Première fois que je m’approche d’aussi près d’une course à la chefferie. Pas un sprint puisqu’elle durera une demi-année (fin en mai), parlons d’un marathon. Il faudra avoir le souffle long pour bondir sur le fil d’arrivée aussi beaux, intacts, brillants qu’à la ligne de départ. Sans trace de sueur et de suaire.
Ces six marathoniens vont passer l’hiver sous la chaleur des projecteurs :
ALEXANDRE CLOUTIER – 37 ans. Avocat. Diplômé de l’Université d’Ottawa et de l’Université de Montréal. Doctorat à Cambridge. Incarne la jeunesse et le renouveau.
MARTINE OUELLET – 45 ans. Ingénieure. Diplômée en génie mécanique à McGill. Titulaire d’un MBA aux HEC. Montréal. Se présente comme une souverainiste «pressée» et fait de la lutte contre l’austérité libérale son cheval de bataille.
BERNARD DRAINVILLE – 51 ans. Journaliste. Titulaire d’une maîtrise à la London School of Economics – il a invité le PQ à s’engager à ne pas tenir un référendum lors d’un éventuel premier mandat.
JEAN-FRANÇOIS LISÉE – 56 ans. Journaliste, professeur. Licence en droit, maîtrise en communication à l’UQAM. Progressiste, écologiste, humaniste, il jouit de longs états de service au PQ.
PIERRE CÉRÉ – (? ans) Écrivain, homme politique, originaire de Rouyn-Noranda. Il œuvre depuis une trentaine d’années à la défense des droits socioéconomiques et politiques, tant au sein de la société québécoise que sur le plan international.
PIERRE KARL PÉLADEAU – 52 ans. Homme d’affaires. Diplômé en philosophie à l’UQAM et en droit à l’Université de Montréal. Donne au PQ une forte crédibilité en matière d’économie. Fait beaucoup réagir.
Avec les règles ci-dessous, il faut être drôlement motivé pour se présenter candidat :
♠ 20,000 $ en poche – non remboursable – dont 10,000 $ au moment de la remise du bulletin
♠ 2,000 signatures, dont un échantillonnage de 10 dans chacune des 9 régions et 50 circonscriptions (jusqu’au 30 janvier pour les accumuler)
♠ J’ai également appris que je pouvais rajouter ma signature de membre du parti sous chacune des six (6) listes de (2,000) candidats et plus, même si j’ai un préféré.
Je pensais qu’en plaçant ma signature sous le nom de Jean-François Lisée, je choisissais. Mais non. J’aime cette règle qui donne son plein sens au mot « course ». L’idée est de donner une chance aux coureurs.
Pensez-y, six. Nous sommes chanceux, à cette huitième course à la chefferie de la vie du Parti Québécois, nous avons six personnes de valeur qui vont débattre des idées. Et nous n’avons pas affaire à des deux de piques ! Qu’il soit en si grand nombre démontre l’importance de l’enjeu. Dans le passé, plus souvent qu’autrement, certains se tassaient pour laisser la place à celui le plus fortement pressenti. Pour pas qu’on ait l’air d’être en chicane devant les yeux qui nous regardent.
Non. Pas cette fois. Nous grandissons en âge et en sagesse pour savoir que discuter n’est pas se chicaner. Et que sans discussions, il y a des frustrations. Cette course va élire un nouveau chef, et possiblement un ministre, au train où va l’aversion à « l’austérité » de Philippe Couillard. Et certains prédisent que ce sera PKP.
Qu’il soit le chef pressenti n’est surtout pas à prendre comme une fatalité, ni un bonheur, non plus une horreur, encore moins un couronnement, puisque c’est une course où rien n’est encore joué. Le favori peut s’enfarger et tomber. Ou s’épuiser. Ou se tirer dans le pied. Ou ne pas répondre aux questions. Je savais déjà qu’il y avait des défaitistes, et bien ça a l’air qu’il y a aussi des « victoristes », des gens qui donnent des victoires à l’avance.
Ça me frappe jusqu’à quel point PKP fait dans le grandiose. À commencer par la cérémonie de candidature d’hier, une fête comme si on célébrait déjà quelque chose. C’est l’impression qu’il veut donner bien sûr. Il joue la carte du grand gagnant. Je ne suis pas dupe, l’êtes-vous ? Le point culminant a été ma découverte des chandails no 1 à son effigie que portait chacun de ses bénévoles. Est-ce que la politique est un sport ? Et qu’il suffit de lever le poing pour gagner ?
Quoiqu’il en soit, je prédis un éblouissement, le projecteur est trop fort braqué sur sa personne, il aveugle.
Je me méfie du vedettariat, autant que de la poudre aux yeux qui aveugle. Et je tiens à assister à cette course les yeux grands ouverts. Je veux voir une course où six individus motivés et expérimentés échangent sur des questions primordiales. Je ne veux pas uniquement des questions, j’attends des réponses qui tombent de leur bouche. Un objectif, tout le monde en a, mais les moyens pour l’atteindre est ce qui fait la différence pour moi.
J’entends une rumeur qui gronde, une rumeur d’inquiétude. Ne se le cachons pas, PKP n’a pas que des sympathisants, il a de féroces détracteurs*. Certains ont peur de lui comme d’un loup capitaliste dans une bergerie socialiste. Ces personnes sont les plus convaincues qu’il va gagner la course. La peur les amène à lui concéder tout de suite la victoire. Un instant, elle n’est pas décidée cette victoire, elle dépend de chaque personne qui va prendre sa carte de membre et voter. Elle dépend de vous, si vous la prenez. Aussi simple que ça ! Ce n’est pas une grosse machine qui va faire la différence, ce sont les votes. En restant spectateur, il y a des chances de s’enfoncer dans la mare du cynisme. Et la mare de cynisme, on en a mare.
