Je ne sais pas si vous avez suivi la programmation du Festival International de la littérature (FIL) ? Moi, pas de près (je suis en région), mais nous nous sommes déplacés pour assister au cabaret Les éléments de Tristan Malavoy au Lion d’Or mercredi soir.
Depuis le temps que je désirais voir Tristan Malavoy sur une scène dans un spectacle entier, pas seulement des extraits, me voilà satisfaite. Après tout, deux albums ont vu le jour depuis 2006 et peu de spectacles en sont issus, l’auteur-interprète ayant été un peu beaucoup occupé à sa tâche de rédacteur en chef du Voir Montréal. Rien que ça ! Le voici plus libre maintenant qu’il est redevenu chroniqueur.
J’avais hâte, nous avions hâte, et une salle comme le Lion d’Or donne hâte. Refuge intimiste qui accueille les chansons dont les mots poussent sur la musique au lieu de l’inverse.
Quelles étaient mes attentes ? Vérifier si le journaliste et poète est une bête de scène ? Un peu, j’avoue. Tester qu’est-ce que donne en surplus le vive-voix, quelle pièce sortira des sillons sagement gravés de Carnets d’apesanteur et Les Éléments ? Assurément. Une autre attente, plus raisonnable celle-là, que l’on me permette de couler dans les mélodies douces, pour transcender la matérialité, en chevauchant la voix magnétique de Tristan Malavoy. Cette voix si particulière.
C’était soir de première. J’ai cru comprendre que l’agencement final des pièces était de dernière fraicheur. D’entrée de jeu, je vous dirai que ça paraissait un peu. Perso, ça tombe bien, j’aime l’ambiance des commencements où tremble la réalité sous les pas du doute. Toujours à l’affût de voir des bouts de coulisses dépassés sur scène, je cours les premières fois. J’imagine que ça garde à mon esprit que ce n’est pas parce que l’on est debout sur une scène que l’on se transforme en demi-dieu. Une fois la précision apportée, on peut apprécier ce spectacle, que je qualifierai de potentiellement vulnérable.
La première partie s’est faite assez discrète, les deux premières chansons frôlant la timidité paralysante. À partir du moment où Tristan Malavoy s’est adressé à nous, que l’on a entendu sa voix aussi belle au parler que lorsqu’elle chante, j’ai poussé un petit « ouf » pour lui et pour nous. Un mur était tombé.
J’ai aimé l’agencement des pièces musicales, une fouille fructueuse pour dénicher les perles de Carnets d’apesanteur (Tombé du Soleil, Crème glacée, Projectile et les Icares de l’amour) à intégrer à celles de Les Éléments.
Selon moi, la différence de taille entre l’album et le spectacle Les Éléments … mesure environ 5’ 7’’ : Amylie ! Sa voix, qu’on sent puissante roule des volutes envoûtantes. Certainement une valeur rajoutée puisque l’alliage de leurs voix atteint une perfection. J’irais jusqu’à dire que l’on a devant soi un duo, autant, et sinon même plus, qu’un soliste sur la scène. Si l’on retourne la médaille pour y voir l’envers, la vitalité d’Amylie porte ombrage à l’énergie discrète de Malavoy. L’interprétation de la chanteuse de son succès « Les filles » a d’ailleurs mis en évidence ce décalage entre eux, l’aura discrète et subtile de Malavoy a vite été délogé. Je prédis que lorsqu’il habitera ses récentes créations avec autant d’assurance que celles de Carnet d’apesanteur, ce contraste devrait un peu s’estomper.
La deuxième partie m’est apparue quasiment comme un deuxième spectacle, tellement elle semblait plus assumée. Certaines pièces ont frappé la scène de leur fulgurance. À remarquer, une fois que le chansonnier est échevelé, il est réchauffé ! Désolée, j’ai été si happée que je ne me souviens plus des titres mais je ne peux oublier l’interprétation d’un poème de Roland Giguère, tout en finesse, qui fait à coup sûr frissonner les âmes non frivoles.
J’ai surpris à quelques reprises Alexis Martin, derrière sa batterie, à rayonner d’entrain derrière le chanteur. J’aurais aimé voir Tristan Malavoy puiser plus souvent à même l’énergie de ses trois musiciens : Alexis Martin, Yves Labonté, Jean-François Leclerc. À la pimpante mélodie « Les p’tits cow-boys », le quatuor s’est rapproché (Amylie ayant quitté la scène) et le courant se mettant à circuler d’une manière plus évidente est venu se déverser dans la salle. L’auteur, compositeur et interprète a poussé l’aventure jusqu’à visiter du Jean-Louis Murat (chanson tiré du CD manteau de pluie – 1991) et du Serge Gainsbourg (clin d’œil pour nous inviter à libérer la place !). Cela nous a permis de constater qu’il sait imprimer aux œuvres des autres sa propre sensibilité.
Ce spectacle va plaire aux êtres sensibles qui savourent les mots qui élèvent l’esprit. Ils se laisseront gagner par ces mélodies qui bercent nos maux de société. On en ressort mieux et meilleur, me semble-t-il, avec collées au cœur des images lumineuses en patchwork.
Je reverrais ce spectacle n’importe quand.