C'est confirmé: quelque 800 postes seront coupés à CBC/Radio-Canada, dont 335 au réseau français de Radio-Canada.
On attend de voir qui passera au couperet… Combien dans le secteur de l'information?
"Le directeur général de l'information de Radio-Canada, Alain Saulnier,
informera ses employés vers 14 h 30 sur la façon dont les changements
les toucheront."
Lorsqu'on aura l'info (On l'a: 85 personnes dans la salle de nouvelles), il faudra remettre à jour le décompte des journalistes ayant perdu leur emploi depuis le début de la crise économique. Selon le magazine Trente de ce mois-ci:
Mille trois cents. C’est le nombre
d’emplois perdus dans les médias au pays depuis l’effondrement des
marchés et le début de la récession, l’automne dernier. En ajoutant les
253 lock-outés du Journal de Montréal, on arrive à 1500. Et si les
rumeurs de postes abolis ou de départs prématurés à la retraite se
concrétisent dans de nombreux médias, et si Canwest coule, comme le
craignent plusieurs observateurs, on pourrait bien parler de près de
2000 employés des médias d’information en moins d’ici au début de
l’été. Un journaliste sur six au pays.
Je ne veux pas avoir l'air de prêcher pour ma paroisse, mais de voir autant de journalistes envoyés au bureau du chômage, je trouve que ça ne sent pas très bon pour l'avenir (de notre démocratie).
Je me demande ce qu'André Arthur pense de tout ça…
Sans vouloir vous contredire ou vous rappeler certains de vos billets, les journalistes ou les médias ne sont PAS les garants de la démocratie.
Ce sont des employés d’un secteur de l’économie qui fait de l’information comme d’autres font de la saucisse, non ?
Auriez-vous changer de point de vue sur la question ?
http://www.voir.ca/blogs/steve_proulx/archive/2008/07/23/comment-va-la-d-233-mocratie.aspx
« n’en déplaise à Michael Crichton, le rôle des médias dans le bon fonctionnement de la démocratie doit être relativisé.
C’est ce que nous dit Anne-Marie Gingras dans son livre Médias et démocratie, le grand malentendu (Presses de l’Université du Québec, 2006). Cette professeure en sciences politiques déconstruit la thèse voulant que les médias soient des maillons de la démocratie. Eh non.
Cette fausse idée vient du fait que l’on considère souvent l’information médiatique comme étant de l’ordre de la « sphère publique », cet idéal démocratique « qui permet aux citoyens de se faire une opinion éclairée et de procéder à des choix politiques avisés ».
Malheureusement, les médias ne sont pas une agora. Ils ne l’ont jamais été, d’ailleurs.
Selon Anne-Marie Gingras, les médias sont plutôt un outil au service des pouvoirs politiques et économiques. Ils tendent à être ce qu’elle nomme des « appareils idéologiques ». « [Les médias] présentent l’ordre des choses [c’est-à-dire le système libéral capitaliste] comme le meilleur qui puisse exister de manière réaliste et visent à générer du consentement à son égard. »
Est-ce que ce ne serait pas ÇA, l’une des raisons principales pour laquelle les citoyens ne se sentent par concernés outre mesure par les coupures et autres restructurations des grands médias d’information ?
De plus, avec l’information fast-food, débutée il y a très longtemps avec la philosophie CNN, est-ce qu’on n’est pas en train de récolter l’indifférence ou l’indigestion de nouvelles imbéciles ou mal ficelées aujourd’hui ?
Le pire dans tout ça, c’est que la nouvelle-poubelle, la connerie insolite ou la rumeur qui a l’air d’un scoop ou le sondage qui prend des airs d’enquête survivra à cette « épuration ».
Je ne veux pas prêcher CONTRE votre paroisse, monsieur Proulx, mais cette crise structurelle et économique devrait peut-être donner lieu à une bonne réflexion sur les principes du journalisme en ce début de XXIe siècle, non ?
