Revenons sur le passage d’Avard à Tout le monde en parle.
L’auteur des Bougon y est allé d’un coup de gueule sur l’omniprésence des chroniqueurs, forcés de fabriquer une opinion quotidienne pour remplir l’espace qui lui est attribué dans un journal. Il a écorché par la bande les blogueurs professionnels, ceux rattachés à un média. Pierre Cayouette relate l’essence de ses propos ici.
Forcément, je me suis senti interpellé. Je gagne tout de même ma vie en vendant chaque semaine 4500 caractères d’opinions à un hebdo culturel. Et je blogue en plus.
Aussi, je me questionne fréquemment sur l’état de chroniqueur.
Non, je ne me considère pas comme un chieux d’opinions contraint à livrer son avis à trois balles afin de remplir l’espace libre autour des pubs du journal.
Mon job de chroniqueur, je le compare davantage à celui d’un cartographe.
De nos jours, le globe a été cartographié jusque dans ses moindres recoins. Pourtant, le cartographe a toujours du boulot. Il met à jour les cartes existantes. Il crée des cartes spécialisées : des cartes de végétation, des cartes de courants marins, des cartes du climat mondial. Il offre de nouvelles lectures du monde.
Je me vois comme un cartographe de la planète Médias.
Chaque jour, j’observe la carte du monde médiatique connu et je choisis de mettre en relief certains aspects afin d’offrir un point de vue nouveau, et si possible original.
C’est là, à mon avis, la tâche du chroniqueur.
Le rapprochement avec la cartographie est excellent. Et je pousserais même la comparaison avec l’Exploration avec un grand E.
À l’instar de l’explorateur qui navigue dans des contrées inconnues, qui fouille et qui défriche de nouveaux pays, le chroniqueur prend le temps de débusquer des avis, des opinions, de mettre la main sur certaines trouvailles que tous ne peuvent trouver par manque de temps, de ressource ou simplement de patience.
Dans le cas d’Avard, ce « chiage » d’opinion lui a quand même permis de « torcher » un tout nouveau livre, non?
Je trouve la comparaison amusante; mais loin d’être juste.
Le cartographe se penche sur des données empiriques qui ne varient pas ou très peu dans le temps. Tandis que les chroniqueurs se penchent sur des données paradoxales qui varient très vite dans le temps. Aussi, le cartographe analyse des données dont il ne fait pas partie lui-même. Le cartographe n’influence pas les courants marins ou la forme d’un archipel. Par contre, le chroniqueur fait lui-même partie intégrante de son domaine d’étude. Il est lui-même une variable dans l’équation. Ce n’est pas du tout la même démarche intellectuelle ni même la même attitude d’esprit.
Je ne crois pas qu’un chroniqueur soit quelqu’un qui dresse un portrait.
Tout droit sorti de l’univers journalistique, le chroniqueur est celui qui pose des questions a partir des faits sur la vie en société (des données cartographiques brutes – non analysées).
Le journaliste éclairci des bribes de l’actualité (notre histoire au présent) et le chroniqueur force les comparaison en envoyant des questions aux acteurs de l’actualité: c’est celui qui confronte les bribes d’information pour pouvoir faire émerger des questionnements.
Celui qui dresse le portrait, c’est celui qui a les outils intellectuels / empiriques (et non-seulement les connaissances): le -logue / – rien (sociologue, psychologue, … / historien, cartographe)
Je crois que les chroniqueurs, tout comme les sociologues, les historiens, les cartographes et les journalistes, ont leur place… chacun la leur.
Tout ceci n’est que mon opinion.
Bon bon, d’accord. Les chroniqueurs ne sont pas des cartographes.
La comparaison était poche. J’en cherche une autre…
Moi je dirais simplement que les chroniqueurs sont les « artistes » de la profession journalistique.
Les chroniqueurs, des artistes? Trop généreux. Certains savent sculpter la langue et peindre des portraits magistraux, mais d’autres chient de l’opinion à 2 cents sur des sujets superficiels (tu n’es pas du nombre, Steve). La seule différence entre eux et les journalistes est cette liberté qu’ils ont d’exprimer leurs opinions, mais cela n’implique pas automatiquement qu’ils se servent bien de cette liberté…
J’aurais dû être encore plus précis dans mon analogie. J’entendais « artiste » dans le sens d’avoir une liberté de jongler avec les idées, les concepts, l’analyse — avec parfois du style et de la vision —, ce qu’un journaliste qui rapporte seulement des faits ne pourrait faire (du verbe pouvoir, dans un sens contraignant).
Moi je crois tout simplement que chroniquer c’est exercer la liberté d’expression dans le but de faire réflechir la populace. Nous sommes chanceux que dans notre beau pays, nous avons cette liberté d’écrire nos opinions sans avoir la menace de l’emprisonnement. Chroniquer, c’est plus qu’écrire pour remplir un espace dans un journal ou sur le net. Écrire, c’est réfléchir, c’est distraire, c’est briser l’isolement, c’est rentrer en contact, c’est contribuer à faire vivre une langue( Malgré nos erreurs d’éciture), Les gars comme Avard peuvent dénigrer ceux qui chroniquent, mais au fond, sont-il plus utiles qu’un chroniqueur?
La démocratie ne serait rien sans la chronique…