C’est décidé, sans maintenant l’ombre d’une hésitation, je ne mets plus le soulier chez Renaud-Bray. Blaise Renaud a déclaré en plein coeur d’une entrevue avec Noémi Mercier dans L’Actualité : « Si j’avais une chaîne de 30 magasins de souliers, j’aurais le même plaisir à gérer mon entreprise ».
J’ai décidé de parler une langue qu’il comprend.
Terminé ce temps où, au nom du souvenir de bons moments passés dans ces magasins, je vais continuer à les fréquenter. Si cette chaîne décide un jour de vendre de tout, excepté des livres, je reconsidérais ma décision car j’aime beaucoup leur babioles hétéroclites (sans blague).
Je défie quiconque, saisissant les enjeux du milieu du livre et croyant un tant soit peu à la solidarité, de lire attentivement cet article de l’Actualité et de continuer à encourager son entreprise. Désolée, mais un patron qui veut faire cavalier seul dans le milieu culturel, la cliente que je suis déclare « Laissons-le seul ». Il est clair que ce qu’il veut, selon ses propres mots, c’est secouer la chaîne du livre […], un carcan contraignant et désuet. La chaîne du livre est une ineptie. On parle comme si chacun dépendait de l’autre, était responsable de l’autre, rajoute-t-il, sans l’ombre d’un malaise.
Et si encore ce n’était que des paroles, on pourrait se dire, il est baveux, cela va bien à sa barbe de trois jours mais il accompagne ses mots de gestes implacables, comme sortir de ses librairies les œuvres de Philippe Béha, auteur et illustrateur jeunesse ayant osé le contredire publiquement, et tant qu’à y être, la maison d’édition Lux également.
Mais le pire du pire, sortir 300 éditeurs québécois d’entre ses murs en acculant leur distributeur Dimedia sur le pas de la porte, en changeant brusquement un mode de paiement courant. Dimedia n’a pas plié l’échine et a riposté en privant RB de livraisons de centaines de titres. Donc, en ce moment, chez Renaud-Bray vous ne trouvez pas nombre et nombre de titres de vos auteurs. Mais Blaise Renaud s’entête parce qu’il se sent fort, de plus en plus fort avec six succursales récemment rajoutées à sa chaîne. Devant de grosses pointures (ah, les souliers !), on doit s’incliner, doit-il se dire dans sa tête de patron de 29 ans.
Et ce conflit, que dis-je, cette querelle du « Moi, je suis le plus fort et je vais vous avoir à l’usure » dure depuis six (6) mois. La moitié d’une année !
Comment le faire changer d’idée ? Mathieu Bock-Côté a pensé à l’implorer (ou le toucher) en lui écrivant une lettre publique. Je n’y crois pas une miette, un entrepreneur ayant une si haute opinion de lui-même «Je ne suis pas là parce que je suis le fils du boss. Je suis là parce que ce que je fais, jusqu’à preuve du contraire, c’est moi qui le fais le mieux.» n’entend pas la raison de la solidarité, encore moins celle de la sentimentalité.
Avec la venue du numérique, le monde du livre est menacé, ce qu’il sait pertinemment, et il a des idées pour le contrer, mais ne daigne pas regarder dans la même direction que les plus petits, il préfère placer son énergie à grossir. Pour Blaise Renaud, des livres, des bibelots ou des chapeaux, ce sont des items qu’il faut vendre, pour entendre les refrains répétés des caisses enregistreuses, douces à ses oreilles depuis son plus jeune âge.
Si vous comptez sur le conseil d’administration pour l’inciter à mettre de l’eau dans son vin, oubliez-ça, il s’est organisé pour qu’il n’y ait que deux personnes : lui et son père de 75 ans, Pierre Renaud, qui n’a plus le droit au chapitre dans les décisions courantes. D’ailleurs, le père refuse de se prononcer à chaque fois que son fils aîné se met à dos les gens du milieu. Et c’est bien évidemment chose courante. En quatre ans qu’il tient la barre, il a réussi à s’aliéner à peu près tous les acteurs du milieu. On le dit belliqueux, dur, impitoyable envers ceux qui lui résistent, un genre de tyran qui aime montrer son pouvoir. Il serait mieux à Wall Street, vont jusqu’à dire certains.