D’ailleurs, on blâme constamment les politiciens d’être des merdeux ou des moins que rien qui ne contribuent pas à lutter contre le cynisme de la population désorientée par la reconfiguration du monde post-chute du mur de Berlin… mais on ne se regarde pas toujours en face chez ceux et celles qui étaient les « chiens de garde de la démocratie », non ?
En fait, pour qu’il y ait quelque chose à garder, il faudrait une démocratie à préserver ou une démocratie que les citoyens voudraient revitaliser… mais ça, c’est un autre problème…
Et je ne veux pas savoir ce que André Arthur pense de cette question, lui qui représente justement la collusion éhonté entre trois pouvoirs sensés être en opposition constructive continuelle !
Parce qu’ils sont dépendants des pouvoirs politiques et économiques, les médias de gauche, de centre ou de droite « fabriquent du consentement » (manufacturing consent, selon l’expression de Noam Chomsky). «
Vous me lisez plus que je me lis moi-même, M. Boudrias.
C’est un peu la raison pour laquelle vous aurez remarqué que j’ai mis (de la démocratie) entre parenthèses. On utilise souvent la parenthèse pour écrire des détails facultatifs au texte!!
Cela dit, je pense tout de même que, malgré les problèmes du journalisme actuel que vous relevez avec justesse, il ne faudrait pas réduire le rôle du journaliste uniquement à une déclaration d’Anne-Marie Gingras ou de Noam Chomsky.
Si nous sommes informés aujourd’hui sur une tonne de sujets qui changent le monde, c’est encore à cause des journalistes.
Et quand des dictateurs arrivent au pouvoir dans un pays, ce n’est pas pour rien que la première choses qu’ils matraquent, ce sont les médias. Parce que les médias peuvent déranger le pouvoir.
C’est d’ailleurs ce qui m’inquiète quand je vois le gouvernement Harper être aussi prompt à vouloir tantôt mettre des bâtons dans les roues aux journalistes qui veulent enquêter sur le gouvernement, tantôt tout faire pour laisser Radio-Canada s’affaiblir.
Steve Proulx, bonjour!
Je comprends votre courroux et je le respecte. Comme vous je pense que précieux sont les journalistes et que très orduriers sont les dictateurs qui s’empressent d’emprisonner les journalistes, les intellectuels, les poètes et artistes… et, parfois, les sociologues des médias.
Le point de vue «chomskien» véhiculé par Steve Boudrias dévoile lui aussi des vérités que les journalistes et les citoyens doivent prendre en compte. Étant très pressé actuellement, je compte y revenir demain si la santé et certaines obligations me laissent un peu de liberté physique et intellectuelle.
Mes meilleures salutations aux deux STEVE!
JSB
Justement, si Harper a été élu minoritaire avec un journalisme en « pleine forme », qu’en sera-t-il lorsque celui-ci subira l’ensemble des contrecoups reliés à la crise économique ET à la restructuration médiatique ?
Assisterons-nous à une revitalisation de nos moyens d’information ou verrons-nous le premier gouvernement « démocratique » se faire réélire grâce au contournement ou au sabotage technologique rendu possible par l’implantation du réseau internet ?
D’après moi, l’internet est PLUS qu’une forme (ou une plateforme) alternative d’information, c’est aussi une FUSION d’infos très divergentes (opinion, commentaires, articles, enquêtes, sondages, etc) qui permet entre autres, de transposer la guerre médiatique dans un autre envrionnement, sans balises claires, tout en étant beaucoup moins bien maîtrisée et connue du public ET des journalistes.
Par exemple, l’importance d’une nouvelle n’est pas exprimée de la même manière dans un journal télévisé ou un journal papier que lorsqu’il est « mis en ligne » dans un site web ou consulté via un moteur de recherche ou – c’est possible – carrément envoyé dans des milliers de boîtes courriels remâchés par un tiers.
Est-ce que vous voyez ce que je veux dire ?
