Auteur : Nicolas Gilbert.
La fille de l’imprimeur est triste, titre évocateur, n’est-ce pas ?
Ça y est, je plonge dans le pourquoi je tiens ce blogue ; la littérature québécoise. C’est mon dernier titre commenté, j’y ai fait allusion à mon premier billet, combien j’étais désolé de ne pas lui offrir la vitrine Voir. Je me reprends, le sourire aux lèvres. Cet auteur, s’il obtient l’attention méritée, a un avenir prometteur.
« … Si on se met à écouter la musique du hasard avec attention, ne risque-t-on pas de vouloir danser à son rythme ». Oh, que j’aimerais être l’auteure de cette phrase tirée du quatrième de couverture.
Dès les premières pages, expulsée de mon quotidien, de mon siècle, je suis entré dans un ailleurs. « Deux hommes que cent cinquante ans séparent portent un même nom, un même visage ». Réaction des personnes terre-à-terre ? Ça ne se peut pas. Peut-être pas, mais Nicolas Gilbert a tout mis en œuvre pour que j’y croie. Je ne pourrais expliquer comment il s’y est pris, un peu comme le tour de magie devant lequel tu es incrédule, mais le résultat étant sous tes yeux, tu ne peux nier.
Les deux hommes, à un siècle et demi de distance, partagent la même flamme amoureuse, une Marie, mais pas la même occupation. Un est imprimeur et photographe dans les années 1836, l’autre écrivain et traducteur dans les années 1986. Les amateurs de photographies du 19e siècle seront comblés, ces techniques d’alors sont bien expliquées. D’ailleurs, ce François Meunier du 19e siècle m’a généralement captivée plus que son pendant moderne.
On suggère, toujours sur le quatrième, que les deux sont des ratés. Je ne l’ai pas vécu ainsi. Peut-être ratent-ils des rendez-vous avec l’amour, peut-être se cachent-ils derrière la lettre, des personnages qui vivent des périodes de passivité qui donne une envie de les secouer. Les secouer … hum, se laisseraient-ils faire ? Pas sûre, leur caractère est fort, ce sont des têtus. Ils disposent de peu de miroirs pour leur renvoyer qui ils sont, laissant entrer de rare personne dans leur intimité.
Je ménage le mystère de cette histoire, c’en est le charme, le bijou qui brille dans le coffre verrouillé à double tour. Tout au long des pages que j’ai tournées avec empressement, en me délectant du style d’une élégance classique, j’ai été porté par l’énigme : quelle est la source de cette similitude entre ces deux hommes ? J’ai accepté d’être confuse. L’auteur a joué avec moi comme le chat avec la souris, j’ai fini par confondre les deux personnages. Ce brouillard était voulu, enfin, je l’imagine. Si ce ne l’était pas, eh bien, ça reste réussi. J’ai aimé que les lignes de ces destins se rejoignent, assez pour que je finisse par confondre les trames. Lequel est lequel !? Troublant.
Un roman au suspense tout en subtilité.
La fille de l’imprimeur est triste, Nicolas Gilbert, Leméac, juillet 2011, 238 p.