Ma chronique dans le magazine Trente de ce mois-ci, recyclée ici pour vous…
La dernière, en passant, d'une chronique qui a reçu une belle nomination aux Grands prix des Magazines du Québec. J'en profite pour vous inviter, tant qu'à y être, à voter pour votre couverture de magazine préférée.
Heinz ou Le Choix du Président?
À la dernière Convention nationale républicaine, à Washington, le sénateur de l’Oklahoma Tom Coburn déclare dans son allocution : « Les quotidiens imprimés mourront… » Et spontanément l’assistance se met à applaudir chaleureusement.L’animateur de l’émission satirique The Daily Show Jon Stewart, qui ne rate jamais une occasion de rouler la pensée républicaine dans la chapelure avant de la mettre au four à 350∞ jusqu’à consistance croustillante, a bien sûr relevé le ridicule de la chose.
Bien sûr, les républicains sont un public particulier. Si la population en général ne danse pas sur la tombe des médias traditionnels, on ne peut pas dire qu’elle soit très préoccupée par l’enjeu.
Des milliers de journalistes perdent leur boulot, des quotidiens centenaires ferment boutique et, mis à part les journalistes, tout le monde s’en fout.
TJ Sullivan, un journaliste indépendant basé à Los Angeles, a lancé une pétition pour demander aux grands quotidiens américains et à l’Associated Press de fermer leurs sites Web pendant une semaine. Un black-out de l’information en ligne. Selon Sullivan, y a rien ne de mieux pour réaliser l’importance des journaux dans une démocratie que de s’en passer un moment…
On en est rendu là.
*
Bernard Poulet, rédacteur en chef du magazine économique français l’Expansion, vient de publier l’enquête La fin des journaux et l’avenir de l’information (Gallimard). Récemment, il confiait au Nouvel Observateur que l’ère numérique allait « euthanasier » la classe moyenne des journalistes.
« On voit grandir une masse d’ouvriers spécialisés de l’info qui alimentent les tuyaux de l’information rapide. Et à côté de cela, on aura des journalistes qui apporteront une plus-value, avec une véritable expertise et une grande qualité d’écriture. »
Or, pour ce qui est de la classe moyenne des journalistes, ceux qui forment encore le gros des salles de rédaction, Poulet est catégorique : « Ils seront broyés ». « Les journalistes qui surnageront sont appelés à devenir leur propre marque », a-t-il ajouté.En somme, si on se fie à ce prophète de malheur, le quatrième pouvoir sera bientôt assumé d’une part par des récriveux de communiqués, et d’autre part par des journalistes-vedettes.
Ou, si vous préférez, des plumes anonymes de Canoë d’un bord et des Patrick Lagacé ou Chantal Hébert de l’autre.
Comme à l’épicerie, on aura le choix : le ketchup Heinz ou la marque générique (moins chère et un peu moins goûteuse).
La réalité ne sera probablement pas aussi crue, mais la tendance est là. Un journaliste qui voudra maintenir un emploi de qualité dans une entreprise de presse devra se démarquer.
On peut le prendre par la négative et dire que le journaliste qui devient une « marque » corrompt la mission d’intérêt public de la profession. Il y a effectivement un risque que des journalistes mettent en valeur leur propre personne au détriment de l’information.
Mais on peut aussi prendre la chose comme une invitation à se dépasser. Devenir une « marque », c’est peut-être développer une spécialisation pointue, coller son nom à une compétence reconnue, être influent dans un milieu, être un leader d’opinion dans une communauté.
Est-ce nécessairement anti-journalistique? Pas sûr.
De toute façon, en se sacrant un peu de la crise qui secoue présentement le business de l’information, le public nous demande de changer d’approche. Il nous dit par son indifférence que la façon que le journalisme « traditionnel » a proposé jusqu’ici pour défendre l’intérêt public ne l’intéresse plus.
Ça, les entreprises de presse le savent. Mon conseil aux journalistes qui veulent durer : ne vous contentez plus de faire du « bon travail ». Misez sur vos singularités. Soyez irremplaçable. Devenez une marque.
C’est dans votre intérêt.
« Mon conseil aux journalistes qui veulent durer : ne vous contentez plus de faire du « bon travail ». Misez sur vos singularités. Soyez irremplaçable. Devenez une marque.
C’est dans votre intérêt. »
Et c’est parfait comme ça.
Bien avant que l’expression « Personal Branding » apparaisse, il y avait des gens reconnus dans leur domaine. À mon avis, ces « journalistes » de marque, auront un rôle étant beaucoup plus près de celui des intellectuels : ils deviendront des références dans un domaine très spécifique (un incontournable) et auront leur public cible.
C’est penser contre la salle de presse que de voir le journalisme dans cet optique: c’est d’être son propre patron, son propre produit ; c’est le contrôle absolu sur le output.
Si on pense à des idées, il y a des penseurs qui y sont rattachés – des noms que nous n’oublierons pas: Albert Einstein, Michel Foucault… et plus récemment Thomas L. Friedman, Jean Siegler, à la limite Pierre Foglia.
Sur la toile, il y a des incontournables sur certains sujets. Vous avez les vôtres et j’ai les miens, mais ces gens bien avant d’être des « neo-journalistes » sont des passionnés de quelque chose.
Mes trois préférés du moment:
Ira Glass – This American Life – http://www.thislife.org (journalisme radio)
Merlin Mann – 43folders – http://www.43folders.com (creation et organisation)
John Gruber – Darin Fireball – daringfireball.net (Design Web et Mac)