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Du Cinémisme

Je suis allée voir deux films québécois hier : Monsieur Lazhar et La peur de l’eau. Je ne vais pas faire la critique de ces films, je n’en vois pas suffisamment, pas trois ou quatre fois par semaine, comme les cinéphiles. Je n’en mange pas, même si j’en grignote avec appétit et régulièrement, surtout du film français et du québécois. De l’Américain, j’en vois, mais je dois m’informer à fond avant. À des amis, des près, des lointains (blogue), des critiques, des commentateurs, en fait, tout le monde qui peut m’en parler. Je dois m’assurer que l’on ne me présentera pas ce que je n’aime pas, qui pourrait se résumer en un mot : exploitation. Je pense par exemple à l’exploitation de l’émotion. J’ai horreur de percevoir, de voir encore plus, les leviers utilisés pour m’embarquer dans un manège d’émotions. Je me connais, j’ai besoin de peu pour réagir. J’aime la subtilité, les nuances, et beaucoup d’espace. En fait, j’adore les films où les gens ne rient pas, ou ne pleurent pas, au même endroit, ce qui m’arrive en visionnant du cinéma français, du québécois, de l’anglais, et de l’italien, tiens ! (Ces deux derniers, j’en trouve moins sur mes écrans – je vis à Eastman, n’oubliez pas). Mes garçons me disent que j’ai des préjugés vis-à-vis le cinéma américain. Oui, si avoir des préjugés veut dire accorder moins spontanément sa confiance en …

C’est un peu comique que ce soit mes garçons qui me désignent comme ayant des préjugés, eux, qui ne voient jamais de cinéma québécois. Bien plus que ça, ils font une réaction avant même de le voir ! Mes fils, et malheureusement il n’y a pas qu’eux, exécutent le cinéma québécois avant qu’il ne s’exécute. « Ce sont des tranches de vie, épaisses d’humanité, au ralenti avec pas d’action », prétendent-ils. J’ai décidé qu’aujourd’hui j’inventais le mot « cinémisme ». Ce mot définirait l’aversion réflexe éprouvée vis-à-vis le cinéma d’une nationalité en particulier. Et si c’est un québécois envers le cinéma québécois, pourrait-on parler d’auto-cinémisme ?!

Bon, je reviens aux films que j’ai vus hier. Je les ai aimés tous les deux. Ça ferait peut-être mieux si je disais que j’ai de beaucoup préféré Monsieur Lazhar. Je suis consciente que ce film, en plus d’être bien fait, porte un message social. La peur de l’eau, non. Si je soustrais les messages solides de Monsieur Lazhar, j’ai été autant captivée par le deuxième que le premier.

Monsieur Lazhar nous pointe du doigt plusieurs excès dans notre système d’éducation et c’est d’autant plus porteur que ce sont les yeux d’une personne qui arrive au pays. On en sort avec l’indéniable envie de continuer à le regarder vivre, Monsieur Lazhar est une histoire en soi. La magie de l’attachement a lieu, il attire la sympathie, l’amitié même. C’est grand, plus grand que des images qui défilent à l’écran pour nous distraire.

La peur de l’eau a un suspense, ce genre de casse-noix qui devient un jeu ; trouver le coupable. L’enquête ludique. Et le pauvre policier de village maladroit, maltraité par un inspecteur haut placé, désabusé et imbu de lui-même. Juste la bonne dose d’injustice qui fait réagir le spectateur qui prendra pour le plus faible dans le duel. De l’amour en filigrane, sur un ton un peu clownesque. En fait, j’ai aimé le ton taquin de cette histoire qui déleste une part de l’effet dramatique. Dommage d’avoir trouvé – en bout de piste, une incongruité en rapport direct avec le meurtre. Et ne me demandez pas d’expliquer, vous imaginez bien que je tuerais la chute, la finale, le punch, tout ce pourquoi le réalisateur, Gabriel Pelletier a tant travaillé.

Deux excellents films québécois, je le dis comme ça, pour tous ceux, que j’espère nombreux, qui ne font pas de cinémisme !