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Un village, Eastman

Je l’habite depuis 6 ans et demi. Je suis partie de la ville de Montréal, j’ai monté un petit mont en face d’un autre, majestueux, nommé « Mont Orford ». Il me regarde ou je le regarde, c’est selon l’angle de la maison ou de la saison.

Le village d’Eastman, qui compte environ 1700 habitants a une pharmacie quand habituellement, un village se mérite sa pharmacie quand il en a 5,000, une épicerie qui s’est agrandie, une quincaillerie qui vend trop cher, quelques restos de trop, puisqu’ils ferment leurs portes en basse saison pour parfois de ne plus les rouvrir. Certains durent et perdurent, et je nommerai ici un Café de village, Les Trois Grâces auquel je suis fidèle depuis qu’il est né. Un autre, Le Petit Eastman est un café théâtre, tandis que le réputé théâtre La Marjolaine a son café et son Piano Rouge en haute saison. Impossible de mentionner le mot Eastman sans parler de ses fameuses Correspondances qui m’ont attirée ici, entre autres attraits, et qui en sont à leur 10e édition en août. Ne les manquez pas, ça vaut le détour !

Eastman, c’est aussi 3 lacs, dont un d’Argent, celui que je vois par mes fenêtres, le même qui a enseveli les corps de 43 personnes handicapées quand un autobus a plongé en ses eaux. On y pense encore, même si ça date de 1978, quand on fait notre marche pour atteindre les boites de casiers postaux où je trouve souvent – avec surprise et plaisir – des livres.

À Eastman, les activités ne manquent pas, et il en faut car ce petit village abrite deux Pâtisseries. Une beignerie, appelée Dora, en l’honneur de celle qui a eu l’idée de vendre ses beignes « maison » à partir de sa maison. Au-dessus de la porte d’entrée, on se laisse convaincre par l’adage « L’abus n’exclut pas l’usage ». Il s’y vend maintenant à peu près tout ce qui se mange : de la fève au lard au creton, de la tourtière à la lasagne, les confitures, et hop plein de gâteaux et de pâtisseries. Aux Avelines, la pâtisserie se fait plus Européenne, le produit vient de plus loin que chez la voisine. Les deux, avec leurs spécialités sont aussi bonnes une que l’autre. Pensez-y, dans un petit village : DEUX commerces pour les gloutons !

On dénombre bien sûr à Eastman plusieurs gîtes, jolis, tranquilles, accueillants et pas dispendieux mais, à mon avis, « Entre Cimes et Racines » cet écogîte en forêt se distingue entre tous. On ne vous y offre pas qu’un toit mais un domaine où le retour dans le passé se fait le plus naturellement du monde. Vous expérimenterez ce que vos ancêtres prenaient pour la vie, sans la traiter de pure ou de dure. J’ai visité ce domaine pendant les Correspondances d’Eastman mais je me promets d’habiter une de ses maisonnettes, idéalement le Troglo, pour Hobbit seulement ;-). Attention, celle-ci fait fureur, il faut réserver quelques mois à l’avance !

Quelques magasins d’antiquité vous font de l’œil et à tous les mois d’octobre, depuis vingt ans, une exposition d’antiquités attire juste ce qu’il faut de monde pour que Eastman fasse la belle. Revient à chaque année pendant le temps des fêtes le Salon du cadeau, Les Fioritures en offre à l’année et Le plus fou des deux fait dans le meuble sur mesure. En parlant du sur mesure, Letiga habille élégamment l’homme sous ses pantalons. Vous ne perdez pas de vue que nous sommes toujours dans le même village de 1700 personnes ? D’accord, on continue.

Eastman s’est nanti dernièrement d’un terrain de tennis l’été, d’une patinoire l’hiver. Après le sport, c’est le SPA. Vous n’avez pas oublié le réputé SPA Eastman dont le nom projette dans un bien-être instantané ? Comme si ce n’était pas assez, nous avons une cabane à sucre et son activité saisonnière Arbres Aventures. C’est vrai, j’oubliais qu’une charmante boutique de produits naturels en vrac « Au poids Vert » vous offre de prendre soin de votre santé.

Même si c’est déjà beaucoup pour une si petite population se rajoute une entreprise, et non la moindre, la dynamique savonnerie artisanale, la Savonnerie des Diligences. Un couple d’entrepreneurs a compris que pour attirer la clientèle, il faut innover, prendre des risques, imaginer et surtout donner un produit de qualité irréprochable. Leur dernière idée est de baptiser chaque savon par un personnage qui se raconte. À chaque savon, son personnage (dessiné par Éric Chouteau), à chaque personnage, sa légende. Je ne connaissais pas ce couple en arrivant ici, ils sont devenus des amis. Comment ne pas s’accoquiner avec des gens qui encouragent les artistes ? Marsi, bédéiste qui s’adonne aussi à être mon mari a dessiné une série d’étiquettes exclusives pour des savons à l’odeur de chacun des personnages de son album BD Miam miam fléau.

Je ne vous dirai pas qu’il y a un bureau de poste (ouvert le samedi et le dimanche pendant les Correspondances !), une église, un Club de l’âge d’Or, une maison des jeunes, mais je vous dirai que nous bénéficions d’une bibliothèque grâce au bénévolat de quelques personnes dévouées. Parce qu’il y a un club de lecture à Eastman, village des lettres oblige !

J’ai aimé les six années et demi que j’y ai vécues et je compte y revenir souvent en tant que visiteuse. Vous aussi, je l’espère !