Jeudi dernier, j'avais deux heures de route à avaler en solo. L'occasion de faire une expérience: moi qui fais très confiance à la musique pour tuer le temps, d'habitude, j'ai plutôt glissé dans le lecteur le petit dernier des Audiolib, ces livres audio débarqués il y a peu chez les libraires sous le slogan «Écouter, l'autre façon de lire.»
Mise en contexte: j'ai cédé sur quelques fronts à la Toute-Puissante électronique, ces dernières années, mais en matière de lecture, tout ce qui n'est pas bon vieux bouquin fleurant l'encre et le papier me colle une moue perplexe. J'étais donc sceptique, évidemment. D'autant que je doutais de pouvoir savourer la très belle langue de Philippe Claudel tout en tenant le volant d'une main et la carte de Lanaudière de l'autre. Or voilà, je ne vais quand même pas bouder mon plaisir: j'ai bel et bien glissé dans Le rapport de Brodeck, version audio; j'ai bel et bien suivi dans sa conscience troublée ce pauvre chroniqueur de la faune et de la flore soudain chargé, dans son petit village allemand de l'après-guerre, de rendre compte de ce qui est arrivé à l'étranger y séjournant depuis quelque temps. Fort, très fort.
Il va sans dire, la réussite de l'entreprise dépend beaucoup de la qualité du lecteur. Le jeune comédien français Sylvain Machac, jouant sur toute une gamme de tonalités mais toujours dans la sobriété, laissant parler de lui-même un texte qui n'a besoin de personne pour se défendre, remplit parfaitement son mandat.
Vous avez déjà fait l'écoute d'un livre audio? C'était bien?
Seulement des livres audio pour enfants. Par contre, mon mari, cela lui arrive souvent puisque je lis à haute voix pour lui à tous les soirs. Est-ce que ça compte ?!
J’essaierai, par contre, la lecture audio par un pro. Réponse pour réponse ; est-ce que tu retenterais l’expérience ? Si je lis entre les lignes, tu sembles avoir été agréablement surpris, mais la question est ; est-ce que je lis l’entre-ligne aussi bien que la ligne ?
Cette mode existe depuis longtemps. Mais c’est surtout le monde clérical qui en bénéficiait. Moi, j’ai grandi dans une famille chrétienne qui prenait un grand plaisir à suivre des conférences sur des sujets très intéressants.
À la fin des conférences ma mère adoptive achetait toujours une malettes de livres-cassettes lesquels sont devenus ce que l’on appelle des livres audio.
J’en ai acheté plusieurs pour ma fille. C’est ainsi qu’elle a commencé à apprendre les histoires destinées aux enfants. Mais je dois vous dire que mon préféré est La belle lisse poire de Motordu de PEF.
Moi, l’adulte, je préfère un bon livre en papier qui me permet de souligner les passages que j’aime ou qui sont importants pour un travail de recherche. Et si toutefois je me laisse tenter à l’idée d’écouter un livre audio c’est dans le seul but d’apprécier la diction de la personne qui lit.
À vrai dire je déteste ce genre de truc. Mais ça rend service aux gens qui
voyagent et qui doivent absolument se prononcer sur le travail d’un auteur. Étant une personne active la passivité dans laquelle ce genre de produit me plonge finit toujours par me faire entrer dans le monde du sommeil. J’aime un contact physique avec les livres que je me procure. C’est ainsi que j’entre en communication avec l’oeuvre et l’état de prodution de l’auteur.
Cette sensation mystique n’existe pas dans le livre audio est c’est dommage.
De mon côté, je dois avouer que je suis une grande romantique; les longs mois d’hiver, une famille réunie autour d’un lecteur, au coin du feu, quelle merveilleuse image! Bien avant que les livres deviennent un plaisir solitaire, ils étaient plutôt affaire de « petit comité » puisque très peu de gens savaient les déchiffrer. Je suis une grande fan des soirées de contes (Ah! Feu les Nuits de la pleine lune à l’île de la Visitation, les soirées du Sergent Recruteur…) et de la voix de mon chum qui, lui aussi, me lit chaque soir quelques pages d’un roman ou d’un essai.
Je ne renoncerais pas à l’étrange intimité qui s’établit entre le lecteur et le bouquin de papier, que j’aime m’approprier physiquement (en le maltraitant un peu), mais je n’ai rien contre le fait de me laisser bercer par la voix d’un autre, de faire confiance à un messager privilégié ou de faire partie d’un public hypnotisé par la voix de bon lecteur et de partager avec d’autres la fébrilité, l’intensité d’éphémères et magiques moments littéraires.