Je viens
d'entendre une conversation intéressante à l'émission Désautels de la
Première chaîne de Radio-Canada à propos de la lecture en général, et
du goût de la lecture chez les jeunes en particulier.
Il
paraîtrait qu'un Québécois sur deux ne lit jamais. Selon l'auteure
jeunesse Dominique Demers, si certains n'aiment pas lire, c'est qu'ils
n'ont pas encore trouvé de livres correspondant à leurs goûts et
intérêts.
Il y a aussi un autre
problème: les lectures obligatoires à l'école auraient pour effet de
tuer dans l'oeuf le goût de la lecture en l'associant à une activité
"plate".
Je
suis d'accord.
Je conserve un très mauvais souvenir des livres qu'on me
faisait lire à l'école. Pour anéantir à jamais le goût de la lecture,
c'était champion.
À 13 ou 14 ans, des
profs m'ont forcé à lire Trente arpents de Ringuet. Un grand ouvrage
canadien publié en 1938, mais un endormitoire intégral quand t'es un
jeune d'aujourd'hui.
J'ai aussi dû me taper Boule de suif de Maupassant ainsi que le fameux Candide de Voltaire. Zzzzz et re-Zzzzz.
Comment dire? À 13 ou 14 ans, IL EST IMPOSSIBLE D'AIMER CES BOUQUINS!
Y
a-t-il parmi vous des profs qui font preuve d'originalité en matière de
lectures obligatoires? Faites-vous encore lire Les aventures de Tom
Sawyer à des jeunes d'aujourd'hui? Comment faites-vous pour faire
naître le plaisir de lire chez vos jeunes?
Il
y a d'un côté une culture littéraire à acquérir, et de l'autre le goût
de la lecture. L'affaire, c'est que le goût de la lecture vient avant
la culture littéraire. Ne pas tout faire pour favoriser le premier,
c'est risquer de ne jamais développer le deuxième.
C'est désolant.
http://www.voir.ca/blogs/steve_proulx/archive/2009/02/25/lectures-obligatoires.aspx De mon point de vue
J’aimerais réagir à ce propos, et particulièrement en ces temps où il suffit de passer cinq minutes sur Facebook pour constater que plus personne ne sait écrire parce que, eh oui, savoir écrire demande de lire, et bien peu de gens s’y adonnent.
Je commencerais par répondre à ce commentaire qui nous est présenté comme une vérité absolue : « À 13 ou 14 ans, IL EST IMPOSSIBLE D’AIMER CES BOUQUINS! »
Ah oui ? Eh bien… Je suis pourtant la preuve du contraire ! À 11 ans, j’ai commencé par Dostoievski, pour aller vers Gogol, puis Sartre, puis Flaubert, etc., jusqu’à aujourd’hui où, c’était écrit dans le ciel, j’enseigne la littérature au collégial. Or, nous sommes quelques-uns, ne serait-ce que parmi mes collègues !, à avoir beaucoup apprécié Voltaire à 13 ou 14 ans. Ce qu’il faut en conclure ? En éducation comme dans le reste, il est impossible de plaire à tout le monde.
Plus encore, il y a un savoir QU’IL EST NÉCESSAIRE DE TRANSMETTRE pour savoir d’où l’on vient que les étudiants N’IRONT PAS consulter par eux-mêmes si personne ne leur glisse le filon. Oui, je donne à lire Richard Desjardins, Fred Pellerin, les Loco Locass, même. Mais les étudiants n’y trouvent pas plus leur compte, pour la simple raison que ça vient de l’école. Pour beaucoup, peu importe ce qu’on y fait, l’école est le lieu de l’ennui le plus mortel et tout ce qui y est lié est honni. Par ailleurs, souvent, c’est plutôt ce qu’on fait de la lecture, comment on la travaille, qui lui donne son intérêt. Alors tant qu’à choisir une médiocrité à la Amélie Nothomb ou à la Guillaume Vigneault, aussi bien faire faire un travail plus engageant sur des auteurs qui ont vraiment un univers.
Or il appert que, de ceux-là, beaucoup, et précisément pour cette raison, sont passés à l’histoire. Et si ce n’est pas pendant la lecture qu’on se rend compte de leur importance, j’ose croire que ce sera plus tard, quand on aura compris que ce sont précisément ces hommes et ces femmes entiers qui ont fait que le monde est tel qu’on le connaît.
Y a-t-il un problème avec la lecture ? Sans doute, mais ce n’est pas celui des livres et il ne relève pas de cette sacro-sainte originalité au nom de laquelle ou élude le savoir humaniste le plus ESSENTIEL À LA FORMATION DE L’ÊTRE HUMAIN. Son problème, c’est d’être trop souvent dévaluée et mal enseignée. Son problème n’est pas le sien, donc, mais celui de ceux qui ne savent pas la pratiquer et qui continuent de la faire connaître. Son problème, c’est celui, sempiternel et, semble-t-il, insoluble, de la formation des maîtres, c’est-à-dire, en cette matière, des lecteurs professionnels. En tant que prof, tout ce qu’on peut continuer de faire, c’est de partager notre passion TOUJOURS VIVE pour ces livres qui ont fait l’histoire et qu’on nous a fait lire, eh oui, à 13 ou 14 ans.
J’abonde en votre sens, monsieur Proulx! Bien qu’ayant passé mes études secondaires en français enrichi, j’ai vite été dégoutée des Tristan et Iseult ou Germinal de ce monde. Il a fallu que ma copine Natalia, au CÉGEP, me contamine avec la grande Amélie Nothomb, pour me faire enfin aimer la lecture. Je ne l’en remercierai jamais assez! Ceci dit, tout le monde n’a pas croisé une Natalia sur sa route, et je trouve ça dommage pour les autres…
Pourquoi imposer des lectures choisies aux jeunes? Je prônerais plutôt une approche ouverte à la « choisissez ce que vous voulez dans cette vaste liste », question d’en accrocher une gang plutôt que d’en écoeurer tout un régiment à l’aide de lectures imposées.