Que son entêtement coupe les vivres de quelques maillons de la chaîne ne va pas l’attendrir si l’on suit sa logique de la chaîne du livre, une ineptie dont il faut s’affranchir afin que chaque acteur se responsabilise.
Eh bien moi, j’ai compris et décidé de me responsabiliser ; je ne mettrai plus mon pied chaussé sur les planchers des BR. Ne vous méprenez pas, ce n’est plus chez Renaud Bray que je n’irais plus, il faut inverser les lettres, c’est chez BR, chez Blaise Renaud que je ne mettrais plus les pieds. Pourquoi le ferai-je ! Pour encourager ce loup solitaire prêt à manger son prochain sans l’ombre d’une hésitation ! Cela va contre tous mes principes de solidarité que j’aime retrouver dans le milieu culturel. Surtout qu’une alternative répond largement à mes valeurs: La rue des libraires. J’y trouve tous les titres et aucun égo tonitruant de pédantisme.
Madame,
Juste un petit mot en réaction à votre article d’opinion personnelle , signe des temps, tout le monde donne son opinion. En fait,j’aurais juste une question : où êtes vous (vous et tous les autres ardents défenseurs de la culture,quand une librairie ferme ses portes?
C’est aisé et confortable de critiquer mais quand il s’agit de vraiment s’impliquer…
Elle est où votre solidarité ? Vous appelez à boycotter mais appelez-vous à une campagne de soutien,par exemple, pour aider un libraire en difficulté financière?
Ça me semble manquer de cohérence et surtout de courage.
Bonne journée
Tatiana Pouzaud
Bonjour !
C’est justement mon dévouement pour la littérature québécoise qui fait sortir mon cri du coeur. Depuis 7 ans et demi, je consacre environ 20 à 25 heures par semaine pour promouvoir la littérature québécoise qui a peu de lecteurs. À commencer par le Passe-Mot, un carnet littéraire personnel où je lis et commente la littérature québécoise, et La Recrue du mois, un webzine collectif où nous sommes environ une douzaine de rédacteurs pour mettre en vitrine les premiers auteurs. Je vous invite d’ailleurs à visiter ces sites (URL ci-dessous).
Je lis en moyenne 85 livres par année et mon mari est auteur. Nous sommes de grands consommateurs de livres, je peux vous l’assurer. Je baigne dans ce milieu depuis une dizaine d’années, ayant travaillé pour Les Correspondances d’Eastman pendant un certain temps.
J’ai un rêve et j’espère l’accomplir, visiter et acheter un livre dans chacune des librairies du Québec, en région reculée où les gens sont passionné, n’ayant pas le choix de l’être pour survivre. Dans chaque ville où nous mettons les pieds, nous entrons dans la librairie. Pour nous, c’est le plus beau des musées !
http://passemot.blogspot.ca/
http://larecrue.net/
Pour l’amour du livre,
Venise
J’ai lu l’article dont tu parles, j’ai tout de suite pensé à te l’envoyer, mais je vois que tu m’as devancé! Comme toi, le personnage de Blaise Renaud me désespère : il aurait besoin d’une bonne leçon d’humilité. J’espère que le public la lui donnera en écoutant l’appel que tu fais, avec d’autres, au boycott de Renaud Bray. Personnellement, j’y compte bien!
J’avais déjà suivi un peu l’historique de ce personnage.
L’affaire Philippe Béha, ses politiques plus mercantiles que culturelles, sa manière très McDo d’écraser la « concurrence » des petites librairies indépendantes, etc.
J’en étais venu à le classer parmi ces fils de fondateurs d’entreprise (ce qu’il est), élevé pour prendre la succession avec une formation très financière.
Et qui deviennent effectivement des financiers ne voyant dans l’entreprise héritée qu’un outil de profit et de spéculation financière.
Ses méthodes, son attitude cassante (et vindicative) avec ses contradicteurs, sa désinvolture envers ses employés et la mission de son entreprise (perçue comme un empire personnel plutôt qu’un médium de transmission culturel), me rappelle un autre héritier et grand financier: PKP.
Même certitude d’être « le meilleur », même attitude arrogante, même mépris de ses travailleurs, mêmes tactiques d’écrasement et de rachat des concurrents, même manœuvres financières.
Il semble que c’est le destin des fondateurs d’empires commerciaux que de faire former leur fils aîné comme un requin de la finance, en faire son héritier et le laisser se convaincre qu’il est le « plus grand » et le « meilleur ». Et dénaturer l’entreprise, réduite à une « usine à cash ».