Enfin, pour l’instant, mon espoir face à cette possible dérive informationnelle réside dans le fait que nos politiciens actuels sont encore assez peu au fait de ses nouvelles « possibilités » de manipulation liée à cette confusion crée par le maelstrom de l’information circulant de manière anarchique sur le web, et rencontrant parfois son public hors contexte ou hors de son cadre habituel d’habillage professionnel médiatique, mais ce n’est pas très encourageant comme espoir…
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D’autre part, n’oublions pas que la SRC est quand même un média d’État et que son mandat peut être grandement influencé par le gouvernement – même si ce n’est pas encore arrivé jusqu’ici (autrement que par des contraintes financières ou des critiques sans conséquences émises en public par des PM)…
Enfin, c’est peut-être le bon moment pour vous avouer pourquoi je vous lis autant, monsieur Proulx : c’est parce que je crois dur comme fer, tout comme Chomsky et un habitué de ce site (Jean-Serge Baribeau) que c’est la multiplicité des points de vues journalistiques qui rend compte de la réalité et non seulement la rigueur journalistique d’un seul ou de quelques médias rigoureux.
Car parfois on consulte un média que l’on aime uniquement pour se conforter dans notre propre désir d’être rassuré sur le monde et le média que l’on consulte peut soudain se mettre à nous alimenter de manière à TROP conforter nos propres illusions – pour des raisons de fidélisation ou d’augmentation de tirage – qui finit par distortionner la réalité en tant que telle.
(VOIR l’excellent « Les chemins de la persuasion » de Jean-Noel Koepferer)
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Bref, on manque cruellement d’éducation médiatique (tout comme on manque d’éducation physique) au Québec, et c’est pourquoi j’observe avec attention vos interventions concernant les médias.
Je pense plutôt qu’un citoyen ne peut plus se permettre de se contenter d’une seule source d’informations fiables. Il doit saisir l’opportunité d’en saisir plusieurs via la technologie réseautique du we afin de mettre au défi son point de vue, ses idées reçues et sa vision stéréotypée ou trop simpliste de la réalité.
Aujourd’hui plus que jamais. Mais qui a encore le temps de s’informer de la bonne manière, cybernétiquement parlant ? On prenait à peine conscience de la nécessité de le faire hier… imaginez aujoud’hui !
Est-ce que ce ne sera pas ça, la tâche principale du « journalisme de demain » : orienter ou conseiller le « récepteur » de nouvelles afin qu’il accepte de VOIR autrement ce que tout le monde lui expose de la même manière : l’information sur le monde ?
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Je ne cesse d’être ébaubi lorsque je constate
à quel point Radio-Canada est, depuis 40 ans et plus, un véritable champ de bataille, une zone conflictuelle majeure.
Moi, je pense que Radio-Canada oscille en permanence entre deux identités bien distinctes: être une télévision PUBLIQUE ou bien être une télévision D’ÉTAT. Il y a là une nuance essentielle qu’il faut prendre en compte si l’on veut bien saisir. Souvent on entend dire que la SRC est un «appareil idéologique» au service du fédéralisme pur et dur et du système «capitaliste» en place. Dans cela il y a du vrai. Car l’État (je mets délibérément la majuscule), qu’il soit aux mains des libéraux ou des conservateurs, ne voudrait surtout pas que cette institution devienne plus publique qu’étatique. Donc, l’État ne cesse de contrôler Radio-Canada et de bloquer, en partie du moins, la possibilité de présenter des points de vue contestataires ou subversifs.
Il y a quarante ou cinquante ans je n’étais qu’un petit-cul, un peu benêt, qui entendait régulièrement des «séparatistes» dénoncer le fédéralisme agressif et «totalitaire» de Radio-Canada. Régulièrement aussi j’entendais dire que Radio-Canada était envahie par les homosexuels, les snobs «perlant» un français prétentieux et les «maudits séparatistes». Il y a une trentaine d’années, le libéralissime Pierre Trudeau menaçait de «mettre le cadenas dans la porte» si Radio-Canada ne changeait pas ses attitudes. Aujourd’hui ce sont les «réformistes»-conservateurs qui, eux aussi, manifestent leur haine et leurs frustrations face à une institution, pas si bête que cela, qui est souvent tentée d’être davantage une télé publique et de moins en moins une télé d’État.
