Ce n’est pas le genre de choses qui se pressent : la veille de ces 50 ans, trois planches de bande dessinée seront exposées au Musée des Beaux-Arts de Montréal. Marsi en est encore étonné et même Frédéric Gauthier, co-fondateur de La Pastèque, a déclaré, lors de la conférence de presse du 5 novembre, s’attendre à un « non » du Musée quand il s’est avancé avec son idée audacieuse.
Ils sont quinze bédéistes à participer à cette exposition pour quinze d’années d’existence de La Pastèque. Quinze pour quinze et ce n’est même pas calculé, c’est juste un petit tour du hasard. Les fondateurs de La Pastèque, Martin Brault et Frédéric Gauthier ont tout bonnement demandé qui voulaient, de leurs auteurs, participer à ce jumelage d’œuvre du Musée et de planches BD. Quinze ont levé leur crayon dont, Marsi, mon mari. Il a accepté, même en étant débordé, son album Colis 22 (156 pages) tardant à décoller de sa table à dessin pour aller s’imprimer. (Il sortira finalement en avril, pour le Salon du livre de Québec. Il le faut puisque l’histoire est plantée dans les rues de Québec, quasiment une visite guidée de la ville sous le couvert d’une comédie policière).
Après cette longue parenthèse, revenons à cette BD qui s’expose au Musée. Quelle idée quand même d’avoir mis les œuvres permanentes du Musée sous leurs yeux, en leur disant : Choisissez celle qui vous inspire ! Mon premier réflexe a été de penser qu’ils allaient tous choisir des tableaux. C’était mal connaître les bédéistes, et je l’ai découvert au lancement, le 5 novembre : un tourniquet, des sculptures et des plus originales (celle de Siris… hum, faut la voir pour le croire !), une chaise, oui, une chaise, une gravure, un pan de tissu, un buste, une affiche. Et des tableaux, bien sûr, des tableaux. D’ailleurs, mon Marsi a choisi Cycliste et corneille, un Alex Colville, peintre canadien décédé à 93 ans en juillet dernier.
À partir de l’œuvre choisie, feuille vierge, carte blanche, zéro contrainte, le bédéiste a composé un monde, une histoire, un environnement. Il interprète l’œuvre élue par une ou plusieurs planches de bande dessinée.
Un pont relie l’univers de l’œuvre sortie de la collection permanente du Musée et celle du bédéiste, et ce n’est pas immédiatement évident au premier regard. On regarde, apprécie, admire mais on aimerait parfois avoir l’artiste près de soi, qu’il nous parle de sa vision. Même cela a été prévu. Sur place, un film roule en boucle, donnant la parole et l’image à chacun d’entre eux. Les voir à leur dessin en plein exécution, les entendre parler de leur démarche en général ou de l’œuvre en particulier nous les fait sortir du carcan de vedette. Ils sont bel et bien vivants, vibrent et doutent, cherchent et s’inquiètent, creusent et rapportent des trésors de leur imaginaire pour nous les offrir. Ces entretiens ont été tournés pendant la période de gestation, soit dans leurs pièces de travail ou dans des endroits publics : sur l’eau, en forêt, dans une cour à scrap ! Signé et réalisé par deux talentueuses femmes, Joanne Comte et Anna Lupien, ce film est une œuvre à part entière. Suite au visionnement, l’envie tenaille de refaire la tournée et revoir le jumelage des œuvres, y ajoutant le regard du bédéiste au nôtre.
À toutes les personnes réticentes à entrer dans un musée pour le côté impressionnant, plus grand que soi, cette exposition est une excellente manière de ramener l’art à la hauteur de vos yeux. C’est une manière de s’approprier des trésors nichés entre ces hauts et imposants murs du Musée, parce qu’il est pour et à nous ce Musée, se plait de dire sa directrice, Nathalie Bondil.
Nos bédéistes ont décrochés les œuvres de leur piédestal. Il y a à mon avis un très beau message d’envoyé, celui qu’une œuvre d’art nous appartient, en ce sens que nous avons pleinement le droit de l’interpréter comme on l’entend. Ce geste ne retire en rien la part de respect, et même d’admiration, qu’elle nous inspire. C’est de les laisser s’empoussiérer, les ignorer, qui est le plus grand des affronts.
Quinze œuvres vous attendent, revues par quinze regards qui y donnent une autre vie. Les bédéistes les font parler, et c’est même littéralement dans le cas de Leif Tande !
Ce n’est pas une simple exposition, c’est une expérience, et elle est gratuite. Amenez-y vos jeunes, ceux qui lisent de la bande dessinée, et les autres aussi, la chance est royale de leur donner une idée positive et contemporaine de ce lieu riche qu’est le musée.
Exposition du 6 novembre 2013 au 30 mars 2014 – entrée gratuite
Lundi : fermé
Mardi, Mercredi, Jeudi, vendredi : 11 h 00 à 17 h 00
Samedi et dimanche : 10 h 00 à 17 h 00
C’est avec un grand plaisir que j’ai lu votre billet, chère Madame Landry.
Votre mari, reconnu pour son art, c’est une nouvelle formidable !
Parce que nous sommes plusieurs, artistes dans des domaines divers, à ne pas avoir beaucoup de reconnaissance…
Ainsi, moi qui suis outre scénariste (passé) de quelques bandes dessinées (non-publiées, hélas !), je suis surtout un musicien multi-instrumentiste auteur-compositeur. Entre autres occupations…
Et voilà qu’après que de mes chansons aient joué ici, aux États-Unis, en Europe, au Moyen-Orient et également (depuis la dernière année) joué à la radio au Vietnam (la Socan me verse d’ailleurs des redevances), je sens poindre un début de reconnaissance à l’égard de ce que j’ai fait. Bien sûr, tout ça est encore loin de la belle reconnaissance de Marsi, votre mari!
Transmettez-lui mes plus chaleureuses félicitations.
Entre créateurs, il faut se tenir et s’encourager.
Bonne journée!
Je vais m’empresser de le faire, merci de sa part, il va en être touché.
Ce n’est pas gagné, il faut maintenant que le Colis 22 soit à la hauteur des attentes. Heureusement, il n’est pas du tout le genre à s’assoir sur ses lauriers.
Je suis contente pour vous que la reconnaissance commence à poindre à l’horizon de votre vie, comme un soleil rougeoyant !