Extrait d’un article de Présence magazine avec lequel je ne peux, malheureusement, qu’être d’accord…
Les médias habituent l’humain à l’inhabituel. Ils l’habituent ainsi aux meurtres et à leur résolution facile par traces d’ADN, à la colère des parents d’enfants tués dans les accidents de voiture, à la tolérance zéro et aux accommodements raisonnables, au chagrin des exclus des téléréalités, au danger des frites et des hamburgers, aux bienfaits des laveuses-sécheuses à chargement frontal qui permettent d’économiser le savon, l’eau, l’énergie!
Ce qui est anecdotique devient important, ce qui est relaté devient vrai, ce qui est commenté devient valable. […]
Les gens veulent être dans le coup et s’informent alors de ce nouveau phénomène «de l’utilisation du mot pute par la jeune femme moderne» bien que le «phénomène» ne concerne en fait que trois ou quatre jeunes filles dites branchées parties de l’entourage du journaliste. En fait, lorsqu’ils ne pêchent pas par démagogie – la réalité des journalistes devient la réalité de chacun par média interposé.
Car les journalistes se ressemblent: ils partagent une culture universitaire et vivent à Montréal, s’entichent des vedettes méconnues du grand public, vont prendre une bouchée dans le Vieux et un verre sur l’avenue Mont-Royal; ils prônent le recyclage en même temps qu’ils consomment culture, mode et techno; ils vivent sur le Plateau et méprisent les banlieusards qui utilisent l’auto; ils sont contre Bush et n’aiment pas trop Mario Dumont; ils s’intéressent aux religions mais pas au catholicisme. Ils partagent un même savoir, les mêmes idéaux et fréquentent les mêmes lieux et les mêmes gens.
Les journalistes ne font pas que rapporter l’information. Ils annoncent des événements et proposent des goûts, des modes de vie. Ils sont à l’affût des tendances… soient-elles insignifiantes, vulgaires ou ridicules. Et encore, le culte de la première et de l’exclusivité les pousse maintenant à débusquer «les créateurs de tendances» ou, pour dire les choses autrement, à signaler des tendances avant même qu’existe une «tendance». Alors que les entreprises de relations publiques s’affairent avec ce qui est important, les journalistes s’occupent de ce qui est marginal. Car ainsi va le journaliste qui a du pif: il ne rapporte pas la réalité, il la précède, lui trace la voie.
En fait, l’information précède toujours la réalité.
Via le Kiosque Média
« Alors que les entreprises de relations publiques s’affairent avec ce qui est important »
Ha bon…
Moi qui croyait qu’elles s’affairaient à promouvoir celui qui les payait pour.
certes, il y a une « certaine » information qui précède une « certaine » réalité. comme il y a une « certaine » masse de journalistes qui s’abreuvent tous de la même eau.
l’analyse est un tantinet trop généralisante… c’est dommage, mais intéressant.
Est-ce que ceci s’applique également aux bloguers ou à ceux qui parasitent les dits blogues de commentaires fleuves et dénoués de tout intérêt? Je serais bien curieux de ne pas connaître l’avis de Steve Boudrias à ce sujet.
Moi aussi, je suis curieux de ne pas connaître mon avis là-dessus, monsieur Lacasse. lol
Mais sachez qu’aux deux extrémités de chaque fleuve se trouve une rivière ou un océan.
p.s. : c’est vrai que mes commentaires sont longs à scroller… mais ils sont plus plaisants à lire… c’est ce que je vous conseille de faire la prochaine fois.
merci
Bien sur, l’article est « vrai », mais seulement si l’on adhère à une certaine idéologie de l’efficacité et de la rapidité toujours croissante à peine dévoilée par la phrase : «Alors que les entreprises de relations publiques s’affairent avec ce qui est important, les journalistes s’occupent de ce qui est marginal.» À ce sujet, Paul Virilio dans « L’horizon négatif » :
«Abolissant progressivement notre connaissance des distances (les distances cognitives), la vitesse, en nous approchant violemment, nous éloigne d’autant des réalités sensibles, plus nous avançons rapidement vers le terme de notre déplacement, plus nous régressons au point que la célérité serait en quelque sorte, une infirmité prématurée, une myopie littéralement.
[…]
C’est déjà le cas des communications audiovisuelles où l’observateur et l’auditeur demeurent au combiné ou devant l’écran, le départ pour la rencontre a cessé, il est remplacé par l’arrivée des images sur l’écran ou encore celle de la voix dans l’écouteur.
[…]
Avec l’excès de vitesse, la vue devient progressivement la voie, la voie d’accès, au point que la vie quotidienne semble devenir un « veille optique » où la vue remplace la vie, comme si, en attendant d’arriver sans partir physiquement, chacun se contentait désormais de demeurer en attente devant l’appareil audiovisuel, en espérant probablement que l’appareil dromovisuel parvienne à son tour à l’instantanéité de l’ubiquité…»
Il y a bien sur du « bon » dans l’extraie de l’article mais la critique ne semble en fait qu’une large revendication pour plus d’efficacité et contre toutes formes « d’informations » superflues. C’est en ce sens que le lis la phrase : «Alors que les entreprises de relations publiques s’affairent avec ce qui est important…». L’article renforce l’illusion que le monde dans toute sa réalité puisse faire objet, dans l’instant, sur nos divers écrans.