Moi, je respecte la majorité des journalistes. Ils jouent un rôle essentiel. Mais la démocratie ne peut exister que si les journalistes, même les plus libres et les plus compétents, sont quand même reçus avec une certaine méfiance, laquelle méfiance ne peut être que saine et tonifiante.
Steve Boudrias a raison, dans le sillage de Louis Althusser et de Noam Chomsky, de parler d’APPAREILS IDÉOLOGIQUES, lesquels appareils idéologiques vont de pair avec LES APPAREILS RÉPRESSIFS. Il y a, au sein des sociétés «démocratiques» une gigantesque illusion, largement partagée. En effet, d’aucuns croient que LA PROPAGANDE, cela existe dans les sociétés totalitaires de droite ou de gauche. Dans les «démocraties» la propagande ne serait que marginale et occasionnelle. C’est là une erreur majeure. Comme le dit Noam Chomsky, dans les sociétés totalitaires, c’est plus la répression que la propagande qui crée la cimentation sociale. Mais dans les sociétés «démocratiques», ce sont les appareils idéologiques et propagandistes qui assurent un certain CONSENTEMENT, un certain CONSENSUS, une certaine cimentation.
Et l’un des plus efficaces appareils idéologiques et propagandistes, c’est LA PUBLICITÉ, laquelle ne cesse de nous répéter que le capitalisme est le meilleur système qui puisse être, compte tenu du fait que LE BONHEUR réside dans LA CONSOMMATION, dans l’opulence, dans l’orgie perpétuelle.
Si je reviens rapidement à Chomsky, il prétend que, dans l’ensemble, une société «démocratique» comme la société états-unienne subdivise la population en deux sous-groupes. Un premier sous-groupe d’à peu près 20% détiendrait, à des degrés divers, les privilèges et aurait toutes les raisons de louer et de louanger le système en place. Quant à la majorité (80%), on la «tasserait» en lui disant de ne pas s’en faire, de ne pas se casser la tête. Comme l’élite est là pour réfléchir, penser, parler et écrire, la grande masse des citoyens n’aurait qu’à consommer des sports, des loisirs et des machins-trucs de mentalité hollywoodienne ou walt-disneyenne». On aurait donc une DÉMOCRATIE ÉLITISTE plutôt qu’une DÉMOCRATIE LARGEMENT OUVERTE.
Cela étant rapidement dit, il n’en reste pas moins que Chomsky pense que le grain de sable dans l’engrenage, ce sont ces journalistes, assez nombreux, qui sont compétents, rigoureux et bien informés. Eux, ils «cassent» partiellement le système en place en le défiant et en le forçant à élargir le cercle des analyses et points de vue.
Tout cela, sans grande prétention, je l’espère, pour dire que je suis catastrophé lorsque je vois les coupures faites à Radio-Canada. Cette vénérable institution, malgré de nombreux défauts (et des défauts, il y en a!), reste, à mon humble avis, l’un des remparts de nos libertés. Les travailleurs (et travailleuses) de Radio-Canada ne forment pas un bloc monolithique et unanimiste. Ne l’oublions jamais sinon nous allons briser quelque chose de précieux: une certaine liberté, une certaine diversité.
Mais comme le dirait probablement Steve Boudrias, il n’en reste pas moins que Radio-Canada (ou Le Devoir, ou d’autres médias) ne pourrait pas, pour un citoyen responsable, être la source unique de toutes les nouvelles, informations et analyses.
Comme je le radote souvent, si un citoyen veut développer une indépendance d’esprit, il doit multiplier ses sources d’information et d’analyse. En effet, mieux vaut multiplier les points de vue et les perspectives plutôt que multiplier les «observateurs». En effet cent observateurs qui ont le même regard sont moins tonifiants que cinq ou six observateurs qui ont des visions différentes, des points de vue relativement originaux.
Je me tais en espérant n’être pas un élément de plus à l’intérieur du vaste système des appareils idéologiques servant à justifier l’ordre (ou le désordre) établi.
JSB
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