Bon. J'ai effacé le billet portant sur l'accusation de Jean-François Harrisson, car je me suis rendu compte qu'il était déplacé et écrit sous le coup de l'émotion. Milles excuses.
Cela fera bientôt trois ans que je blogue sur une base plutôt quotidienne. J'aime encore ça. De toutes les activités journalistico-médiatiques que je dois collectionner pour gagner ma vie, le blogue est:
1) Celle qui m'emballe le plus.
2) La moins payante.
Par contre, et je ne cherche pas vos encouragements ou bons mots, je dois vous dire que le côté "emballant" commence à s'effriter. Il paraît que l'amour dure trois ans, selon Frédéric Beigbeder. J'arrive à échéance.
Mon blogue risque donc de devenir, à terme, seulement mon activité journalistico-médiatique la moins payante.
Ce serait dommage.
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Et ma blonde de me dire en ce moment: "Me semble que tu dis ça chaque année, vers le début du printemps…" En effet. Comme je l'ai fait à quelques reprises dans le passé, je vais me laisser un moment pour recharger mes batteries. Un peu de recul, quoi.
J'ai besoin pour agir de trouver un sens à ce que je fais.
En ce moment, j'ai l'impression que ce blogue est sur pilote automatique. J'écris parfois de façon machinale. Je nourris la bête pour nourrir la bête. J'aime pas. Si on veut, j'ai le goût d'améliorer mon rapport signal sur bruit.
Alors, on se reparle.
Ne pas écrire peut être un privilège. On n’est pas obligé d’avoir une opinion sur tout. C’est trop facile de percevoir les opinions écrites sur commandes. Je ne parle pas nécessairement pas de ton dernier billet, ni de ta chronique mais tous ces chroniqueurs qui nous livrent une opnion par jour sur des sujets trop variés et trop pointus pour leur compétence, ça finit par lasser n’importe qui. C’est un piège.
By the way, si je me souviens bien, au bout de 3 ans, le personnage de Beigbeder empoigne une hache et vient pour découper son amour. Après des points de suspension, il nous informe qu’il nous niaise et qu’il est plus en amour avec sa blonde que jamais et que le cliché vaut ce qu’il vaut…
« Nous sommes les premiers habitants d’une culture inconnue. »
– Marshall McLuhann
Si je ne m’abuse, ça résume bien l’état d’esprit qui règne dans les médias actuellement, non ?
Chacun continue à faire son métier comme si la révolution internet en cours d’implantation.
Les journalistes (plus ou moins connus) se mettent à bloguer comme si le phénomène allait disparaître ou ne jamais influencé la manière de travailler des journalistes.
Et pourtant, ça change tout et rien à la fois. Ça change certainement la manière de présenter l’info, de la concevoir et de la servir au public. Un peu comme au restaurant, premier arrivé, premier servi et ceux qui blogue avec moi dans la cuisine ont droit de temps en temps à une exclusivité ou un complément d’information sur la recette du chef de pupitre ou le directeur de production.
Est-ce que l’information de coulisses entre dans le « droit (vraiment plus sacré) du public à l’information » ?
Est-ce une plus value ?
Une valeur ajoutée ?
Ou simplement une manière de développer un fan club et par le fait même une fidélité auprès du public ?
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Bien avant le web 2.0, il y avait des erreurs médiatiques et bien avant notre époque d’interractivité plus ou moins anarchique, on se questionnait sur la marchandisation du prêt-à-penser. Bien avant internet, la qualité des médias mainstream était affecté par le cancer CNN.
Personnellement, j’ai toujours cru qu’un journaliste justifiait sa pertinence par sa capacité de mieux faire percevoir la réalité telle qu’elle se présente au lecteur, le plus fidèlement possible.
À défaut de haute fidélité de l’info, on se contentera de haute définition de l’image, pas vrai ?
Et si jamais ce lecteur s’aventurait à explorer la même zone d’information de combat que le journaliste, que se passerait-il ? Les blogues en général commencent à répondre à cette question : pratiquement rien de neuf ou de vraiment bon… que le journalisme conventionnel n’apportait pas déjà.
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Ainsi, ceux qui étaient paresseux le demeure. Autant du côté du lecteur que du rédacteur de nouvelle.
Car il y a la vitesse d’accélération de l’info, la diminution de la qualité de celle-ci et l’effritement de la sensibilité du public face au spectacle de l’information mitrailleuse.
On n’informe plus, on bombarde, dans les médias. Et les publicitaires en rajoutent avec le battage publicitaire.
Ça aussi, ça en fait du bruit. De la merde dans un bas de soie en spécial qui vole dans tous les sens.
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Mais au bout de la chaîne de montage de l’information, il y a celui qui la reçoit et la respoonsabilité qui lui incombe. Et ce, même en tant que consommateur. Le journaliste qui prend sur lui-même le jugement que l’on forme de l’article, du topo ou du reportage qu’il ou elle réalise au meilleur de sa connaissance se prépare un joyeux burnout ou de douloureuses déceptions.
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J’ai été longtemps abonné au mag Info Presse et la première chose qui m’a frappé, c’était l’obssession des médias électroniques pour la « FIDÉLITÉ » de l’auditoire ou du téléspectateur.
Et c’est là que m’est venu ma perception du curé qui monte en chaire et la ribambelle de fidèles qui l’écoutent parler en latin en sonnant des cloches qui font réagir la foule comme le bon chien de pavlov.
Comment une machine d’information basée sur la curiosité, le doute et la recherche de la vérité peut-elle soudain se transformer en vedettariat élitiste où la source d’information à elle seule n’assure plus la crédibilité de l’info que l’on perçoit ?
