Une très très courte fiction que j'ai pondu l'autre fois…
Plante Story
« Tu regardes quoi? », demanda Julie au tubercule de sofa qui lui servait de conjoint. « C’t’une plante », clapota Pierre en pointant la télé. À l’écran, une plante verte, en tout point conforme à la moyenne des plantes vertes. « C’t’une téléréalité, poursuivit-il. Ils ont choisi cette plante parmi des milliers de plantes. Ils la filment 24h sur 24 et, chaque jour pendant une demi-heure, ils nous montrent les meilleurs moments. Tantôt, quelqu’un est venu l’arroser… »
Malgré le point d’interrogation qui lui bourgeonnait dans les replis du front, Julie alla se bouturer à Pierre. Le couple, enraciné dans le fossé du sofa, regarda le végétal s’épanouir. Une brise vint caresser ses feuilles. Une mouche passa. « Tantôt, ils ont dit qu’il allait se passer quelque chose d’inattendu », souffla Pierre en butinant l’oreille de Julie. Une voix vint enfin rompre le silence botanique de l’émission. « Chers téléspectateurs, le destin de la plante est désormais entre VOS mains. » Un sécateur apparut. « Pour couper la plante, composez le 1 900 PLANTE1. Pour la sauver, composez le 1 900 PLANTE2. 1 $ par appel. » Pierre attrapa le combiné du téléphone. « Tu fais quoi? », lança Julie. « Je coupe », répondit Pierre. « Quoi? Tu vas payer un dollar pour tuer une plante que tu ne connais même pas? », pesta Julie. Elle lui arracha le combiné des mains et appela à son tour. Pour soustraire la vivace à une mort injuste.
Ce soir-là, des millions de télévores firent comme Pierre et Julie.
Pendant ce temps, au dernier étage d’une tour à bureaux, un magnat des médias, seul, un sourire cynique pendu au coin de la bouche, noyait son regard dans les lueurs nocturnes de la ville. « Une plante… Ils ont finalement payé pour une plante. Quelle bande de concombres! »
Avec ce type de « fiction », l’agriculteur atteint le plus grand dénominateur commun possible. Et ensuite, il n’a qu’à se pencher pour ramasser les billets verts, recyclables chaque année.
C’est la grande chaîne de cette télé-vision de la vie, chers amis.
***
Tout d’abord, on crée de toute pièce des personnages. On leur offre ensuite, en échange de leur (in)crédulité, une notoriété arbitraire ou basée sur les critères d’apparence bon marché représentant l’éventail du bon terrain si fertile et si agréable à labourer du haut de son tracteur émotif.
On a le pouce vert. Et le jeune Pouce est vert lui aussi.
L’agronome le transplante aisément d’une pot ou d’un pote à l’autre. On le passe de la serre cathodique au rouleau compresseur du presse-papier journal, ou bien on l’expose sous les feux de la rampe fixatives en conservant l’impression plus glamour de la pluie plus « people » du human interest glam-lipstick incorporé.
Puis, lorsque la plante se meurt d’être ainsi nourri d’un manière aussi superficielle ; lorsque celle-ci n’est plus sous les projecteurs de la serre qui l’enserre d’une main de maître ; lorsque l’homme qui plantait des plantes n’a plus d’intérêt à aidé cette croissance exotique en milieu contrôlé, sous l’oeil amoureux du cyclope radio-actif, on perpétue alors la récolte aussi longtemps que possible.
***
C’est à ce moment que l’on commence à parler de « graine », de « repousse » et de nouvelle « transplantation » ou de mutation génétique… ou de maladie transgénique.
Finalement, on regarde le nombre de poches d’engrais et de tomates qu’on a réussi à faire vendre en offrant la « réalité » d’un plante à l’intervention fictive d’une forêt de mal-aimé au royaumme du supermarché de la consommation à tous prix.
***
Bref, vivement l’appel de la Nature et un retour aux sources du bonheur créatif moins machinal et beaucoup plus terre-à-terre dans son approche : les histoires de plantes en plastiques qui prennent plaisir à fondre au soleil ou au fond d’un coffre à jouets, il me semble qu’on a suffisament donné, non ?
T’avais pas posté ça sur ton site, (l’autre blog)?
Ciel, je suis pris en flagrant délit de recyclage!!
Alors que 2009 est amorcé, il nous fait plaisir de vous faire part des articles et des billets de blogue