;
2) le sociologue que vous venez de citer.
Il s’agit de l’émission « Pensée libre » du 9 janvier dernier, sur les ondes de la SRC. Une émission animée sur un ton agréable et feutré par le sympathique Serge Bouchard, et qui entraîne doucement à la réflexion.
L’entretien, met « en vedette » :
Michel Rivard, auteur-compositeur-interprète.
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias.
Diane Pacom, sociologue à l’Université d’Ottawa.
Pierre Desjardins, professeur de philosophie au Collège Montmorency.
Jean-Jacques Strélisky, publicitaire, vice-président et directeur de la planification stratégique et créative chez Publicis Canada.
Bref, si tout comme moi vous avez ratée cette émissiont, il s’agit d’une « table ronde » très instructive cherchant à répondre à une question susceptible de vous intéresser : Sommes-nous obnubilés par la notoriété ? Ou bien : « La notoriété est-elle devenue la nouvelle drogue de notre société de consommation hyper-médiatisée ?
http://www.radio-canada.ca/radio/emissions/document.asp?docnumero=30903&numero=1663
p.s.: j’ai pris la peine de vérifier et vous n’avez pas fait mention de cette émission de radio au mois de janvier dernier. 😉
CHER MONSIEUR BOUDRIAS, votre sens critique et votre méfiance (presque méthodologique) me font plaisir et me ravissent, cela étant dit sans la moindre teinte d’ironie.
Pour défendre un petit peu mon pauvre texte, je me dois de dire que j’ai tenté d’apprendre à me méfier des images. Comme vous le dites si pertinemment, il n’y a pas que les images. Il y a divers textes qui tentent d’éclairer et de clarifier ces fameuses images. Mais, si vous lisez bien tout ce qui est écrit, de nombreux commentateurs aimeraient recevoir un surcroît d’explications. Il est clair et indéniable que des policiers «participaient» à la manifestation de Montebello. Cela, je n’en ai jamais douté et si j’ai semblé en douter, c’est que je m’exprime très mal. Là où il faut poser des questions supplémentaires, c’est sur le pourquoi du comment. Que faisaient ces «pandores» [flics)? Eux, ils vont dire que c’est pour protéger les manifestants et les biens des citoyens de Montebello. D’autres diront qu’ils faisaient de la bête provocation. Ils auraient cherché à «faire du trouble» dans le but de discréditer les manifestants et les idées manifestées.
Vous m’excuserez si je fais prétentieusement allusion à ma participation à de nombreuses manifestations. Mais, dans ma prétention à moi, je me sens à même de dire que des «manifs», j’en ai vu de toutes les couleurs et de toutes les saveurs. Il est arrivé souvent que des policiers faisaient de la provocation. Il est arrivé que des manifestants agressifs et excessifs jouent le jeu des policiers en justifiant la répression et l’écrasement de la manif.
Même si je vais donner l’impression d’être un petit vieux nostalgique, je vais dire ici que la manifestation la plus merveilleuse de ma vie a été celle dont j’ai fait mention: celle des Noirs américains à Washington en août 1963. Il n’y a eu aucune violence et j’ai été bouleversé. Je venais d’avoir 20 ans deux semaines avant la manif.
Courtoisement,
Jean-Serge Baribeau
Monsieur Baribeau, il n’était pas dans mon intention de vous traiter comme un « p’tit vieux » doublé d’un intellectuel prétentieux. Loin de là ! Je n’ai pas l’habitude de faire dans le procès d’intentions ou d’être bêtement irrespectueux en public.
J’essayais simplement d’exercer mon sens critique en tant que citoyen, tout en faisant preuve d’exigence envers votre savoir de sociologue des médias.
Et je veux bien, tout comme vous le souhaitez, qu’on protège le bien commun et les honnêtes citoyens, mais il ne faudrait quand même pas que cela se fasse au détriment du droit commun et de la liberté de manifester ou d’afficher son mécontentement envers les autorités.
En d’autres mots, je comprenais mal votre intervention même si j’en partageais la conclusion (le désir d’en savoir plus sur cette affaire).
J’ai d’ailleurs souligner le fait que vos remarques étaient tout à fait appropriées et justifiées lorsqu’il s’agissait de parler des manifestations en général.
Mais ma critique provenait surtout du fait que votre texte me donnait l’impression que votre méfiance tout à fait justifiée face aux images ambiguës, au sens large, risquait de diminuer un peu rapidement, dans ce cas en particulier, l’importance d’un motif légitime d’inquiétude face à un comportement très discutable.
Bref, j’avais un peu peur que votre sens critique et vos remarques pertinentes finissent par transformer des informations troublantes en un autre exemple de « paranoïa collective assistée par ordinateur ».
Cela étant dit, j’apprécie beaucoup votre mise au point et j’espère vous lire à nouveau dans le futur, ici ou ailleurs, ou de vous entendre sur d’autre tribunes.
Car même si je sais que vous vous méfiez de la notoriété, vous gagnez tout de même à être connu!
p.s.: votre expérience personnelle de manifestant m’apparaît toujours aussi pertinente et je vous envie beaucoup d’avoir pu assister à la manifestation pacifique de Washington en 1963… ce devait être un moment magique !
Très sincèrement, Monsieur Boudrias, votre sens critique me ravit et me donne de l’espoir. Vous manifestez ce qu’un grand philosophe a appelé une sorte de DOUTE MÉTHODOLOGIQUE et cela est admirable dans un monde parfois trop fondé sur le triomphe des émotions primaires.
AU PLAISIR!
JSB