BloguesAngle mort

Dieudonné et la pensée facile

 

J'aimerais revenir sur cet étrange souper chez Luck Mervil où l'on a vu Dieudonné et le couple Richard Martineau/Sophie Durocher se crêper le chignon à propos de la liberté d'expression.

C'était au 3950, à TV5, samedi dernier. TV5 rediffusera l'émission demain (jeudi) à 21h30 pour ceux qui l'ont raté.

Un étrange souper, donc, où les autres convives étaient pratiquement effacés.

Dans sa chronique de La Presse, Louise Cousineau en a profité pour ressortir une vieille rancoeur qu'elle garde à l'endroit de Martineau. Pour elle, "Martineau a fait un fou de lui" lors de ce souper. Un texte méchant de la part d'une madame qui avait perdu un peu de mordant au cours des dernières années.

L'épouse de Martineau, Sophie Durocher, a voulu défendre son chroniqueur de mari en envoyant une lettre à La Presse. La voici. Dans sa lettre, elle en a contre Dieudonné:

J'affirme bien au contraire que nous nous sommes tenus debout devant un être odieux qui copine avec Le Pen, qui prendrait une tasse de café avec Hitler "pour faire jasette" et qui glorifie l'Iran et Cuba (deux grandes démocraties, comme chacun le sait).

Lors de cet étrange souper, le couple Martineau/Durocher a reproché à Dieudonné d'avoir été photographié avec Le Pen. L'an dernier, Dieudonné a aussi dit qu'il fallait "cesser de diaboliser Le Pen". Allez lire l'article de Libération sur le pourquoi de la "conversion" de Dieudonné.

Dieudonné aime choquer. C'est sa marque de commerce. Il frappe là où ça fait mal. Son truc, c'est de lutter contre les préjugés. Il existe en France un préjugé voulant que Le Pen soit le diable incarné. On le sait, il a déjà dit que la Shoah était un "point de détail de l'Histoire". C'est épouvantable.

Alors Dieudonné va serrer la main du diable et vous en parle après.

C'est difficile à admettre, mais même le diable a des nuances. Alors Dieudonné nuance.

Dieudonné est un humoriste qui parle de politique. Déjà, c'est rarissime. Plus rarissime encore, il ose aller à contre-courant des idées reçues. Il ose prendre des positions impopulaires dans le but avoué de susciter le débat et de s'éloigner de la pensée unique. Ou plutôt, de la "pensée facile". Cette pensée beige, couverte de bons sentiments, qui ne suscite aucune espèce de controverse.

Ce genre d'artiste n'existe pas au Québec.

Tenez, j'ai déjà fait la recherche: impossible d'interviewer un artiste, un humoriste, un musicien qui soit ouvertement libéral ou adéquiste. Il en existe. J'en ai trouvé des artistes libéraux. Et des connus. Je leur ai parlé et ils m'ont dit qu'ils ne voulaient pas amener leurs convictions sur la place publique. Peur pour leur image.

Par contre, des artistes péquistes, Québec solidaire, gaugauches et écolos… On en a des tonnes de copies.

Les artistes au Québec évoluent dans une pensée facile sur le plan politique. Ceux qui n'entrent pas dans le moule ferment leurs gueules.

Il faut donner à Dieudonné ce qui lui revient: ses positions suscitent débat et réflexion.

Lors de cet étrange souper, Dieudonné (et Luck Mervil) a demandé à Richard Martineau s'il interviewerait Hitler. Celui-ci a répondu: "Jamais." Il a ajouté qu'il a refusé des gens aux Francs-Tireurs. Des gens à qui il refuse de donner de la visibilité.

Je ne veux pas faire de liens grossiers, mais c'est Télé-Québec, au printemps dernier, qui a empêché la diffusion de l'entrevue qu'avait réalisé Martineau avec le Doc Mailloux. Pour éviter de créer des remous et pour ne pas donner plus de visibilité à ce barbu aux propos discutables.

Richard Martineau, lui, aurait voulu qu'on entende les grossièretés de Mailloux afin que le public puisse vraiment le juger. Il semblerait que ce qui s'applique à Mailloux ne s'applique pas à Hitler. Enfin.

À mon avis, un journaliste qui refuse d'interviewer un personnage public, même le pire, n'est pas un journaliste.

Si c'était possible, j'interviewerais Ben Laden, Hitler, Castro, Staline, Attila le Hun et Néron.

Pas parce que je suis d'accord avec ces gens, mais lorsqu'on est un historien du présent -et c'est ce que sont les journalistes- on se doit de tendre le micro à ceux qui la font, cette histoire.

Même les pires.