Aussi, en dénigrant la singularité manifeste des journalistes; êtres sensibles rapportant (la plupart du temps) la part de réalité qui les touchent plus ou moins directement, nous dénigrons notre propre singularité au profit d’un « être » abstrait et « totalitaire » où LES hommes devient L’HOMME et où LES pensées deviennent LA pensée.
J’avoue que la critique de ce commentaire éditorial a du bon…
Toutefois, je suis curieux de savoir ce qu’on disait de la télévision lorsque celle-ci faisait dans le divertissement audio-visuel…
Moi, si mon souvenir est bon, on a dit que la télévision avait révolutionné l’art de faire des débats politiques. On a qu’à penser à l’affrontement Nixon-Kennedy ou Johnson-Lesage.
D’ailleurs, McCluhan (si je ne m’abuse) faisait remarqué que Nixon gagnait tous les débats qu’il avait avec Kennedy haut la main ! Mais lorsqu’il s’agissait de traduire en gestes sa pensée profonde politique – lorsqu’il s’agissait de l’extériorisé et la balancé à travers l’oeil du cyclope, l’obturateur télévisuel) il manquait cruellement de force et de pertinence, notre bon ami « tricky » Dick.
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Moi, ce que je comprends de cet éditorial de Présence Magazine, c’est que les entreprises de relations publiques s’occupent en effet de choses graves MAIS que l’appareil médiatique traditionnel – toujours unidirectionnel dans sa manière de fonctionner – obligent par son fonctionnement même, par ses impératifs financier à ne pas interférer sur différents aspects de la réalité.
Pourquoi ? Parce que les journalistes de la presse écrite de masse, ceux de la télévision généralistes ou autres doivent toujours être surveillés par leur contributeurs financiers.
Oui, oui, les gens de la Haute Finance qui nous distribuent l’information comme d’autres distribuent leurs appuis à la culture pour se faire traiter en retour de mécènes (ou de sauveteur de l’Art Contemporain, rien de moins !).
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Le journalisme, par le biais d’internet, rompt avec le précédent ordre d’idées.
Et je ne parle pas de contenus journalistiques. Je parle de mécanique médiatique.
D’ailleurs, à ce sujet, un vieil article du Wired montrait à quel point :
1) le web ne tuait pas le magazine mais l’alimentait différement ;
2) les systèmes de communications unidirectionnels que sont les ondes radio, la télé et autres médias écrits avaient une constitution-réseautique très simple et simpliste ;
3) les systèmes décentralisés, par contre, et internet a été construit par le Pentagone EN COLLABORATION avec des intellectuels de haut niveau en informatique afin de briser la chaîne de communication traditionnelle : émetteur – récepteur direct.
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Finalement, nous assistons, non pas à une abolition des rencontres (c’est tout à fait ridicule puisque les réseaux internets multiplient les contacts charnels à n’en plus finir !) et font exploser les interractions habituelles AU NIVEAU DE LA PENSÉE.
Et c’est ce que prédisait Einstein avec sa « bombe informatique ». Idée récupérée par les catastrophiste judéo-chrétien croyant en la fin du monde.
Et si McCluhan était encore vivant aujourd’hui, il verrait certainement l’internet et les nouveaux arts médiatiques interractifs comme une révolution que seuls les artistes peuvent incarner.
Et guess what ? La relève artistique pertinente et agissante a déjà commencé à s’extraire des lieux communs de la tradition médiatique uni-directionnelle de la classe dirigeante actuelle.
Évidement, dire cela ne veut pas dire que Internet est la panacée totale, elle est une percée de l’écran et non pas une sacralisation détournée de celui-ci.
Je dois exprimer mon désaccord avec ton avis sur internet mon cher steve cathodique. Internet n’est pas une percée de l’écran ni une sacralisation de celui-ci, bien évidemment. Il est au relation sociale ce que la drogue est au émotion forte; c’est-à-dire une relation du même au même. Oui nous échangeons des points de vue mais la sensation d’échanges que nous expérimentons par le biais de l’écran d’ordinateur n’est sans commune mesure à la sensation ressenti lors d’une soirée entre amis ou encore lors de notre pause-café avec les collègues du bureau.
Internet, c’est notre façon de réaliser nos fantasmes communicationnelles sans en subir les conséquences (bonnes ou mauvaises). Choses qu’on ne peut faire dans la vie physique.
L’écran d’ordinateur, bien qu’ils nous permettent avec internet d’échanger avec d’autres que soi n’en est pas moins qu’une relation en circuit fermé. Tout se passe dans notre imaginaire. Nous nous mettons en scène sans contrainte (et si des contraintes se lèvent, nous nous faisons un devoir de les défoncer).
