J’étais fébrile de découvrir le nouvel emplacement, un chapiteau non loin du Cabaret d’Eastman, ce monument fier et surtout, moderne, contraste frappant avec les années passées où le lieu était une ancienne grange, son silo, et sa terrasse, je parle du Théâtre La Marjolaine.
J’ai pu réaliser encore une fois que l’âme ne loge pas dans la matérialité. L’essence du partage dégageait toujours son odeur concentrée et sucrée. Je suis retombée en amour avec cette fête de la LETTRE.
Faut dire que mon premier Café littéraire a commencé fort ; « L’Héritage de la parole » avec Thomas Hellman, Évelyne de la Chenelière, Tristan Malavoy-Racine. Ce dernier posait les questions, et j’ai trouvé que son affinité avec ces auteurs était une réponse.
La beauté de cette causerie s’est vue par la complicité des trois auteurs, courant sur la même longueur d’ondes. On y a abordé la responsabilité du dire, sous plusieurs de ses formes. En parlant de forme, Évelyne de la Chenelière m’a jetée par terre pour son élocution juste et vive. Plusieurs n’arrivent pas à écrire aussi bien qu’elle parle. La clarté règne dans son esprit, elle apportait d’infimes nuances sur un plateau de mots, et ses acolytes s’en inspiraient pour aller plus loin. Justement, autre fait notable ; l’écoute. Nous voyons assez souvent dans ce genre de causerie une nervosité dominante, légitime bien sûr, on pense à l’impression que l’on fait, on s’inquiète si notre message est compris, mais ici, le calme et la confiance rayonnaient. J’en conclus que le message a dépassé les messagers, ce que j’apprécie toujours beaucoup. Ils ne pensaient plus à leur égo mais par-dessus tout à dire justement pour partager pleinement.
Malgré la profondeur des propos, l’assistance a pouffé de rire à quelques reprises, dont au moment où Thomas Hellman, papa d’un poupon de deux semaines, a affirmé le plus sérieusement du monde qu’il allait lui faire lire La Peste de Camus !
Un petit miracle s’est produit (il s’en produit souvent aux Correspondances mais celui-ci est de taille), l’assistance est partie avec l’envie de lire de la poésie. Ce qui veut dire s’essayer ou se réessayer, en lecture intime, autrement que par l’entendre chanter. Leur dévotion commune pour le poète, Roland Giguère, si authentique, si intense en aura fait ainsi.
Une dame du public a posé une question de détective à madame de la Chenelière : « Je vois un post-it inséré dans votre recueil de poèmes, pourriez-vous nous lire l’extrait qu’il indique ? » Ça tombait bien, c’était le premier poème lu dans une bouquinerie », elle se rappelait qu’elle était tombé des nues devant l’effet procuré par ce poète qu’elle découvrait. Moment magique que ce murmure admiratif se levant de l’assistance après la lecture.
Je retiens également, c’est fou, parce que si simple, que les grands lecteurs de poésie en lisent très peu à la fois, jusqu’à un seul. Moi qui les imaginais boulimiques, dévorant à grosses lapées gourmandes un livre de poésie. Je vais mettre en pratique cette approche à petites doses, et peut-être vais-je mieux apprécier.
Sur le mode involontaire, seulement par sa flamme, Évelyne de la Chenelière a rendu un bel hommage à Marie Cardinal. Elle m’a fait regretter de ne pas avoir lu L’Inédit de Marie Cardinal, ces carnets intimes fouillées par ses filles Alice et Bénédicte Ronfard, et par l’éditeur Annika Parance. Que Thomas Hellman ait abordé la poésie de Giguère par le folk m’intrigue également, assez pour être tentée, surtout que c’est un livre-disque.
Suite dans les prochains jours pour vous transmettre mes impressions sur Bla-Bla Blogue : Le monde à l’heure d’internet avec Catherine Voyer-Léger et Caroline Allard. Animation : Danièle Bombardier.