Claude Marcil a trouvé trouvé un beau sujet de débat (rapporté dans RueFrontenac):
Une bibliothèque publique devrait rendre disponible des livres pratiques sur l'astrologie médicale, la réflexologie, l'iridologie, le reiki, la phrénologie (l'étude des bosses sur le crane), l'urinothérapie (se soigner en buvant son pipi) et autres médecines alternatives plutôt douteuses.
Marcil, cité dans RueFrontenac:
«Pendant des décennies, on avait des bibliothèques sans livres et on
hurlait pour avoir du personnel qualifié. Maintenant que les
bibliothèques ont des budgets, les bibliothécaires devraient utiliser
leur gros bon sens pour faire les achats parce que dans tout le lot de
nouveautés, on trouve un paquet de niaiseries», soutient le journaliste
indépendant Claude Marcil, qui a été le premier, sur son site Internet
kiosquemedias.com, à tirer sur la sonnette d'alarme.
RueFrontenac propose un bel échantillon des conneries pures qui se retrouvent sur les tablettes de nos bibliothèques. Réponse des bibliothécaires: on achète ce que le monde veut.
La question: Les bibliothèques publiques devraient-elles se responsabiliser et éviter de diffuser des "savoirs" douteux ou largement discrédités?
Qu'en pensez-vous?
Très intéressante question, Monsieur Proulx.
Mais une question à laquelle il faudrait également ajouter la suivante:
Qui décidera de ce qui est approprié ou pas?
Lire est essentiel. Une bonne bibliothèque aussi. Il n’y a pas tellement longtemps, la population du Québec ne lisait pas beaucoup. Parce que notre système d’éducation ne favorisait que les mieux nantis. Parce qu’on mettait des livres à l’index. Notre Révolution Tranquille a changé tout ça. Laissons vivre et laissons lire.
Je vous laisse un petit poème autrefois honni, en apéro.
Une charogne
Rappelez-vous l’objet que nous vîmes, mon âme,
Ce beau matin d’été si doux :
Au détour d’un sentier une charogne infâme
Sur un lit semé de cailloux,
Les jambes en l’air, comme une femme lubrique,
Brûlante et suant les poisons,
Ouvrait d’une façon nonchalante et cynique
Son ventre plein d’exhalaisons.
Le soleil rayonnait sur cette pourriture,
Comme afin de la cuire à point,
Et de rendre au centuple à la grande Nature
Tout ce qu’ensemble elle avait joint ;
Et le ciel regardait la carcasse superbe
Comme une fleur s’épanouir.
La puanteur était si forte, que sur l’herbe
Vous crûtes vous évanouir.
Les mouches bourdonnaient sur ce ventre putride,
D’où sortaient de noirs bataillons
De larves, qui coulaient comme un épais liquide
Le long de ces vivants haillons.
Tout cela descendait, montait comme une vague,
Ou s’élançait en pétillant ;
On eût dit que le corps, enflé d’un souffle vague,
Vivait en se multipliant.
Et ce monde rendait une étrange musique,
Comme l’eau courante et le vent,
Ou le grain qu’un vanneur d’un mouvement rythmique
Agite et tourne dans son van.
Les formes s’effaçaient et n’étaient plus qu’un rêve,
Une ébauche lente à venir,
Sur la toile oubliée, et que l’artiste achève
Seulement par le souvenir.
Derrière les rochers une chienne inquiète
Nous regardait d’un oeil fâché,
Epiant le moment de reprendre au squelette
Le morceau qu’elle avait lâché.
– Et pourtant vous serez semblable à cette ordure,
A cette horrible infection,
Etoile de mes yeux, soleil de ma nature,
Vous, mon ange et ma passion !
Oui ! telle vous serez, ô la reine des grâces,
Après les derniers sacrements,
Quand vous irez, sous l’herbe et les floraisons grasses,
Moisir parmi les ossements.
Alors, ô ma beauté ! dites à la vermine
Qui vous mangera de baisers,
Que j’ai gardé la forme et l’essence divine
De mes amours décomposés !
Charles Beaudelaire
Si les bibliothèques ne les achètent pas, qui donc achètera ces livres de psycho-pop-nouvel-age?
Oups… Monsieur Landry!
Une malencontreuse faute de frappe, sûrement: le nom du poète dont vous citez les vers* s’écrit Baudelaire.
* (Une charogne – pièce XXIX des Fleurs du mal)
Claude Perrier a brillamment formulé la question essentielle concernant le côté approprié on non-approprié d’un livre, d’une oeuvre, d’une lecture.
Personnellement la liberté de parole et d’expression est chez moi un dada incontournable et permanent. Je suis de ceux qui pensent que face aux libertés de parole et d’expression, la meilleure approche est radicale sans pour autant être extrémiste. Autrement dit tout, ou presque, peut être formulé et affirmé. Il y a évidemment les exceptions liées aux appels à la violence ou aux discours qui dénigrent «radicalement» les personnes appartenant à une catégorie sociale donnée.