Nous pouvons écrire 3-4 commentaires de suite sans jamais recevoir de réponse; l’Autre est là de toute façon; qu’il se taise ou non. On prédit ses réponses, on les espère parfois, on les invente. Bref, internet permet à tous d’agir comme un téléviseur et d’être le téléspectateur simultanément.
Monsieur Millette, je ne vous trouve pas de surnom et je vous demande simplement :
Sur quelle expérience virtuelle et internet basez-vous cette affirmation très bien formulée sur l’écran mais qui ne passe pas la rampe dans la vie de tous les jours ?
Lorsque vous dites que je ne suis, au fond, qu’un être qui fantasme mes communications internet, je vais vous confier ceci, en tant que joyeux téléviseur interractif :
J’ai écrit des courriels dans une boîte de sondages dont je vais taire le nom qui m’ont amené de VÉRITABLES putains de problèmes, monsieur ET j’ai assisté à de nombreuses réunions (politiques et d’affaires) ou il ne se passe rien de vraiment concluant. Alors, la supériorité du Réel sur le Virtuel, on repassera… ok ?
Par contre, je peux vous dire que des messages bien placés dans les toilettes et des massages bien clandestins dans des salles de conférences hors des heures de bureau sont aussi bien réelles.
Sans vouloir vous accusé de parler sans savoir de quoi il en retourne, je vous demanderais simplement d’aller voir sur un réseau comme Facebook ou Netlog ou autres à quel point les fantasme ne durent pas longtemps par écrans interposés.
Personnellement, j’ai organisé UNIQUEMENT par le biais de Facebook récemment une réunion composée UNIQUEMENT d’anciens collègues de travail de la même maison de sondage.
Dernière chose : j’ai eu le déplaisir d’assister à une réunion d’intellectuels à l’UQAM un jour… et j’y ai vu à quel point le Réel sert à des intellectuels patentés imbus de communisme et d’eux-mêmes de faire pression sur un individu afin de lui faire fermer sa belle bouche de millitant pas content et un peu trop contrariant au goût des intellos invités de la go-gauche.
Pas très édifiant… et en DROITE ligne avec les propos de monsieur Saul et ses « bâtards de Voltaire ».
Bref, monsieur Millette, vous vous adressez à la mauvaise adresse si vous croyez que je ne fais que me masturber mentalement devant un écran, monsieur.
Ceci dit avec tout le respect que je dois à un être humain… et non un téléviseur doublé d’un téléspectacteur patenté.
Merci de bien noté la nuance, cher monsieur.
C’est ce que je disais………. L
Moi, je pense qu’il y a plein de justesse et de vérité dans ce portrait. Mais il faut quand même nuancer un tantinet. Sinon un portrait «vrai» finit par devenir «faux» et par proposer une «fausse note».
Quelles que soient les caractéristiques des journalistes, il n’en demeure pas moins que les médias, dans une certaine mesure, «construisent» la réalité. Cela est inévitable et inéluctable. C’est quasiment un cliché de le dire.
Avec l’actuelle vogue de la téléréalité, quarante ou cinquante ans après la vogue du cinéma-vérité (cinéma direct), il arrive encore que l’on ait le culot de présenter une lecture et une interprétation comme constituant la vérité. Quand j’écoute l’émission sur LES LAVIGUEUR et que je lis, en sous-titre «LA VRAIE HISTOIRE», je suis quelque peu insulté et étonné. Il est vrai que les médias des années 80 ont fabriqué à qui mieux mieux une image sordide et dégueulasse de la famille Lavigueur. Il est intéressant de voir qu’aujourd’hui on nous présente une lecture et une interprétation qui diffèrent de la lecture et de l’interprétation d’il y a une vingtaine d’années. Quand j’ai pris connaissance du sous-titre de l’émission, j’ai pensé au film d’Orson Welles, VÉRITÉS ET MENSONTES («F FOR FAKE»). J’ai aussi pensé au film ZELIG de Woody Allen et au grand film québécois (Awad et Leduc) L’AFFAIRE BRONSWIK.
N’empêche que la lecture du texte de PRÉSENCE MAGAZINE m’a fait penser à cette assertion commise par Walter Pincus du WASHINGTON POST:
**«Nous ne nous soucions pas des plus démunis. Plus personne n’écrit d’articles sur eux. Les pauvres n’existent plus à nos yeux parce que nous sommes tous grassement payés et que nous faisons partie de la classe sociale qui tire profit de cette politique.»**
Je crois que cette brève citation en dit beaucoup sur la majorité des journalistes et sur un certain conformisme qui, parfois, les abrutit. Je crois aussi que cette brève citation nous permet de comprendre l’attitude qui a prévalu face à la controversée famille Lavigueur.
Cela étant dit, je considère que le métier de journaliste est un grand métier, essentiel et respectable! Une société a besoin de bons journalistes et de bons enseignants, ce qui ne veut pas dire que ce sont les seules professions essentielles et indispensables.
JSB