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Vous dites que votre blogomanie diminue à mesure que votre enthousiasme se dissout dans la misère salariale et les contrecoups de l’émotion ?
Je ressens ce feeling chaque fois que je vais travailler, monsieur Proulx, comme « un million de gens », dirait Claude Dubois.
À quoi bon ?, qu’on se dit chaque matin.
Je vaut mieux que ça, qu’on se dit à la cafétéria.
Je suis plus intelligent que la somme de toutes mes actions publiques, qu’on se répète au chiotte.
C’est non seulement commun comme sentiment de vacuité mais c’est inévitable.
C’est l’effet du travail, de la besogne qui se fait sentir. La soupe est aussi nourrissante qu’avant mais le bouillon de poulet vous fait vomir à force d’en trop manger.
Et le travail est à la fois une pathologie et une manière de survivre dans une société de consommation basée sur l’individualisme exacerbée.
Ainsi, ceux qui aiment leur travail devrait se questionner sur le fameux privilège dont ils se gargarisent en public en versant une larme sur tous ces pauvres gens qui n’ont pas le bonheur de faire ce qu’ils aiment dans la vie…
Bullshit. When you buy your own publicity, you’re dead, comme dirait l’actrice.
Peut-être que les gens qui trippent au boulot sont-ils simplement plus fou que les autres.
On appelle ça la passion, moi je dis.
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J’ai toujours senti la passion dans ce que vous faisiez et une sacré dose de lucidité dans vos billets, monsieur Proulx.
Sans parler du courage silencieux qui est le propre de quiconque essaie d’avoir un regard critique sur ce qui se fait de plus génial et de plus médiocre dans le domaine des médias.
Je pratique un sous-métier occupé habituellement par des femmes et si je me mettais à critiquer tous azimuts ceux qui sont dans le même métier que moi ; je suis persuadé que je tofferais pas la run une semaine.
There is no business like showbusiness.
Lorsque j’observe les journalistes de mon point de vue, je me dis que vous êtes les habitants d’une petite hyperculture à la fois trop connue et méconnue du public.
C’était mon éditorial du samedi…
Comme tu dis, si tu ecris sur le pilote automatique, un « break » te ferais surement du bien.
J’avais lu aucun de tes billets avant celui de JF Harrison et en lisant tes autres billets j’y ai p-e ete aller un peu fort. Mais les journalistes doivent se rendre compte qu’ils ont une responsabilité, la presomption d’innocence c’est important sinon on as la meme mentalité que ceux dans les pays musulmans qui lapident des femmes accusées d’adultere.
Cet « effritement » est ressenti par de nombreux membres du Voir.ca. De nombreux textes restent sans réponses, ce qui n’est pas très encourageant pour ceux qui prennent le temps de les écrire. Dans votre cas, Monsieur Proulx, cela va avec votre métier et votre chèque de paie. Je ne suis pas un adepte des blogues mais j’aime bien laisser des critiques de spectacles, de films ou d’expositions, sur ce site. J’ai remarqué que l’achalandage des membres actifs semble avoir diminué depuis l’année dernière sur les pages de spectacles. J’ignore ce qui se passe mais je crois que la situation économique y est pour quelque chose. Vos collègues, qui ne reçoivent pas de réponses sur leurs textes, doivent aussi trouver le temps long. Dans mon cas, je n’en fais pas une question d’argent car je reçois mon salaire de mon employeur et le Voir.ca n’est pour moi qu’un hobby. J’ai parfois des doutes moi-aussi quand je constate le peu de fréquentation sur certains de mes textes.
Si tu veux un conseil, fais comme moi! Écris dans l’optique de ne pas être lu… Comme si chaque jour, tu lançais une bouteille à la mer, pour employer un vieux cliché. Écris sans nécessairement y mettre de la qualité, mais plutôt de l’originalité, de la démesure, de l’hallucination.
C’est comme ça que sans arriver a rien, on ne devient pas blasé!
Pas payant tu dis ? C’est pourquoi j’ai longtemps hésité à me créer un blogue. Emballant, sauf que… C’est exactement ce que j’ai eu comme critique aujourd’hui. Je passe trop de temps sur internet selon mes amis. C’est qu’un blogue est comme un animal de compagnie, il faut que tu le nourrisses à tous les jours.
Et qu’est-ce que ça donne ? Mon ami chilien m’aide beaucoup dans ce sens. Il a une autre culture. Pour lui, internet, c’est un contact avec son lointain pays. Écrire son opinion sur l’actualité, il n’en voit pas la nécessité. Et j’avoue qu’il me fait beaucoup réfléchir.
C’est un collègue de travail, un travaillant. Il est très productif. Récemment, on a été coupé dans nos heures. Tout de suite, il s’est trouvé une deuxième job. Et son rapport d’impôt est déjà fait, alors que nous les Québécois, on a tendance à attendre à la dernière minute. Pas moi qui le dit, mais le Ministère du Revenu.
J’apprends beaucoup de mon ami chilien. Justement, j’ai trouvé une utilité à mon blogue. Et je crois que je vais m’y consacrer davantage et moins perdre mon temps dans des forums de discussion et commenter les autres blogues.
Et à chaque année où Steve Proulx annonce qu’il en a un peu ras-le-bol de son blogue je commente:
« Awe, mais c’est le seul blogue que je consulte encore quotidiennement! »
En plus, même si j’aime la chronique Angle mort, je m’ennuie de Médias…
Je n’ai pas envie de m’ennuyer de ce blogue en plus, bon.