Mais la liberté d’expression ne peut plus exister si l’on décide que les points de vue stupides ou «cons» ne peuvent pas être exprimés. Qui décide de ce qui est stupide, con ou imbécile? Dans le cours de l’histoire humaine de nombreuses thèses, avérées brillantes par la suite, ont été censurées par les autorités religieuses, morales ou politiques.
En somme, je réclame le droit d’énoncer des âneries ou d’énoncer ce qui, aux yeux de certains, est complètement «imbécile», nul et non avenu.
EN TOUTE LIBERTÉ!
JSB, sociologue
JE ME PERMETS DE PROPOSER UN TEXTE «COMMIS» IL Y A QUELQUES MOIS, TEXTE CONCERNANT L’ESSENTIELLE LIBERTÉ DE PAROLE ET D’EXPRESSION:
12 mai – 7 h 45
***Je suis sociologue des médias depuis quelques années et ma thèse sur la liberté d’expression est passablement radicale. Si la liberté d’expression existe, il faut nécessairement qu’elle aille très loin et il faut que les limitations soient justifiées et essentielles. Comme l’intellectuel états-unien Noam Chomsky, je pense que la liberté d’expression, c’est le droit de dire des bêtises, c’est le droit de dire ce qui semble être stupide et «con». Beaucoup de grand penseurs, dans le cours de l’histoire humaine, ont formulé des théories ou avancé des idées qui, dans le contexte de l’époque, semblaient «bêtes» et «sottes». Si comme Robert Faurisson, en France, je juge que l’holocauste a été moins terrible que ce que la plupart disent, je dois avoir le droit de le dire sans que le code criminel ne vienne me sanctionner. C’est une connerie mais je dois avoir le droit d’assumer mes conneries et inepties.
La plus grande entorse à la liberté d’expression, dans l’histoire du Québec, c’est lorsqu’en décembre 2000, l’Assemblée nationale a blâmé Yves Michaud pour des propos qui, somme toute, étaient très acceptables.
Je termine en citant Normand Baillargeon (Le Couac, mars 2006): «En Occident, les intellectuels, les écrivains, les philosophes ont gagné, par de difficiles combats où certains ont laissé leur vie, le droit à la liberté d’expression. Ce droit n’est pas négociable et il implique le droit de rire de dieu, de tous les gourous et de tous ces zozos qui veulent vivre en suivant les diktats de quelque paysan illlettré ou quelque plouc illuminé ayant vécu il y a des siècles.»
ET VOILÀ! La limite à la liberté d’expression, c’est, autant que faire se peut, le respect des personnes et individus.
AU PLAISIR!***
Jean-Serge Baribeau, sociologue des médias et vieux libertaire déterminé
Je suis présentement future bibliothécaire et je peux apporter un semblant de réponse.
Premièrement, une bibliothèque publique se doit d’apporter autant l’information générale que le divertissement aux usagers. De plus, les usagers peuvent faire des demandes d’achat, quand ce qu’ils veulent ne se trouve pas dans les acquisitions du bibliothécaire. À ce moment, si le bibliothécaire décide de ne pas acquérir la demande, il devra expliquer ses raisons à l’usager. « Je ne considère pas votre ouvrage comme assez sérieux » ou « Je considère que l’information véhiculée dans cet ouvrage est frauduleuses » sont des réponses boîteuses à offrir à l’usager.
Je considère également déplorable que des livres comme Êtes-vous Tintin, Milou ou Haddock se retrouvent sur les tablettes de nos établissements alors que l’on sait que les entreprises paient des formations pour « détintiniser » leurs employés. Il n’en demeure pas moins que ces documents ne sont pas à caractère haineux, ne sont pas trop coûteux et sont populaires. Dans une perspective de divertissement, ces documents peuvent être justifiés.
N’oublions pas que les bibliothèques publiques sont bien souvent le reflet de leur clientèle et que c’est cette dernière, bien plus que le bibliothécaire responsable, qui la façonne. Si vous n’êtes pas satisfait de la sélection de livres de votre bibliothèque de quartier, au lieu de quitter et d’écrire un commentaire sur un blogue, vous auriez intérêt à discuter avec les personnes responsables des acquisitions, car tout n’est pas perdu: votre demande pourrait être acquise et vous pourriez adapter ce service public à vos besoins et vos aspirations.
Où diable voyez-vous un problème de liberté d’expression ici? Coyez-vous sérieusement que si une bibliothèque se donnait pour politique de ne pas acheter de livres sur des thérapies farfelues, ces livres se vendraient moins? Allez dans la section New Age de Renaud-Bray ou bien comparez les rayons « croissance personnelle' » ou « ésotérisme » de n’importe quelle librairie avec les rayons « science », et osez me dire que ces livres sont à l’index.
Persopnne ne parle d’interdire la vente de ces livres. On remet en doute la légitimité d’en acheter autant avec l’argent de vos impôts.