Depuis quelques années, je diffuse sur ce blogue le poème ayant valu à son auteur le premier prix du Concours intercollégial de poésie, un prix créé par la Fondation lavalloise des lettres dans le but d’encourager l’écriture littéraire chez les étudiants.
Cette année, le jury composé de Michel Drainville, Louise Deschênes et Claire Varin a récompensé quatre jeunes poètes, deux étudiants se partageant ex aequo le troisième prix.
Devant le niveau tout à fait étonnant de l’ensemble, je les diffuse ici tous les quatre. En y joignant mes plus sincères félicitations.
Premier prix
L’ÉTAGE INNOMMÉ
Ma vie en veilleuse
Dans les corridors du temps
Mes yeux muets ma bouche crevée
Corps premier dans ton sillage
Mon ventre accroché mes mains éclatées
L’autre qui va nulle part nu-pieds
Dans les corridors du temps
Les terres tremblantes de nos attentes
L’esseulée bipolaire de nos craintes
L’azur gris des hiers futurs
Tic tac à bout de souffle
Dans les corridors du temps
La griffe ignée des mots d’amour
Les détours les dédales les labyrinthes
La fuite innée du visage clos
Ma vie suspendue au mur
Dans les corridors du temps
Marie-Hélène Dubé, cégep de Lévis-Lauzon
Deuxième prix
CIRCONSTANCES MORTES
I
La douce lueur d’une bougie fatiguée
S’éparpille en reflets gris
Sur mon décor pauvre et timide
Elle se repose
Je contemple seul
Des portraits muets
Qui sourient ou pleurent
Selon des circonstances mortes
II
Parfois
On claironne on tambourine
Ma porte close résonne
Aux incitations festives
Je suis traîné au bourdonnement
Cet endroit où j’étouffe d’être
Je ferme les yeux
Par crainte des objets animés
III
On chuchote à l’enterrement
On parle fort à la réception
On assourdit les pas
Pour l’enfant qui dort
J’ai bien quelques réserves
Mais je préfère les taire
Alexis Belzile, cégep régional de Lanaudière à Joliette
Troisième prix
PÉRIODIQUE
N’embellis rien,
ne fais pas de toi un euphémisme viril,
porte-parole de ta sortie décoiffée,
d’une dernière étreinte d’eskimo.
L’énergumène fuit,
l’énergumène vit.
Je porte des vêtements de brique.
N’exaspère pas l’illusion,
elle te le rendra trop bien.
J’ai dégusté un épicurisme de cendre,
vêtue de notre cadavre.
Tu arbores la guerre en collier,
tu exhumes l’inadvertance
d’un sommeil géométrique.
D’absurde, tu deviens volet.
Ne nie pas l’égarement,
tes mains en expient déjà la déraison.
Calfeutrée, j’ai bu la caféine d’un vieux désir,
j’ai feint une indolence de poupée.
Et dans chaque non,
plus vrai que statue errante,
tu colmates un poison d’idiotie.
Tu embauches le soleil
pour te servir d’excuse.
Roxane Delisle, cégep François-Xavier-Garneau
Troisième prix (bis)
FRAGMENTS…
Vois-tu ma fille, la nuit n’est pas complète. Elle est toujours cassée de vieux cris d’amour qui se meurent dans des arrachées de chair tendre. Il y a des espoirs fuyards sur le toit de l’âme, mais qui tombent goutte à goutte sur le bitume brut, obscène de tant de chutes, de vertiges. J’ai les yeux ouverts sur un ciel moqueur en bas, des sourires craintifs. Des drames passifs. Qui me dérobent le souffle. Il avait neigé ce jour-là…
Vois-tu ma fille, je tremblais parfois. Comme quand on est sur le point de commettre un crime, mais le crime est doux. Une anesthésie pour le coeur. Un subterfuge qu’on pourra écrire sur ces pages qu’on relira ensuite. Puis se dire que ce n’est pas nous.
Vois-tu ma chérie, je joue à cache-cache avec les bras qui me veulent. Des silences qui se démènent. Les élancements qui me lassent.
Je voudrais pouvoir pleurer
Pour qui, après tout?
Vois-tu ma fille, il y a de ces fragments qui ne se recollent pas.
Ils restent là sur les pavés. A regarder les passants qui passent.
Comme une préface
Et c’est plus dur de terminer le livre
Parce qu’il n’y a plus assez d’air tout à coup.
Rose Carine Henriquez, Collège Bois-de-Boulogne