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Petit guide des genres

 
La confusion des genres en information inquiète. Deux ombudsmans de Radio-Canada l’ont dit. Le président de la FPJQ le dit. Et même si personne n’a sollicité mon avis, je le dis aussi. Or, l’industrie musicale a depuis longtemps trouvé le moyen d’aider le mélomane égaré en classifiant la musique sous divers genres et sous-genres. Grâce à quoi plus personne aujourd’hui ne confond jazz et folk, punk rock et reggae. Et si on faisait pareil pour l’information? En espérant ramener un peu d’ordre dans la confusion, voici un petit guide de quelques genres journalistiques communs…

Le cut’n paste
Équivalent journalistique du sampling, le cut’n paste est l’art d’écrire un texte en puisant parmi les communiqués, fils de presse, articles de publications étrangères et Wikipédia de ce monde. Les puristes iront jusqu’à copier mot pour mot les sources susmentionnées. Quelle audace! Ce genre est particulièrement vivant dans la presse en ligne et dans les pages des quotidiens gratuits.

L’ubiquity
Les maîtres de l’ubiquity se dupliquent autant à l’écrit qu’à la télé et à la radio. Et ils ont souvent un blogue. Le genre célèbre la multiplication des interventions, des analyses, du commentaire; sur tous les supports et le plus souvent possible. Plusieurs chroniqueurs politiques appartiennent à cette catégorie (ex. : Chantal Hébert, Vincent Marissal, Josée Legault).

Le filling
Un genre qui s’exprime surtout dans les cahiers spéciaux des grands quotidiens. Le texte filling traite de sujets variés sur un ton avenant et sans prétention. « Dix trucs pour économiser l’énergie » « Aurez-vous suffisamment de REER au moment de la retraite? » « Choisir le bon pneu d’hiver » L’essence du texte filling est de ne jamais voler la vedette à ce qu’il doit mettre en valeur : la pub.

Le pick-a-booh
Les spécialistes du pick-a-booh ont le don de mettre le doigt dans l’œil de la controverse qui fera jaser. Adeptes de la clip bling-bling, de la formule punch et de la métaphore colorée, ils flattent souvent le «vrai monde» dans le sens du poil, s’abreuvant aux mamelles d’un certain populisme en vogue. Quelques ténors du genre : le maire Gendron, Richard Martineau, Benoît Aubin, Myriam Ségal.

Le star-lick
Ce sous-genre plutôt répandu en information culturelle se caractérise par une complaisance bon enfant entre le journaliste/animateur/chroniqueur et son sujet, c’est-à-dire la vedette.
Par exemple, lorsque M. Showbiz (alias Érick Rémy) sort de sa manche un poème en prose et le récite à son invitée du jour, Nathalie Choquette, il fait du star-lick dans sa plus pure expression. Le genre est aussi fort répandu dans les magazines de vedettes (disponibles dans un supermarché près de chez vous).

Le bing bang shagalang

Style décontracté, relâché, avec cette confiance à l’Américaine. Bref, quand Pierre Lalonde rencontre le quatrième pouvoir, attendez-vous à du bing bang shagalang. Le roi incontesté du genre au Québec est sans contredit Denis Lévesque, qui n’a pas son pareil pour interviewer un weirdo sans jamais perdre son attitude de crooner du 450.

Le parliamentarian swing

Un genre émergent qui n’attire pour l’instant qu’une poignée d’aficionados. Se dit d’un député qui anime une émission d’information tout en conservant son poste de député. Un OVNI dans le monde des médias, on a encore un peu de mal à voir si le genre fera des petits.

Chronique parue dans le magazine Le Trente, février 2009.