J’habite en région et entre 2 visites aux librairies sises à 70 km de chez-moi j’avais l’habitude de passer quelques commandes de livres sur le site de Renaud-Bray qui, je croyais, représentait plus mes valeurs que Archambault. Ton texte et l’entrevue du monsieur en question dans l’Actualité me convainquent de me tourner vers une autre source d’approvisionnement quant à l’achat de mes bouquins. J’exige être traité comme un lecteur pas un vulgaire consommateur.
Vous pouvez toujours passer vos commandes sur le site leslibraires.ca et ainsi encourager les librairies indépendantes à distance !
J’aime bien ce Blaise Renaud. Baveux à 30 ans, ça lui apprendra, comme on dit, avec l’âge, il se calmera. Entrer dans une librairie nu pieds à -30 en janvier, j’ose pas essayer. En passant madame, les jeux de mots, faut faire attention, encore plus quand ça jongle avec des prénoms.
Il se prénomme Blaise, ce Renaud, comme l’autre Renaud chanteur sans prénom affichable, comme dans Cendrars, ou encore mieux, comme dans Blaise Pascal, celui du révolté contre les Jésuites, les ceusses qui ont inventé le sublime collège Brébeuf, ici. Vous vous prénommez Venise, c’est pas de votre faute, j’en conviens, mais c’est pas une raison pour venir vous en vanter les canaux littéraires dans le VOIR.
Et votre appel au boycott, en plus, par chaussures interposées, permettez, madame, ça me rappelle un très mauvais souvenir, celui de ce magasin de chaussures sur la Plateau qui en vendait, et des meilleures, fabriquées en Israël dans des échoppes où y travaillaient des Palestiniens, des Palestiniens syndiqués, entre autres, comme chez Renaud-Bray.
Le problème, avec les non-dits, et il est encore pire ici avec votre jeu de mots , c’est qu’ils déshonorent le prénom des deux grands écrivains nommés ci-haut qui les ont portés très haut au bout de leur génie…
Capote pas !
Pour les Blaise que vous admirez, j’ai isolé le prénom « Blaise » dans mon titre.
Ceci dit, j’adore mon prénom, Venise, que je porte fièrement, et remercie ma mère une fois de plus d’avoir osé ce prénom rare à l’époque.
Je pense qu’effectivement, Blaise Renaud est dans une « phase de jeunesse' », et il devra apprendre à assouplir ses relations avec les médias et la communauté. Croire par contre qu’il diffère de son père, comme semblent le rappeler plusieurs avec une certaine nostalgie, c’est avoir la mémoire courte : Pierre Renaud décrivait lui-même ses librairies comme les « Jean Coutu du livre » et se voyait très clairement comme un homme d »affaire plus que comme un libraire. Ce qui n’arrange rien dans cette crise, c’est le renforcement négatif des médias au niveau des rumeurs : jamais RB n’a « sorti les livres de Béha de ses librairies »; Les affirmations de Béha étaient fausses (pas de livres jeunesse québécois dans les RB) : le contraire se vérifie à la première visite. Hier encore, lors de l’entrevue de Pierre Godbout, Radio-Canada affichait un bandeau qui affirmait que RB refusait de vendre les livres distribués par Dimedia, ce qui est également mensonger : c’est bel et bien Dimedia qui refuse de livrer à RB les livres des éditeurs qu’il distribue. Bien entendu, ni Dimédia ni Béha ne rectifient ces rumeurs. Ni RB ni Dimedia ne sont des anges : Dimedia est une corporation commerciale au même tire que RB, et les deux possèdent les atouts pour régler le conflit. Mais là où RB reste dans une réserve prudente, Dimedia tente de porter le conflit qui les sépare (et qui est actuellement devant les tribunaux) sur le terrain d’une guerre de rumeures et d’opinion. Cela n’est pas joli joli.
À la fin des années 80, Renaud-Bray avait un inoubliable jingle accompagnant sa publicité télé. 25 ans plus tard, je l’ai encore en tête :
Renaud-Bray, c’est tout un monde
Remplis de livres et de disques
C’est un vrai supermarché
C’est le supermarché de la culture
Je suis tout à fait d’accord et merci du lien! Chez BlIse Renaud plus jamais!