À l’arrivée, pas un chat au Square Victoria. En fait, si : un groupe de personnes âgées qui portent le carré rouge caractéristique de ceux qui s’opposent aux frais de scolarité. Louis me dit qu’ils sont venus méditer pour la paix dans le monde. Louis semble occuper depuis un bon bout déjà si je me fis à ses joues rouges.
Depuis que c’est plus permis de dormir là, le nombre d’occupants présents diminue. C’est beaucoup plus tentant de flâner au lit un samedi matin que de se pointer là, n’est-ce pas? Parfait! Ça fait le tri des occupants, les plus courageux sont présents. Louis a résisté sous Pinochet, il m’explique qu’à l’époque, la police tuait les Chiliens au lieu de les avertir. Alors le froid? Pff.
Il dit que pour prendre des bonnes décisions, c’est impossible de faire ça d’en haut, il faut vivre sous la tente et savoir à quel point c’est dur de sortir faire pipi vers minuit, il faut goûter au café froid en matinée. Autrement dit, faut goûter à la misère pour mieux l’enrayer. Louis est séparatiste, mais il ne croit pas au PQ, il aime pas trop les partis qui ne sont pas capables de rester unis. Selon lui, faut voter Québec Solidaire. Il est animé d’une énergie contagieuse qui se traduit en juron, deux fois. Étant une demoiselle, il s’excuse sincèrement avant son tabarnac et son Calisse, me précisant qu’il n’est pas vulgaire, que c’est le folklore québécois! Sympathique.
Le second occupant a quelques dents en moins et se proclame non-corporate welfare en riant. Louis comprend pas bien l’anglais, je tente de traduire l’expression tant bien que mal; BS non-corporatif? C’est pas facile traduire. Je sais pas son nom. Appelons-le l’homme à la tuque. Louis et lui son d’accord sur un point, c’est le moment de l’évaluation. C’est le temps de faire le point sur ce que le mouvement veut, sur ce qu’il faut faire. Louis dit qu’on a pas le choix de passer par la politique.
L’homme à la tuque rappelle que les clochards sont les bienvenus sur la Place du peuple, mais qu’un code de conduite doit être établi. Quelqu’un est trop soul pour se tenir debout? Out. Quelqu’un devient violent? Out. J’enchaîne sur la violence, je leur dis que j’ai vu La Chinoise de Godard et que je crois pas que la violence soit la seule solution pour faire une révolution. Je crois pas que c’est une bonne idée de poser des bombes dans les universités pour changer le système d’éducation. Dans le film, une caméra se transforme en fusil, une radio aussi. C’est brillant, une belle image pour montrer la force de ses médiums et surtout, des idées qu’ils propagent. Alors, pas de violence? Leur réponse est mitigée. Peut-on ébranler le pouvoir à coup de marche pacifique, de grève générale? Louis offre une idée lumineuse : « Si tout le monde arrêtait de travailler? Si on arrête les machines pendant 24 heures, interdis d’aller au boulot! »
Ça s’est une bonne idée. Encore là, faudrait que tous ceux qui forment le 99% embarquent. Encore pire, faudrait que ce fameux 99% le sache. Seconde bonne idée : Occupy Money
Ayant la mauvaise habitude de me planifier trois choses en même temps, j’interview un monsieur à l’autre bout de la ville à midi et il est déjà midi et dix. Merde. L’assemblée générale commence à une heure. Je serai jamais revenue à temps. Merde!
Alors la suite demain. En fait non, après-demain. Parce que demain, je vous raconte comment l’art est une solution, en commençant par la manière de Pol Pelletier.