BloguesAngle mort

J’aime la table

Revenons sur l’idée d’avoir tenu le débat des chefs dans un cadre moins formel, autour d’une table.

L’idée n’a pas plu à tout le monde.

Hier, Lysiane Gagnon dans La Presse consacrait même à cet épineux sujet une chronique entière.

Le débat en français tenait, dans ses pires moments, d'une vulgaire assemblée de cuisine. Le climat était si familier que l'animateur a appelé Stéphane Dion par son prénom avant de demander à Gilles Duceppe s'il avait un REER, et qu'on a vu Elizabeth May toucher l'avant-bras de M. Harper.

Et Mme Gagnon de vanter les vertus de la formule américaine classique : debout avec lutrin.

Bien sûr, notre « table ronde » n’était pas parfaite. Mais sincèrement, je l’ai préférée aux débats ordinaires.

J'ai trouvé que cette discussion autour d'une table ressemblait beaucoup à la politique canadienne.

Dans la plupart des cas, et d’autant plus si nous nous élisons pour une troisième fois consécutive un gouvernement minoritaire, ces chefs-là doivent s’entendre. Ils doivent collaborer. Négocier. Discuter.
Même Duceppe, qui traite Harper de tous les noms (pour faire un bon show) avoue le lendemain qu’il votera du bord de Harper s’il trouve que le projet a du sens.

Et contrairement aux États-Unis, nous n’élisons pas ici l’homme le plus puissant de la planète.

Nous élisons un Premier ministre ordinaire qui aura à gérer le gouvernement d’un grand pays faiblement peuplé. Et ici, la population est diffuse sur le plan politique. Elle n’est pas séparée entre deux partis rivaux, mais surfe d’une formation politique à l’autre au gré de ses humeurs. Rouge un jour, Bleu le lendemain.

Soyons francs: le Canada est la banlieue proprette du monde. Nous sommes une petite communauté avec de petits enjeux, et cela ferait drôle qu’un politicien d'ici se la joue Obama avec de grands discours enflammés sur l'espoir et le-changement-dans-lequel-on-peut-croire. Franchement.

Un débat télévisé dans lequel des chefs jasent autour d'une table de façon ferme, mais civile, sans tomber dans le spectacle du duel verbal qui nous donne l’impression que le sort du monde est entre leurs mains, ça nous ressemble…

C’est ce qu'on pourrait appeler "la formule canadienne".

Et j’espère qu’on la répétera.
(Par contre, j’enlèverais les questions du public.)