*cette phrase a été écrite avant les déclarations du fou furieux, dit rappeur.
Bel exercice que vous faites ici, Madame Landry, en nous présentant les candidats en lice pour le marathon s’étalant de 2014 à 2015.
Mais en ce qui me concerne, la seule fois que j’aie voté PQ, c’était en 1976. Parce que le chef s’appelait René Lévesque. Depuis – et malgré votre enthousiasme à propos des candidatures actuelles à la chefferie – je n’ai jamais décelé chez quiconque s’étant engagé dans les courses péquistes l’ombre d’une candidature approchant la qualité, l’empathie à l’égard des autres, ou même la classe du légendaire premier chef du PQ.
S’il me fallait malgré tout opter pour un des candidats en lice, je porterais mon dévolu sur Jean-François Lisée. S’il s’astreint à enfin mettre un peu d’ordre dans ses idées, à se fixer clairement, il serait possiblement le meilleur choix pour garantir la continuité du PQ.
À l’inverse, deux candidats se démarquent fortement – à mon avis, du moins – quant à leur grande toxicité autant pour le PQ que pour le Québec en entier, et ce de quelque allégeance que l’on soit.
D’abord, il y a Bernard Drainville, le grand diviseur. Ce qui pourrait entraîner advenant son élection une montée de xénophobie, pire encore que celle ayant été si difficilement contenue lors du projet de Charte. Personne ne devrait vouloir revivre ça.
Puis, il y le risque très manifeste que nous nous retrouvions à toutes fins pratiques dans une oligarchie si Pierre-Karl Péladeau devait l’emporter, d’abord à chefferie et ensuite lors de la prochaine élection. Ce serait le pire recul depuis plusieurs décennies et cela n’augurerait rien de bon pour notre avenir collectif.
Mais peut-être n’êtes-vous pas de cet avis, de même que plusieurs autres. Quoi qu’il en soit, je tiens à inciter tout le monde à la prudence. Car il en va bien au delà du choix d’un nouveau chef d’une formation politique. Il ne faut pas courir le risque de basculer bêtement dans le chaos ou dans la déception profonde…
Là-dessus, je sous souhaite une bonne journée – malgré tout.
Pour Drainville, je crois que vous vous trompez. Lui-même a enterré très rapidement et sommairement son projet quelques jours à peine après le 7 avril (ce qui montre le caractère purement « stratégique » du projet). À des journalistes qui l’interrogeaient il a simplement répondu: « Le projet est mort » et il n’en parle plus depuis, essayant de s’en détacher.
J’ai été surpris d’ailleurs qu’un homme intelligent comme lui puisse s’être prêté au jeu de ce projet divisif, alors qu’il visait, à terme, à devenir chef un jour ou l’autre. J’imagine qu’il comptait que Marois soit réélue majoritaire et avoir le temps, en 4 ans, à s’illustrer autrement, à faire oublier l’affaire et à placer ses billes. Mauvais calcul, et terriblement risqué parce qu’il était loin d’être assuré que Marois soit réélue majoritaire (même si sa victoire ne faisait aucun doute avant l’arrivée de PKP).
Bref, Drainville n’a aucune intention de ressortir de la tombe son funeste projet qu’il s’est dépêché d’enterrer après la défaite avec une épitaphe aussi courte que sommaire.
Je partage vos craintes face à PKP. Bien que je souligne que nous sommes depuis longtemps dans une oligarchie.
(C’est d’ailleurs le seul qui joue avec l’idée de ressortir le projet Drainville du cercueil).
Pour ce qui est de Lisée: aucune chance. D’une part, malgré sa vaste intelligence, il manque de continuité dans les idées, se pliant trop facilement aux aléas de la ligne de parti, pas un bon chef selon moi. Et son image d’intellectuel est mortelle pour un chef de parti en Amérique du nord.
Le seul que je trouve intéressant est celui qui, justement parce que nous sommes déjà dans une oligarchie, a le moins de chance et finira sans doute bon dernier. Vous ne voyez pas qui ? Énumérez (sans tricher) la liste des candidats. Et celui dont le nom vous vient en dernier à l’esprit (si tant est que ce ne soit pas le seul qu’on vous ne retrouviez plus de mémoire) et vous aurez probablement trouvé.
C’est le seul dont on ne parle jamais.
Votre « malgré tout » me confirme jusqu’à quel point la chose politique est lourde pour vous !
Chacun a le droit à ses perceptions bien sûr, mais d’un autre côté, qui a le temps de scruter à la loupe objective chaque candidat et ses propositions !
Je réalise de plus en plus combien (et j’en suis plutôt malheureuse), combien la politique est une question d’images et d’influence. Ce qui fait que ça manque de substances premières, je trouve.
A lire sur le même sujet: http://blogues.journaldemontreal.com/joseelegault/politique-quebecoise/que-veut-pkp-son-discours-de-lancement-decode/#comment-101171
À votre invite, P. Lagassé, je suis allée lire Josée Legault. Un papier complet et respectueux qui découle d’une vraie écoute du discours. Lorsque c’est un candidat comme Lisée ou Drainville, on a rien à y apprendre, elle les connait par coeur, donc plus besoin de les écouter vraiment.
J’en ai profité pour lire votre premier commentaire où vous nous sortez du conte de fée (euh… PKP en fée ?&!) pour nous ramener directement à son passé. Judicieux.
Pour ce qui est de toutes vos propositions en réponse à un m. Gauthier, je n’ai pas tout lu et je me reprendrai.
Ce que je voulais également vous dire est que je pense que votre préféré pour le moment est Pierre Céré. Voilà.