BloguesChez Venise

La Romance des ogres

La vie continue et je n’abandonne pas ma mission de parler de la littérature québécoise. Par contre, permettez-moi cet encart :

Plus de cinq professeurs de droit et une dizaine d’avocats, mandatés par les fédérations étudiantes collégiale et universitaire, ont travaillé sans relâche cette nuit (17 mai) et continueront aujourd’hui (18 mai), aux côtés de l’équipe de la Clinique juridique Juripop et de Me Félix-Antoine Dumais-Michaud, afin d’être en mesure de s’adresser rapidement aux tribunaux suivant l’adoption de la loi spéciale. Chaque citoyen est également invité à prendre part à cette vaste contestation par l’entremise du site Internet : www.loi78.com

La Romance des ogres – Premier roman de Stéphane Choquette

Comment rendre avec justesse un roman qui se déploie généreusement (491 p), assez audacieux pour voguer du passé au présent, de la réalité à la fiction et ce, y intercalant correspondance, fable et roman ? En constatant qu’un des personnages centraux était une écrivaine, j’appréhendais ma lecture, pour la surabondance de premiers romans développant ce thème.

Quelle agréable surprise ce fut alors d’être happée malgré, mais peut-être grâce, à certains égarements qui entretenaient mon qui-vive. Persistait la sensation d’errer sous les toits de chambres sombres, d’où l’on ne discerne pas les pourtours du pouvoir que l’amour peut générer sur l’autre.

Il y a bien ce Simon et cette Noémie, deux inconnus au départ, qui se rencontrent en terre étrangère, le Japon, détaillés parce qu’exposés à la clarté de néons de restos et de couloirs d’hôtel. Une étincelle surgit entre leurs vies, mises entre parenthèses, mais le passé de Simon s’interpose. Une part de ce passé, qui tient dans une main a la forme du roman de l’écrivaine de renom Ellen Cleary, Un théâtre de marionnettes. Très jeune homme, il a vécu une histoire tortueuse avec cette femme, que l’on peut sans peine traiter d’ogresse.

Cet amour dévorant m’a interpelée au point où je brûlais d’enfiler l’histoire d’une traite, mais l’auteur aime faire languir, joue avec les ficelles des histoires et du temps. Et c’est un art qu’il maîtrise ! Cette grande dame de l’écriture, en surface, n’est qu’une écrivaine à succès, mais les coulisses de sa vie sont fascinantes. C’est par Simon, qui y a joué un rôle primordial pour lui (mais combien importante pour elle ?) qu’on y a accès.

Une fable s’insère également, écrite par Ellen Cleary ; je la prenais sans en faire grand cas, une épice piquante relevant le degré d’anxiété. La crise de couple que vit Samuel, médecin chercheur et père, s’intercale régulièrement, mais nous resterons sur notre faim jusqu’à la fin. Ce n’était peut-être pas l’essentiel du propos mais le lien entre son passé et ce présent aurait pu être clarifié.

Stéphane Choquette a tiré plusieurs ficelles et je salue encore sa hardiesse. Son roman m’a transformée en ogresse voulant avaler l’histoire d’une seule bouchée, prenant le risque de m’étouffer, tellement mon plaisir était grand.