J’aime bien les deux commentaires, et ils sont diamétralement opposés bien que je crois que les deux intervenantes ont raison et que nous nous devons de convenir que nous confondons ici les pommes et les oranges. En somme, qu’on a mal engagé la polémique (désolé, M. Proulx!)
Oui, il n’y a pas d’âge — ou si peu — pour apprécier un livre d’un génie universel, mais ne conviennent pas à tout le monde tout le temps. Oui, les livres nous servent aussi à nous aider à dépasser nos capacités cognitives et le cerveau, ce muscle, doit pouvoir se dépasser afin de s’épanouir pleinement (mais si on veut juste se divertir, il restera toujours Amélie Nothomb (j’en conviens); une bicyclette n’est pas faite que pour courser) Oui, j’ai aussi vécu la lecture imposée comme un boulet et quand je les ai relus, lesdits boulets étaient ‘achement mieux que la première fois…
Mais le problème est ailleurs, le problème vient de la volonté du blogueur de mettre dans un même paquet le «donnage de goût de la lecture» et «la lecture imposée à l’école». Qu’on laisse l’école à sa tâche et aux parents leurs devoirs! Je lis beaucoup et ce n’est pas le fait de l’école, ça vient du fait qu’en très bas âge, je sautais sur les genoux de mes parents pour qu’ils me lisent les bulles que je ne pouvais pas encore lire dans les albums d’Astérix. Ça vient du fait que ma mère a été ensuite ma pusheuse de livre alors que je ne savais pas que j’en voulais, de livres. Et ça a été du fait, pour beaucoup, de ma curiosité subséquente (allumée par lesdits parents).
Quant à l’école, elle a fait sa job (Cyrano, Molière, Marie-Claire Blais). Elle m’a aussi rendu curieux, à sa manière. Elle m’a fait comprendre quel gouffre s’ouvrait à mes pieds en ouvrant le ventre de mon ignorance. Et c’est tout ce qu’on lui demande, à l’école, d’ouvrir le ventre de nos ignorances. Et c’est déjà pas mal.
Je suis sans doute vieux jeu, mais je n’aime pas l’idée de la liste de Mme Bouchard. J’aime les cours magistraux et toutes ces choses-là; j’aime l’idée du Maître qui s’affiche clairement comme tel et de l’Élève comme de l’apprenant. Mais sans doute suis-je vendu, ma mère était prof de français au Cégep et comme elle répondait toujours aux élèves ouvertement récalcitrants face aux 30 arpents qu’elle leurs donnait obligatoirement à lire – je paraphrase – elle disait : « Moi, je mets ce livre-là au programme, mais vous, vous êtes pas obligé de l’aimer…»
En faisant cela, je suis sûr qu’elle n’a jamais découragé aucun lecteur. Elle trahissait seulement son cynisme face à une partie de SA vocation alléguée : susciter la passion de nouveaux lecteurs. Ce n’était pas sa job. Ce n’est pas leurs jobs. C’est Dominique Demers qui a raison. On ne sait pas qu’on aime lire jusqu’au jour où un rencontre un livre qui nous procure un «orgasme». (c’est mon mot à moi). Après, on court toujours après sa première dose…
La littérature, c’est l’acte le plus égoïste qui soit. On ne pourra jamais trouver de solutions collectives à un agrégat de problèmes individuels, ces «problèmes» étant ceux qui ne lient pas.
Mais répondons à la question de l’approche des profs. En secondaire trois, au Collège Notre-Dame, mon professeur de français s’appelait Monsieur Gibelleau. Il se « clearait » une journée libre par mois, débarquait avec une pile de livres et nous racontait comment ces livres qu’il nous présentait l’avaient remués, l’avaient touchés, sans jamais nous faire sentir autrement que des amis à qui il parlait à cœur ouvert… et pendant toute l’heure. J’ai jamais revu ça. Hélas, M. Proulx, il n’y aura jamais d’autres moyens de rejoindre un lecteur qu’avec ce bouches-à oreille-là. C’est archaïque, me direz-vous, comme moyen de diffusion. Certes, mais je n’ai jamais revu le procédé Gibelleau ailleurs, dans toute ma formation académique… On pourrait peut-être commencer avec ce qui a d’existant?
Moi aussi l’école n’a pas contribué de faire de moi le lecteur que j’aurais dû être. À 35 ans, je me rattrape de temps en temps, mais le réflexe n’est pas là.
À l’école, lire un livre, c’était associé à : examen, présentation orale ou rapport de lecture. Pour se faciliter la tâche, les plus malins finissaient tous par choisir les livres qui avaient connu des adaptations cinématographiques…
Mais bon, je suis conscient que la lecture n’est pas un loisir pour tout le monde et c’est bien correct ainsi. J’en ai beaucoup contre l’école généraliste en fait… Déjà au primaire un élève devrait pouvoir se choisir une concentration. C’est pas vrai qu’on peut donner la même éducation à tous les élèves, c’est une grande cause du décrochage selon moi.
Désolée pour la « plogue », mais ça me rappelle un débat entendu en 2005 à Je l’ai vu à la radio (eh oui, encore à Radio-Canada) et dont j’avais fait écho. Dommage qu’on n’ait toujours pas réussi à changer le tir plus de 3 ans après…
http://www.burpblog.com/archives/lobligation-de-lire.html